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Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

JUSQU’À LA GARDE ★★★★☆ 
De Xavier Legrand

L’essentiel
Un exercice de style tétanisant, un film de terreur domestique étouffant qui marque la naissance d’un cinéaste à suivre.

On a rarement écrit ce genre de phrases par ici, mais Jusqu’à la garde est d’une perfection quasi-absolue. Un morceau de cinéma qui n’a pas grand-chose à voir avec le gros de la production française habituelle. Un premier (!!) long-métrage qui possède une puissance expressionniste étourdissante, empile les images à la composition folle et fait jaillir des plans qui hantent le spectateur pour longtemps.
Gaël Golhen

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PREMIÈRE A AIMÉ

STRONGER ★★★☆☆
De David Gordon Green

Il y a quelques mois sortait Traque à Boston, action movie dopé à l'adrénaline dans lequel Mark Wahlberg coursait contre la montre les auteurs des attentats du marathon de Boston, perpétrés en 2013. Loin de la chasse à l'homme effrénée, David Gordon Green revient à son tour sur cette tragédie en racontant la vie de Jeff Bauman, un trentenaire de la lower middle class tout ce qu'il y a de plus banal, fan des Red Sox et de Bud light, qui va voir sa vie basculer après avoir perdu ses jambes lors de l'attaque terroriste.
François Rieux

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REVENGE ★★★☆☆
De Coralie Fargeat

En matière de films d'horreur aujourd'hui, tout est question de cannibalisme (et de digestion) : que faire une fois qu'on a bien dévoré tous les maîtres ? Coralie Fargeat, déjà réalisatrice d'un joli court de science-fiction transhumaniste (Reality+), a visiblement un métabolisme efficace. Revenge raconte donc comment Jennifer, maîtresse d'un riche homme d'affaires, se fait violer par l'un de ses amis pendant une partie de chasse au milieu du désert. Laissée pour morte, elle va exercer une vengeance sanglante. 
Sylvestre Picard

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NI JUGE NI SOUMISE ★★★☆☆
De Samuel Jouy

Elle est marrante la juge. Elle conduit une vieille 2CV, tance un voyou en lui expliquant que, désolée, mais cette fois-ci elle va être obligée de le foutre en taule parce qu’on ne peut pas agresser les gens à répétition comme ça. Elle s’amuse avec les flics en leur demandant de mettre le pimpom dans les embouteillages bruxellois, questionne une prostituée sur ses meilleures techniques de branlette. La musique fanfare, le générique dessinée, le principe mi-voyeur mi-roublard. Dès le début, on  sait où on met les pieds : Ni Juge ni soumise est un épisode de Striptease étendu sur la durée d’un film. Les principes fondateurs de l’émission belge sont tous là : le refus de l’objectivité, le droit pour les auteurs d’imposer leur toute-puissance et de faire de cette juge, de ces flics, de cette prostituée ou de ces familles immigrés disloquées tout ce qu’il veulent. Avec tout ce qui fait qu’on a toujours trouvé cette émission aussi fascinante que malaisante comme le montage arbitraire ou le droit de briser les gens. Et puis, tout à coup, dans la dernière demi-heure, survient un coup de théâtre sidérante. Une séquence atomique. La juge se retrouve face à une jeune femme qui a commis l’irréparable. On bascule en un plan dans la folie et le monstrueux. Et tout s’arrête : les gentilles conneries de la juge comme le regard amusé des documentaristes. Sidérés, aussi stupéfaits que leur héroïne, ils enregistrent sans filtre la parole effroyable de cette mère. En quinze minutes de logorrhée, le réel a repris ses droits. Le cinéma et la morale aussi. Le dispositif est mort, la juge sonnée, le spectateur bouleversé. Tout le monde se retrouve à poil, comme dans un vrai… Striptease.
Gaël Golhen

