Il y a tout juste dix ans, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux recevaient ce prix historique en compagnie du réalisateur Abdellatif Kechiche.
Alors qu'on attend de connaître le palmarès du 76e festival de Cannes, (rendez-vous demain soir pour suivre en direct la cérémonie de clôture), on fête aujourd'hui les 10 ans de la Palme d'or de La Vie d'Adèle. Retour en cette journée heureuse, avant qu'une polémique n'éclate sur les conditions de tournage des scènes de sexe explicites de ce drame amoureux.
La Vie d'Adèle est un chef d'oeuvre brûlant [critique]Article du 26 mai 2013 : « Puissant », « magistral », « énorme », « choc émotionnel » : La Vie d'Adèle a reçu un tonnerre d'applaudissements lors de sa présentation et a terrassé une critique quasi unanime, dominant la compétition par la puissance de sa mise en scène et la performance de ses actrices. Steven Spielberg et son jury se sont joints au consensus en distinguant non seulement le film et son réalisateur, mais aussi Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, avec qui Abdellatif Kechiche partage sa Palme.
Cinq ans après les collégiens d'Entre les murs, le Festival de Cannes, sous une nouvelle présidence américaine, décerne donc sa plus belle récompense à un film français, qui ausculte la société et sa jeunesse.
Le choc politique
Drame amoureux d'une intensité rare, La Vie d'Adèle est aussi un film politique, qui interroge les rapports de classes, les moeurs, la différence et le regard des autres à travers l'histoire de cette passion brûlante entre deux femmes. On aurait pu craindre un emballement hexagonal sur ce film franco-français qui s'ouvre sur une analyse de La Vie de Marianne, et on avait posé la question à Jordan Mintzner, critique du Hollywood Reporter : « La manière dont il ausculte le corps social a frappé les critiques étrangers » estimait-il hier, le regard que porte Kechiche sur cette jeunesse militante, décomplexée, qui vit dans son époque étant en fait une des qualités vantées par la presse étrangères. La caméra de Cantet posée dans une salle de classe avait déjà prouvé l'efficacité du réalisme du cinéma français et de son énergie quand il filme sa jeunesse, et son successeur au palmarès est en partie son héritier. Kechiche aurait d'ailleurs en projet une adaptation de François Bégaudeau, l'auteur d'Entre les murs...
Le tsunami émotionnel
Mais à l'épreuve du réel, on ajoute chez Kechiche l'universalité d'une histoire d'amour. « Au fond, le film explose les codes du cinéma français. Effectivement, il y est question de Marivaux, mais ce que raconte Kechiche, c’est une love story et c’est là qu’il touche tout le monde » insistait le journaliste du Hollywood Reporter. Et s'il s'agit d'une histoire d'amour entre deux femmes, filmé par un homme, et de manière très explicite - on a rarement filmé des scènes de sexe avec autant d'intensité et de réalisme - et qu'on ne peut ignorer sa portée politique, surtout dans un pays divisé par la loi sur le mariage pour tous, la puissance émotionnelle du film de Kechiche emporte tout. Il se défendait d'ailleurs en conférence de presse de tout acte militant, et nous confiait qu'il ne s'était absolument pas intéressé à l'homosexualité : « Pendant le tournage j'ai rarement eu conscience qu'il s'agissait de deux femmes. Je regardais deux personnages qui s'aiment et l'idée qu'elles étaient du même sexe m'a échappé ».
L'évidence de la mise en scène, des personnages, d’une énergie et d’un cinéma en action rares s'est imposée à tous, à la critique internationale, au public de la cérémonie qui lui a fait une incroyable standing ovation, comme au jury de Steven Spielberg. Tous ont unanimement reconnu dans La Vie d'Adèle, au-delà du réalisme social, des échos politique et de l'érotisme brûlant, la puissance d'une oeuvre destinée à marquer le cinéma de son empreinte.
Léa Seydoux : "On en a bavé sur La Vie d’Adèle, mais ça valait la peine"
Commentaires