Agents très spéciaux - Code U.N.C.L.E
Warner Bros

La comédie d'espionnage revient dimanche soir sur TFX.

Les années 60, la guerre froide, deux barbouzes que tout oppose (Henry Cavill et Armie Hammer)… À première vue, Agents très spéciaux - Code U.N.C.L.E. semblait réciter bien sagement tous les clichés du film d’espionnage à papa, quelques semaines après le survitaminé Mission : Impossible - Rogue Nation et deux mois avant 007 Spectre.

Sauf que Guy Ritchie ne fait rien comme tout le monde, surtout pas quand on lui laisse le champ libre pour adapter une série américaine un peu oubliée. Le réalisateur le plus punk d’Hollywood repart en tandem avec Lionel Wigram, le producteur qui l’accompagne depuis son premier Sherlock Holmes. Et fuck off la concurrence.

Première avait rencontré le duo à la sortie du film, en 2015. Nous republions cet entretien à l'occasion de la diffusion de cette comédie d'espionnage réussie. Rendez-vous dimanche soir sur TFX pour la (re)voir.

Comment deux Anglais comme vous ont réussi à adapter cette série télé américaine sur laquelle plusieurs se sont cassé les dents ?
Lionel Wigram : La série américaine a été inspirée à l’origine par un personnage anglais : James Bond. On a grandi avec Bond et les films d’espionnage et on avait très envie de faire un film de ce genre. On voulait revisiter ça, apporter notre style. 

Et que reste-t-il de la série dans le film ?
Guy Ritchie : L'opposition entre ces deux agents, l'un Américain, l'autre Russe. On leur a imaginé des backstories, on a développé ces personnages selon notre goût. Et puis les années 60, bien sûr. Sinon on s'est beaucoup écarté de la série, on n'était pas enchaîné à elle. C'était une excellente base dont on s'est emparé. 

LW : Le fait que ça déroule à l'époque donne forcément l’impression qu’on rend hommage à l'âge d'or du cinéma d'espionnage, mais c'est plus un contexte qu'autre chose. Et c'est vraiment un film de Guy Ritchie dans le sens où c’est divertissant, parfois sombre, fun mais pas débile. Et ça ne se prend jamais au sérieux.

Avez-vous intégré des éléments du script sur lequel Steven Soderbergh avait travaillé ?
GR : Ce qu’on a lu n’était pas utilisable. Il y avait des idées mais on ne savait pas ce que c’était : une parodie, autre chose ? Impossible à dire. L’histoire ne marchait pas… On a repris à zéro, on n’a même pas utilisé une syllabe. Je n’aurais rien pu en faire. 

Agents très spéciaux sort à une période où le film d’espionnage revient en force. Pas trop dur de se différencier de la concurrence ?
GR : Une fois qu’on a su qu’on allait faire ce film, il ne nous est même pas venu à l’idée qu’on devait reproduire les codes du film d’espionnage moderne. Parce que ça se déroule dans les années 60 et parce qu’on n’est pas les types les plus sérieux du monde, on allait occuper un espace totalement différent des autres. On n’avait pas réalisé qu’on s’attaquait à un marché bondé. Et je n’ai toujours pas l’impression qu’on puisse nous comparer à ce qui se fait ailleurs en ce moment. 

Henry Cavill et Armie Hammer en mode James Bond dans le très cool Agents très spéciaux - Code UNCLE

Vous avez aimé Kingsman ? J’ai l’impression que c’est un film que vous auriez pu réaliser.
GR : Matthew Vaughn était mon producteur il y a longtemps, c’est normal qu’on ait un ton en commun ! Ce film a des couilles, les gens l’aiment, tant mieux pour lui. D’ailleurs c’est marrant, quand on tournait Agents très spéciaux, il faisait Kingsman dans le studio d’à côté. Et je ne savais même pas que c’était aussi un film d’espionnage. Je n’avais pas pigé que c’était le même truc dont il m’avait vaguement parlé il y a vingt ans. 

Qu’est-ce qui vous excite le plus : les personnages en hoodies un peu crades ou les types en costumes, bien propres sur eux ?
GR : Tout m’intéresse. Mais je ne crois pas en avoir fini avec des films au style plus "délicat", ça me plaît bien. J'aime pervertir les genres, que ça parte dans des directions inattendues. Je déteste les conventions. Par exemple au début, je ne voulais pas de course-poursuite en bateau, parce que c’est chiant. Je les ai toutes vues, ça m’ennuie. Finalement j’ai trouvé ça plus drôle de suivre la scène du point de vue du mec qui n’est pas dans la course-poursuite. Il mange un sandwich et boit du vin au lieu de regarder ce qui se déroule sous ses yeux. Ça, ça me fait marrer.

Une vague de réalisateurs anglais semble avoir pris une partie du pouvoir à Hollywood, comment l’expliquez-vous ?
GR : Les réalisateurs anglais ont toujours été populaires. À l’époque on avait Ridley Scott ou Alan Parker. D’ailleurs un mec dont on ne parle plus trop alors qu’il a une filmographie incroyable. Aujourd’hui il y a qui ? Christopher Nolan, Matthew Vaughn, Rupert Sanders… Un super réalisateur de publicités celui-ci d’ailleurs (rires)

Il y a aussi Edgar Wright, Rupert Wyatt, Joe Wright, Sam Mendes
GR : Ouais. Mais je crois qu’il y a toujours eu plein d’Anglais à Hollywood, une sorte de 50/50. Je ne pense pas que ce soit vraiment nouveau. Il y a peut-être une voix un peu plus irrévérencieuse de nos jours, mais je n’ai pas l’impression qu’on soit plus nombreux. 

Comment garde-t-on son âme dans un blockbuster comme celui-ci ? Comment éviter de se faire dévorer par les studios ?
GR : Ce n’est pas un problème pour moi. 

Ça l’est pour certains réalisateurs.
GR : Je vois ce que vous voulez dire. Je crois qu’ils passent trop vite de petits films indépendants à de grosse productions. Il faut un passage intermédiaire, où on peut garder sa voix. Petit, moyen, grand. Si vous tenez le truc dans un film à moyen budget, ça roulera pour le grand. Je comprends que dans une énorme production, un réalisateur pas assez expérimenté, pas assez sûr de son style, se fasse écraser par les studios. Parce qu’il n’a pas le recul nécessaire pour savoir si la pression qu’on exerce sur lui est justifiée ou pas. On peut le pousser à faire des choses qui détruisent sa vision. Et il faut avoir une voix, être sûr de ce qu’on fait, sinon ça devient un film de studio. Je ne dis pas que c’est facile, c’est juste un fait. Quand on vous propose un énorme blockbuster et que vous débutez, vous n’êtes pas sûr de ce qui va se passer mais vous acceptez, parce que l’offre est alléchante. C’est l’expérience qui crée la voix d’un réalisateur, il faut ensuite choisir les projets qui vous permettent de l’exprimer. Parfois on se demande comment un réalisateur qui fait un premier film génial peut se retrouver à la tête de trucs pourris. C’est qu’il faut mettre les choses au point dès le départ : est-ce que j’aurai ma voix ou pas ? Les meilleurs films sont ceux qui suivent la vision d’un seul homme, pas d’un groupe. 

Interview François Léger


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