Les films de la strada

On soumet des titres de films au réalisateur de Money, il nous dit si on a vu juste ou pas.

On était sans nouvelles de Géla Babluani depuis qu’il était parti aux USA tourner le remake de son premier long, le très bon 13 Tzameti. Il revient avec Money, grosse proposition de film noir « à l’ancienne » (c’est lui qui le dit) dont l’efficacité narrative et l’atmosphère poisseuse laissent déjà imaginer le super remake US qu’on pourrait en tirer… En attendant, on a soumis au réalisateur des titres de films dont on pensait qu’ils pouvaient l’avoir influencé. Un prétexte, bien sûr, pour mieux parler de son film à lui.

Le Havre (Aki Kaurismäki, 2011)

 
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Money a beau avoir des airs de film noir américain, avec son titre anglais et son casting de gueules (Vincent Rottiers, Benoît Magimel, Louis-Do de Lencquesaing…), il bénéficie pourtant beaucoup de son enracinement dans la réalité du Havre, ville emblème de la mondialisation dans laquelle Kaurismäki a récemment posé sa caméra.
Géla Babluani 
: « Je n’ai pas voulu voir le film de Kaurismäki, pour ne pas être influencé… A l’origine, le scénario avait été écrit pour la Normandie. Puis, en cours de route, on a décidé de situer l’intrigue à Détroit, une ville que je connais bien pour y avoir vécu six mois. Finalement, on a choisi Le Havre, qui est un peu le Détroit français. C’est vraiment une ville qui s’y prêtait. On a tourné dans un endroit qui s’appelle « le village », avec des habitations ouvrières désertées, des énormes usines à l’abandon, et qui est séparé du port, c’est-à-dire de l’industrie, par un mur. C’est très symbolique. Il y a aussi une ville haute et une ville basse, comme s’il y avait la France d’en haut et la France d’en bas. La nuit, là-bas, il y a une belle atmosphère de film noir. »

Killer Joe (William Friedkin, 2012)

 
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La quasi intégralité de Money se déroule en huis-clos, dans l’appartement d’un politicien corrompu joué par Louis-Do de Lencquesaing. Huis-clos, atmosphère oppressante, la violence vue comme un rituel théâtral… Pour un peu, on se croirait dans le Killer Joe de Friedkin.
Géla Babluani :
« C’est difficile pour moi de parler d’influences, la plupart sont inconscientes. Je base mes histoires sur des faits réels, des choses que j’ai connues, pas sur d’autres films. Mais les lieux sont en effet toujours importants pour moi. C’est de là que je pars : la maison de 13 Tzameti, le pont de L’Héritage… Un lieu principal qui est le cœur du film, autour duquel je bâtis tout le reste, et dans lequel tous les personnages finissent par se retrouver. »

Notre critique de Money

After Hours (Martin Scorsese, 1985)

 
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L’autre aspect théâtral de Money, c’est son unité de temps : l’action y est concentrée sur une nuit. Ce qui signifie qu’il appartient à cette famille de films se déroulant entre le crépuscule et le petit matin blême, dont l’emblème absolu reste le After Hours de Scorsese.
Géla Babluani :
« After Hours, c’est lequel ? Celui avec Nicolas Cage ? Ah non, désolé, je crois bien que c’est le seul Scorsese que je n’ai pas vu ! Mais la nuit, c’est en effet un très bon support pour raconter des histoires. Il y a aussi Collateral dans ce genre-là. Je réalise en vous parlant que je fais des films qui se déroulent sur des temps très resserrés. J’avais remarqué pour les lieux, mais la durée, non, je n’avais jamais réfléchi à ça… Le temps très court, c’est bien, ça impose naturellement un rythme, une urgence. »

Fargo (Joel Coen, 1996)

 
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L’incroyable enchaînement de rebondissements qui ponctuent l’intrigue de Money donnent parfois à l’ensemble des airs de fable absurde. Avec quelques blagues en plus, on pourrait presque être chez les Coen. N’est-ce pas, Géla ?
Géla Babluani :
« Pas du tout ! Fargo, c’est l’histoire de cette femme flic dans le petit bled, c’est bien ça ? Rien à voir ! Je comprends que, dans ce genre de situation, plus la situation est grave, plus elle peut paraître absurde. Donc drôle... Mais je n’ai pas du tout pensé aux Coen. J’aime bien ce qu’ils font pourtant. Pas tout. Ils varient vraiment d’un film à l’autre. D’eux, j’aime The Barber, No Country for old men… Surtout The Barber, en fait. »

L’argent (Robert Bresson, 1983)

 
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Money : un bon titre, simple, clair, efficace. Cash comme du Robert Bresson.
Géla Babluani :
« Ah, c’est un grand classique, ça ! Ceci dit, je préfère les films plus vieux que ça, le néo-réalisme, le cinéma soviétique… Mais si c’est pour parler du titre, sachez qu’on a beaucoup hésité. Pas mal de gens nous demandaient pourquoi on donnait un titre anglais à un film français. On nous proposait des alternatives, « le blé », « le pognon », mais ça faisait cheap… Money, c’est un mot très simple, qui pèse beaucoup dans notre société. C’est pas vraiment un titre anglais, en fait. Money, tout le monde comprend, tout le monde sait ce que c’est. »

Money, actuellement en salles.