Inherent Vice : quel enquêteur supercool se cache derrière Joaquin Phoenix ?
Quel privé supercool se cache derrière Joaquin Phoenix ?
Un détective fauché, des escrocs de la haute société, des flics, des putes et des femmes fatales, le tout <em>in sunny California</em> : la première bande annonce d'Inherent Vice, comme le roman de Pynchon dont il est adapté, convoque tous les classiques du genre. Pour les réactualiser, <strong>Paul Thomas Anderson</strong> a rappelé <strong>Joaquin Phoenix</strong>, bien sûr, qui évoque tour à tour les plus grandes figures de privé du cinéma. Versant cool et comique.Passage en revue.<strong>Frédéric Foubert</strong>
J.J. Gittes ?
Arrêtons-nous un instant sur la tronche d?Eric Roberts : les traits tirés par les nuits blanches arrosées au bourbon, des valoches XXL sous les yeux, une allure de redoutable salopard? Il est Mickey Wollfman, le promoteur immobilier richissime autour duquel va tourner l?intrigue. Mais on le jurerait surtout modelé sur le Noah Cross (<strong>John Huston</strong>) de Chinatown, incarnation du Mal absolu contre lequel J.J. Gittes (<strong>Jack Nicholson</strong>) livrait un combat perdu d?avance. <em>Forget it, Doc, it?s Chinatown ?</em>
Hunter S. Thompson ?
Tiens, Benicio del Toro. Dans le rôle de l?avocat Sauncho Smilax. Difficile de ne pas penser à Las Vegas Parano, où l?indispensable Benicio prodiguait déjà des conseils juridiques en sa qualité de Docteur Gonzo. D?un film à l?autre, il est le sidekick d?un fouille-merde au look discutable et défoncé jusqu?à la moelle. Doc Sportello, Hunter Thompson, même combat ?
The Dude ?
Un privé à la coule, qui fume des joints et mène l?enquête dans l?atmosphère viciée et néo-chandlerienne de la haute société californienne? Au moment de la publication du roman de Thomas Pynchon, <em>Vice Caché</em>, on n?a pas pu échapper aux comparaisons du personnage de Doc Sportello avec le Dude de The Big Lebowski. Et on y aura sans doute droit à nouveau quand sortira Inherent Vice. Une différence de taille, cependant, subsiste entre les deux : le hit des frères Coen se déroulait en pleine guerre du Golfe, et le Dude y figurait un vestige de l?ère hippie, un reliquat anachronique. Doc Sportello, le détective à rouflaquettes incarné par <strong>Joaquin Phoenix</strong>, est quant à lui un homme de son temps. Bien dans son époque. Ce sont les autres ? flics fachos, promoteurs immobiliers crapuleux, néo-nazis pas commodes ? qui ne tournent pas rond.
Frank Drebin ?
Le trailer a à peine commencé que Doc Sportello est déjà en train de se vautrer sur le macadam, bousculé par deux molosses des forces de l?ordre californiennes. On est où, là ? Dans un spoof usiné par les ZAZ ? Une piste suggérée par PTA himself, qui citait Top Secret et Airplane ! comme sources d?inspiration d?<em>Inherent Vice</em> dans une interview accordée au <em>New York Times</em>. Il n?y mentionnait pas <em>Police Squad</em> ni Y a-t-il un flic pour sauver la reine ?, mais on comprend l?idée. Incapable de faire trois mètres sans perdre l?équilibre, menaçant de tirer dans le tas dès qu?il brandit un flingue, Sportello/Phoenix pourrait bien être un rejeton illégitime de Frank Drebin, le flic le plus nul de toute l?histoire du LAPD.
Tony Baretta ?
Héros de la série 70?s éponyme, Baretta était un flic new-yorkais qui maîtrisait comme personne l?art du déguisement, dissimulant tout un tas de postiches et de fringues de rechange dans le coffre de sa Chevy Impala. Sportello sera lui aussi obligé d?endosser différentes identités pour mener à bien son enquête, troquant par exemple sa dégaine de rasta blanc contre un look super straight, plus susceptible de taper dans l??il des rombières de L.A. Malgré son patronyme italien, peu de chances en revanche que Sportello lance la catchphrase culte de Tony Baretta : « You can take dat to da bank ».
Harry Moseby ?
Contrairement aux apparences, Doc Sportello ne bosse pas que pour se payer sa ration hebdomadaire de marijuana. Non, s?il se met dans le pétrin, c?est pour sauver la veuve et l?orphelin. En l?occurrence, les enfants perdus de la révolution hippie, des surfeuses en short en jean parfumées au patchouli regardant le crépuscule des sixties tomber sur la Californie. Doc est un cousin d?Harry Moseby, le privé moustachu et mélancolique joué par <strong>Gene Hackman</strong>, qui prenait sous son aile la petite <strong>Melanie Griffith</strong> dans La Fugue (<em>Night Moves</em>), chef-d??uvre 70?s méconnu d?Arthur Penn qui planta les derniers clous dans le cercueil des idéaux de 68.
Lew Harper ?
Un monde dépravé, quadrillé par les manoirs nouveau riche et le bleu aveuglant des piscines. Les Swinging Sixties à l?agonie. Dans chaque recoin du cadre, une femme en bikini? Doc Sportello descend en droite ligne de Lew Harper, le privé qui mâchait du chewing-gum et avait les traits de <strong>Paul Newman</strong> dans deux classiques inoxydables du genre, adaptés des bouquins de Ross Macdonald : Détective privé (<strong>Jack Smight</strong>, 1966) et La Toile d?Araignée (<strong>Stuart Rosenberg</strong>, 1975). Du Chandler en Technicolor, où le soleil semblait taper plus fort et rendait indispensable le port des lunettes noires. Encore aujourd?hui, le mètre étalon auquel se mesurent tous les héritiers hard-boiled visant le culte, <em>Inherent Vice</em> en tête.
Philip Marlowe ?
Observons attentivement la façon dont <strong>Joaquin Phoenix</strong> conduit sa bagnole ? comme s?il était dans un vieux film noir des années 40 ? et arrêtons de tourner autour du pot. Le modèle absolu, ici, c?est Philip Marlowe. Mais pas tant la version du personnage qu?en donnait Bogart chez Hawks, que celle d?Elliott Gould dans Le Privé de <strong>Robert Altman</strong>. C?est-à-dire <em>off beat</em>, légèrement à côté de ses pompes. Rigolard et suprêmement cool. Après avoir pillé Short Cuts en long, en large et en travers dans ses jeunes années (sa période Boogie Nights/Magnolia), <strong>Paul Thomas Anderson</strong> semble donc enfin s?être décidé à se mesurer au meilleur film jamais tourné par Altman. Histoire de mieux livrer son propre chef-d??uvre à l?arrivée ?
Un détective fauché, des escrocs de la haute société, des flics, des putes et des femmes fatales, le tout in sunny California : la première bande annonce d'Inherent Vice, comme le roman de Pynchon dont il est adapté, convoque tous les classiques du genre. Pour les réactualiser, Paul Thomas Anderson a rappelé Joaquin Phoenix, bien sûr, qui évoque tour à tour les plus grandes figures de privé du cinéma. Versant cool et comique.Passage en revue.Frédéric Foubert
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