Cannes jour 9
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Et aussi : Claire Denis pour Stars at noon, L'Innocent de Louis Garrel et La Montagne de Thomas Salvador.

La star du jour : Austin Butler (Elvis, hors compétition)

Ce neuvième jour de festival restera comme celui de l’audience royale. A 10 heures du matin, dans un palace cannois, Première avait rendez-vous avec le Roi Elvis. Son interprète, du moins, celui qui le ressuscite dans le biopic extravagant de Baz Luhrmann, à savoir Austin Butler. Austin qui ? Mais si, vous savez, le disciple de Charles Manson qui menaçait de tuer Brad Pitt à la fin de Once upon a time… in Hollywood. « I’m the devil and I’m here to do the devil’s business. » Avant ça, on l’avait croisé aussi bien chez Jim Jarmusch (The Dead don’t die) que dans Hannah Montana. Et le voici soudain, en chair et en os, dans la suite où il s’apprête à donner des interviews à la chaîne. En noir de la tête aux bottines, les cheveux gominés comme en 56, le regard qui électrise et ne vous lâche plus, un charisme fou, une beauté d’ange rockabilly, une voix de crooner qui emplit la pièce et rebondit contre les murs. Cet homme, manifestement, a décidé de devenir une star. Il parle superbement des différentes facettes d’Elvis, de ce que celui-ci a signifié pour l’Amérique et de ce qu’il pourrait bien encore signifier grâce à ce film. Il nous rappelle qu’il a travaillé avec deux cinéastes ayant imaginé Presley en spectre, ou en apparition (Jarmusch dans Mystery Train, Tarantino dans True Romance), comme pour suggérer que tout était écrit d’avance. On sait qu’il joue un peu la comédie, bien sûr, pour que les journalistes aient un chouette papier à écrire, qu’ils racontent qu’il est encore in character, que l’esprit du King vit toujours en lui. Mais bon sang, qu’est-ce qu’il joue bien. Austin qui ? Pas d’affolement. D’ici la prochaine cérémonie des Oscars, vous devriez le remettre.

Le Festival de Cannes confirme Elvis et dévoile une nouvelle photo avec Austin Butler et Tom Hanks
Warner Bros.

L’interview du jour : Claire Denis, réalisatrice de Stars at noon (en compétition)

Quelques mois après avoir remporté l’Ours d’argent de la meilleure réalisation à Berlin avec Avec amour et acharnement, Claire Denis est en compétition pour la Palme d’or avec un nouveau film, Stars at noon, histoire d’amour sur fond de troubles politiques au Nicaragua, starring Margaret Qualley et Joe Alwyn.

Quel film vous a donné envie de travailler avec Margaret Qualley ?

Once upon a time… in Hollywood, que j’ai découvert à Cannes il y a trois ans. Ça faisait longtemps que le livre de Denis Johnson, Des étoiles à midi, avait percuté ma vie et que je voulais l’adapter. En la voyant dans le Tarantino, je me suis dit : « C’est elle ». C’était clair et net.

Elle a de nouveau dans Stars at noon cette allure hippie qu’elle avait dans OUATIH et, comme Tarantino, vous semblez adorer filmer ses pieds…

J’adore les pieds de ballerine de Margaret. Mais ce côté hippie, c’est vraiment elle, vous savez. Elle vient d’une famille hippie. Son père a vécu pendant quinze ans sur une plage au Panama, dans une maison qu’il avait construite lui-même.

Vous n’aviez pas été en compétition à Cannes depuis Chocolat, en 1988. Être en compète, hors compète, pas en compète, à Un certain regard... Quelle importance y attachez-vous ?

Au fond, j’ai toujours su que j’étais un peu hors route nationale. Plutôt route départementale, quoi. Ça ne m’a pas étonnée, ni blessée, que Trouble Every Day soit projeté en séance de minuit, parce qu’on ne pouvait pas montrer à l’époque des choses trop violentes en compétition – du reste, c’était mieux comme ça. Je ne me suis jamais sentie comme un cheval de course.

Cette année, le président du jury, Vincent Lindon, est un acteur avec qui vous venez de faire un film…

C’est atroce ! On ne peut même pas se parler ! Quand j’ai été présidente du jury Un certain regard, c’était dur de donner le prix à Hong Sang-soo, parce que c’est mon ami. Il est arrivé bourré, d’ailleurs, il m’en a voulu. Mais Vincent est au-dessus des petitesses. Il fera ce qu’il veut

La vidéo du jour : Charlotte Le Bon, réalisatrice de Falcon Lake (Quinzaine des Réalisateurs)

Avec ce premier film en tant que réalisatrice, l'actrice québécoise adapte une bd de Bastien Vivès et raconte l’éveil à la sexualité de deux ados en flirtant avec le fantastique et le film de fantômes. Rencontre.