THE RIDE ★★★☆☆
De Stéphanie Gillard

Des cavaliers Sioux qui avancent au galop dans de vastes plaines, plumes et bâtons de prières fièrement brandies, comme en parfaite communion avec la nature : ces images cinématographiques bien connues s’invitent dès les premières minutes de The Ride et portent en elles la force épique escomptée. Mais la particularité du remarquable documentaire de Stéphanie Gillard est de doter ces plans d’une dimension plus sensible et empathique que jamais. Car la réalisatrice suit ici la chevauchée qu’effectue chaque hiver pendant quinze jours la tribu amérindienne des Lakotas en mémoire de leurs ancêtres massacrés il y a 125 ans sur ces mêmes terres du Dakota. Au cœur d’un périple qui voit ces survivants se réapproprier leur histoire avec détermination pour mieux la transmettre aux jeunes générations, la solidarité vient se nicher dans chaque séquence. On est notamment frappé par la poignée d’adolescents que la caméra filme tendrement : à la fois Américains et Sioux, ils connaissent tous les détails du massacre de Wounded Knee, savent que la culture de leurs aïeux a été broyée par les États-Unis mais n’en abordent pas moins l’existence avec sérénité. En captant l’intense vivacité d’une mémoire qui, bien qu’encerclée par les autoroutes, les centres commerciaux, les stations-services et les clôtures de toutes sortes, refuse de s’effacer, ce premier long métrage documentaire délivre en fin de compte une nouvelle mythologie indienne, résolument digne et contemporaine.
Damien Leblanc

VIVIR Y OTRAS FICCIONES ★★★☆☆
De Jo Sol

Antonio est écrivain et tétraplégique. Activiste, il milite pour que les personnes souffrant d’un handicap puissent assouvir leurs besoins sexuels. Forcément, cela interpelle et peut déranger. C'est le cas pour l’aide-soignante mais aussi pour l’assistant de vie d’Antonio, qui ne comprennent pas puis qui ont du mal accepter que leur patient fasse appel à une prostituée et utilise son appartement comme maison close. Sur fond de progressisme, Jo Sol met en avant le quotidien difficile de ces hommes et de ces femmes qui chaque jour vivent dans l’ombre des valides. Un moment de vie où la barrière floue entre fiction et documentaire file le tournis.
Alexandre Bernard

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

CRO MAN ★★☆☆☆
De Nick Park

Un long travelling arrière où des hommes préhistoriques s'entretuent avant de découvrir le football grâce à la météorite qui a tué les dinosaures ; un cro-magnon dont le meilleur ami est un gros caillou ; une chasse à un lapin espiègle qui tourne mal. Non, décidément, tout le génie d'Aardman tient dans ces micro-moments, ces petites boulettes d'humour où le talent minutieux des artisans de Bristol fait des merveilles ; où la plasticine est changée en or. Malheureusement, Cro Man contient bien peu de ces pépites au-delà de la liste qu'on vous donne.
Sylvestre Picard

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LE LABYRINTHE : REMÈDE MORTEL ★★☆☆☆
De Wes Ball

Les Blocards échappés du Labyrinthe doivent retrouver leur compagnon Minho, détenu par l’organisation WICKED qui cherche à guérir le mal qui ronge la terre en faisant des expériences sur les jeunes sujets du Labyrinthe. Thomas, Newt et leur équipe de rebelles se lancent à sa recherche, à travers les méandres de la Dernière Ville, QG de l’état totalitaire dirigé par WCKD. Wes Ball avait l’intention de créer trois films que l’on puisse distinguer du premier coup d’œil par les couleurs emblématiques : le premier est centré sur la nature, le deuxième se noie dans l’ambiance ocre de la Terre Brûlée, et le dernier dans la froideur métallique de la ville totalitaire. Les éléments classiques sont repris : les jeunes hors du commun, la population décimée par un événement inattendu, le contrôle permanent de l’état sur la population, la technologie futuriste … C’est un film objectivement divertissant, mais rythmé par des scènes cliché qui laissent un goût amer de déjà vu. On se surprend cependant à être happés par l’énergie des multiples scènes d’actions et par une certaine originalité macabre : des personnages de premier plan sont éliminés du tableau, alors qu’on s’attendrait plutôt à ce qu’ils soient sauvés au dernier moment. Bien partie, avec son univers fantastique connecté à nos peurs les plus intimes (les monstres arachnoïdes terrifiants qui grouillent dans les recoins sombres du labyrinthe, endroit mystique dont il paraît impossible de s’échapper), cette saga laisse comme un sentiment d’inachevé.
Leïla De la Vaissière

