La question de la véracité du poltergeist le plus documenté n’est toujours pas tranchée.
"L’Amityville d’Angleterre". Depuis 1977, le poltergeist d’Enfield fascine et continue d’alimenter les débats. Que s’est-il réellement passé dans cette maison du district du Grand Londres, au Nord de la capitale anglaise ? Durant un peu plus d’une année, des événements paranormaux ont rythmé le quotidien de la famille Hodgson. La mère, Peggy, divorcée, y élève seule ses quatre enfants : Margaret (13 ans), Janet (11 ans), Johnny (10 ans) et Billy (7 ans). Des meubles bougent seuls, des pièces de Lego se promènent dans les airs, des bruits semblent sortir des murs… Peggy n’en peut plus, elle demande l’aide de la police. C’est l’officier Carolyn Heeps qui arrive sur place.
Elle assurera plus tard, sous serment, avoir vu une chaise léviter et se déplacer à travers la pièce sans l’aide de quiconque. La presse tabloïd s’empare du phénomène et en fait ses gros titres, alors que deux membres de la Society for Psychical Research (une association qui étudie d'un point de vue scientifique les phénomènes paranormaux), Maurice Grosse et Guy Lyon Playfair, enquêtent sur place. Ils sont témoins de nombreuses manifestations qui se focalisent autour de Janet. Une voix rauque semble venir de derrière la jeune fille, qui est par ailleurs victime de lévitation. Les poltergeists ne s’arrêteront qu’en 1978, alors que Janet revient d’un long séjour à l’hôpital où elle est testée sous toutes les coutures.
Une histoire folle qui a inspiré Conjuring 2 de James Wan, avec un scénario évidemment romancé malgré le carton "d’après une histoire vraie" qui ouvre le film.
Conjuring 2, la petite routine des horreurs
Les Warren n’auraient passé qu’une journée sur place
Contrairement à ce que Conjuring 2 raconte, Ed et Lorraine Warren n’auraient passé qu’une journée dans la maison. Dans une récente interview radiophonique, Guy Lyon Playfair assure que les romanciers/spécialistes des phénomènes occultes voulaient simplement gagner leur croûte sur le dos des Hodgson et qu’ils sont arrivés sur place "sans être invités". "Ils sont venus une fois, à Enfield, et tout ce dont je me souviens est Ed Warren me disant qu’il pourrait me faire gagner beaucoup d’argent avec ça (…) Je suis parti aussi vite que possible (…) Je ne crois pas qu’il soit venu plus d’une fois. J’ai lu quelque part un entretien qu’il dit avoir eu avec une des filles - elles ne s’en souviennent pas -, qui décrivait toutes sortes de choses incroyables qui selon moi ne sont jamais arrivées. Je crois qu’il était un vrai… hum… je vous laisse finir ma phrase".
Dans son livre The Demonologist, Ed Warren écrivait : "On ne pouvait pas enregistrer l’atmosphère dangereuse et menaçante de cette maison. Mais on pouvait filmer les lévitations, les téléportations et dématérialisations de gens et d’objets qui se passaient ici - sans parler des centaines d’heures d’enregistrements sur bandes des voix de ces esprits, qui parlaient distinctement dans les chambres".
La voix du fantôme d’Enfield a été enregistrée
Comme un son d’aboiement se fait régulièrement entendre dans la chambre des filles, Maurice Grosse provoque l’esprit et lui demande de parler, non sans avoir enclenché son enregistreur. Une voix rauque et gutturale lui répond. Grosse fera parler le fantôme à maintes reprises, tentant même de mettre du scotch sur la bouche de Janet, qu’il soupçonne d’avoir un talent de ventriloquie. Le résultat est le même. L’ectoplasme va jusqu’à raconter ce qui s’est passé au moment de sa mort : "Je suis devenu aveugle… Et puis j’ai eu une hémorragie et je me suis endormi et je suis mort dans une chaise dans le coin en bas". Bill Wilkins, l’ancien propriétaire de la maison, est décédé dans ces circonstances précises.
Il existe des photos de lévitation de Janet
Le photographe de presse Graham Morris a réussi à capturer sur pellicule une phase de "lévitation" de la jeune Janet. Grâce à un système de contrôle à distance de l’appareil photo, il n’avait pas à se trouver dans la chambre pour prendre des clichés. À chaque fois qu’un bruit se faisait entendre, il déclenchait. Les photos sont relativement spectaculaires mais beaucoup mettent en doute leur véracité. Il s’agirait uniquement de Janet qui saute depuis son lit, même si elle, sa soeur et plusieurs témoins affirment le contraire.
La suspicion d’une mise en scène
Depuis le départ, nombreux sont les observateurs qui estiment que tout a été manigancé par la famille, plus particulièrement par Janet et Margaret. Si Maurice Grosse a cru jusqu’à la fin de sa vie au phénomène, beaucoup émettent des doutes. Interrogé dans un documentaire anglais sur le poltergeist d’Enfield, le psychologue britannique Christopher French explique que les témoins oculaires ne sont pas "fiables" dans ce genre d’événement, et qu’un simple objet aperçu du coin de l’oeil peut leur sembler avoir lévité si les personnes sont suffisamment convaincues que des phénomènes paranormaux sont en jeu. Le magicien américain Milbourne Christopher a également enquêté sur l’affaire et n’a rien trouvé de surnaturel. "Le poltergeist n’était rien d’autre que les cabrioles d’une petite fille qui voulait se faire remarquer et qui était très, très intelligente", assurait-il.
Plus troublant, Janet avouait en 1980 avoir de temps en temps fait semblant avec sa soeur, histoire de tester Grosse et Playfair. Selon ses dires, les deux enquêteurs les prenaient toujours sur le fait. Quant à la fameuse voix du fantôme, elle viendrait bien directement de Janet. Ses longues incisives empêchaient de voir distinctement sa langue et aucun enregistrement n’a eu lieu alors que la gamine n’était pas dans la pièce. Grosse pensait cependant qu’il était impossible de parler plusieurs heures en forçant ainsi sa voix sans ressentir une douleur très intense. "Il y a de bonnes raisons de douter, ce qui continue d’alimenter le débat (…) Mais je suis sûr que personne n’aura jamais d’explication définitive", concluait Christopher French.
Conjuring 2 : le cas Enfield, en salles ce mercredi.
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