 

Le décor du jour : la montagne dans La Montagne (Quinzaine des Réalisateurs)

Vraiment malin, Thomas Salvador : son film se déroule à la montagne, eh bien il l'appelle La Montagne. Hyper raccord, rien à dire. Blague à part, ce deuxième long du réalisateur de Vincent n'a pas d'écaille ne nous laissera pas un souvenir impérissable (l'histoire d'un Parisien qui claque tout pour installer un bivouac en altitude et ne plus redescendre. Belle idée pour film assez interminable), mais impossible d'oublier son décor principal, l'Aiguille du midi. Jamais vraiment montrée dans sa vertigineuse verticalité, la montagne est envisagée ici à la fois comme un paysage transformateur et un foyer (possiblement le seul foyer) inamical mais proprement stupéfiant, cotonneux malgré sa rudesse. Un nid à remplir et surtout à explorer dans ses recoins les plus cachés, dans ses failles démasquées par la neige fondue. Le personnage y trouvera un élément fantastique très zarbi, sorte de vie intra-utérine qui lui permettra de faire la paix avec son monde intérieur. Pas de doute : la montagne ça vous gagne.

La Montagne
Le Pacte

La comédie du jour : L’Innocent de Louis Garrel (Hors compétition)

C’est le genre de film qui fait un bien fou au cœur d’un festival comme Cannes où le rire est une denrée rare. Une comédie inspirée à Louis Garrel par sa mère Brigitte Sy qui, au fil des cours de théâtre qu’elle donnait en prison, est tombée sous le charme d’un détenu qui est devenu son compagnon. Brigitte Sy avait raconté cette histoire en 2010 dans Les Mains libres. Garrel en fait la base d'un récit loufoque où le fiston (Garrel lui-même), craignant pour la sécurité de cette maman rebelle (Anouk Grinberg), commence à espionner avec sa meilleure amie (Noémie Merlant) ce petit voyou qui jure avoir raccroché (Roschdy Zem). Il ne se doute pas que la rencontre avec son nouveau beau-père va profondément changer sa vie. L’Innocent est un film irrésistible d’espièglerie, d’intelligence et de classe où, alors que rien n’est vraisemblable, on a envie de croire à tout. Scénario enlevé (que Garrel co-signe avec l’écrivain Tanguy Viel) mêlant comédie, romantisme, et film de casse, casting épatant et BO impeccable célébrant la variété comme art majeur (d’Une autre histoire de Gérard Blanc au I Maschi de Gianna Nannini en passant par le slow de Craig Armstrong, Let’s go out tonight) : on se croirait dans un Lelouch des 70’s façon La Bonne année.

L'Innocent
Ad Vitam

Le film du jour : Leila et ses frères de Saeed Roustayi (en compétition)

Un an après le choc La Loi de la Téhéran, l’iranien Saaed Roustayi débarque pour la première fois dans la compétition cannoise. La Leila de son titre est une femme qui tente envers et contre tout de sortir sa famille de la faillite où l’a conduite sa bande de frères, petits magouilleurs qui échouent dans tout ce qu’ils entreprennent. Elle trouve ainsi la bonne affaire capable de remettre tout ce petit monde à flot et avait tout anticipé sauf le fait que son père va préférer consacrer ses économies à une donation pour le mariage d’un cousin de la famille et devenir le patriarche du clan. Un titre prestigieux auquel il n’entend renoncer pour rien au monde, quitte à précipiter la ruine des siens. Inscrit dans un Iran étranglé par une crise économique massive, Leila et ses frères a tout d’un diesel. Il met beaucoup trop de temps à démarrer mais une fois cette installation opérée, le film décolle au gré de scènes explosives où aucun de ces personnages (campés par un casting sans fausse note) n’entend se laisser marcher sur les pieds et céder un pouce de terrain. Il y a du Affreux, sales et méchants dans cette tragédie familiale qui flirte plus souvent qu’à son tour avec la comédie noire et joue efficacement avec l’épuisement des spectateurs. Leila et ses frères ne cherche jamais à se rendre aimable et son aspect en surrégime permanent en fera décrocher certains au fil de 2h45 qui auraient gagné à être resserrées. Mais au moins Roustayi va au bout de son parti pris façon jeu de massacre des travers d’une société iranienne gangréné par les dérives du patriarcat et des magouilles sans éclat à tous les étages.

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Leila et ses frères
Wild Bunch Distribution