ENGLAND IS MINE ★★☆☆☆
De Mark Gill

C’est l’histoire de Steven Morrissey avant qu’il ne devienne leader des Smiths. L’adolescent dépressif sous l’icône de la pop anglaise. Un petit film sur la petite histoire, en forme de « coming-of-age story » dans le Manchester blafard des années Thatcher, dont les contraintes de productions font office de carburant. N’ayant pu utiliser les chansons de l’artiste, Mark Gill se rabat sur celles qui ont construit sa personnalité. Ne pouvant piocher dans ses citations au vitriol, il imagine une voix off « à la manière de » plutôt ressemblante, mais fatalement édulcorée. Même peine pour l’acteur écossais Jack Lowden, qui n’a qu’une seule occasion d’imiter (bien) les inflexions vocales et attitudes scéniques de Morrissey. Comment faire entrer l’esprit de l’homme dans cet espace réduit ? La bonne idée du film consiste à le réduire encore, limitant le contexte aux éléments de décor et évidant le scénario de son potentiel romantique. Pas de héros ici mais un fils à maman sans volonté, replié sur sa superbe intérieure. Mais le fan derrière le réal’ fait barrage : soucieux de l’approbation de son sujet (qui n’a jamais répondu à ses appels), il construit chaque vignette comme un moment-clé psychologique, recense les obsessions du Moz par le menu et fantasme la création musicale à travers ses clichés – celui de la chambre à coucher, de la rencontre fondatrice, de l’invention de soi dans un monde récalcitrant, de l’inné contre l’acquis. Dommage qu’après avoir bravé tant de contraintes, England Is Mine s’en invente de nouvelles tout aussi embarrassantes.
Michaël Patin

LE VOYAGE DE RICKY ★★☆☆☆
De Toby Genkel et Reza Mamari

Ricky, un moineau recueilli par des cigognes, est abandonné par ses parents adoptifs lorsque la famille part migrer en Afrique. L’oiseau commence un voyage mouvementé pour retrouver sa famille de l'autre côté de la Méditerranée. Ce copié-collé allemand du Monde de Nemo s'adresse en priorité aux plus petits. Mais que les adultes ne s’imaginent pas non plus la séance à roupiller. Le rythme est impeccable, les vannes font mouche et le bestiaire du film est réellement imaginatif : la perruche fan de disco, la chouette obèse-gothique mal dans sa peau, les pigeons connectés accros à Internet... Un gang de piafs qui donne au Voyage de Ricky une sorte de folie maîtrisée, pas si éloignée des cartoons de Chuck Jones, que les films d'animation plus cossus peinent souvent à atteindre.
Sylvestre Picard

AGATHA, MA VOISINE DÉTECTIVE ★★☆☆☆
De Karla Von Bengston

Détective en herbe, Agatha Christine, 10 ans, commence à enquêter sur son jeune voisin d’en face dont le comportement lui paraît suspect… Ce premier film d’animation danois s’adresse en priorité aux 6-12 ans. Avec son graphisme à plat stylisé, ses seconds rôles archétypaux (la mère seule volontaire, la grande sœur vacharde, le garçon ténébreux) et son héroïne bienveillante mais maladroite, Agatha… assure l’essentiel, sans surprendre.
Christophe Narbonne

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

HUMAN FLOW ★☆☆☆☆
De Ai Weiwei

Aujourd’hui, plus de 65 millions de personnes fuient leur pays par la force des choses (famine, guerre, climat) mais au lieu d’agir, la société mondialisée détourne lâchement les yeux. Heureusement, grâce à Ai Weiwei, vous allez enfin pouvoir les observer, ces pauvres migrants. Et de près. Durant un an, la star de l’art contemporain installée à Berlin a supervisé un tournage pharaonique dans pas moins de 23 pays, se rendant aussi sur place. Comment montrer à bonne distance cette foule hétéroclite de femmes, d’hommes et d’enfants entassés dans des bateaux de fortune, parqués dans des camps géants, refoulés aux frontières après de harassants périples ? Ai Weiwei ne choisit pas, empilant approches et éléments au gré du vent. On assiste ainsi à une mosaïque informe et frustrante d’interviews expéditives (spécialistes, politiques, associatifs…), d’extraits de poèmes kurdes et de plans touristiques en drone façon Yann Arthus Bertrand, sans que jamais le regard ne se fixe nulle part durant 2h20, sinon sur Ai Weiwei lui-même, en plein happening humanitaire (accolades, échange de passeports, coupe de cheveux, etc). Les rares témoignages de migrants sont si superficiels qu'ils semblent tous dire peu ou prou la même chose (à quoi bon quitter un enfer pour un autre ?), ce qui est assez gênant pour un docu soucieux de conférer un visage plus « humain » aux chiffres égrenés par des JT - pourtant ici pastichés. Mais Ai Weiwei a une excellente excuse : il était trop occupé à faire des selfies.
Éric Vernay

 

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