Malgré ses bonnes intentions visuelles et narratives, le nouveau Disney animé ne parvient pas à se mesurer à ses évidents modèles de fantasy asiatique.
C’est le bazar au royaume de Kumandra : des démons rôdent sur la Terre, transformant à leur contact les humains et les dragons en statues de pierre. En partant en quête des fragments de l’Orbe du dragon (artefact capable de réunifier le royaume), la princesse Raya va rencontrer Sisu, dernier dragon vivant... L’une des belles idées de Raya et le dernier dragon est son univers : les pays sont placés autour d’une rivière en forme de dragon, et chacun représente une partie du corps de l’animal mythique, dont chaque peuple possède des couleurs différentes et des traits spécifiques (les blancs, les bleus, les jaunes...).
Tout cela est bel et bon, mais ça ne vous dit pas quelque chose ? Celles et ceux qui ont pensé à Avatar, le dernier maître de l’air – la fabuleuse série animée qui mêlait déjà il y a plus de quinze ans les mythes asiatiques dans une ébouriffante et déchirante quête de fantasy – ne gagnent rien : c’était trop facile. Raya partage avec Avatar la même volonté d’explorer le territoire asiatique, et c’est tant mieux : mais le dernier Disney, grandi à partir d’un ADN commun à la série Nickelodeon, a beau déborder de bonne volonté, il ne décolle pas.
Vaiana était cent fois plus beau, aventureux et inspirant – et bénéficiait aussi des chansons du génial Lin-Manuel Miranda. Pas de chansons dans Raya ; pas non plus de méchant au sens strictement disneyien du terme. On ne se plaindra pas que le studio cherche des histoires plus complexes reposant sur le conflit entre des forces opposées plutôt que la perpétuation de clichés essentialistes, mais encore faudrait-il que ce conflit soit dynamique, engageant... Bon, OK, oublions un peu les périphrases : le scénario de Raya n’est vraiment pas palpitant. Justement à cause de son manque d’adversité ?
MANQUE DE CRÉATION
Le problème est qu’on a surtout l’impression que le film marche sur des œufs, prudemment, alors que son univers excitant appelle à l’aventure, au danger, à l’inconnu. De son intro (et tout son worldbuilding, donc) calquée sur le générique d’Avatar, le dernier maître de l’air à l’introduction de l’héroïne adulte qui reprend Mad Max : Fury Road, Raya nous rappelle que si toute créativité se nourrit de ce qui s’est fait avant, c’est quand même mieux de dépasser l’hommage pour créer du neuf.
Du point de vue de l’inspiration, les différences sont finalement sensibles par rapport à Avatar, mais la série reste supérieure en tous points (humour, souffle épique, caractérisation et progression des persos...). Ce n’est pas la première fois que Disney puise son « inspiration » dans une œuvre précédente sans trop le reconnaître : Le Roi lion « inspiré » par Le Roi Léo de Tezuka, Atlantide, l’empire perdu « inspiré » par la série Nadia, le secret de l’eau bleue. Comme on le voit, la question du pompage n’entre pas en jeu dans la qualité finale. Ce qui compte, c’est le résultat sur la pellicule – ou dans votre watchlist Disney+, dans le cas de Raya.
PAS À LA HAUTEUR
En une décennie, le vénérable Walt Disney Animation Studios avait réussi à mettre la barre très haut (Raiponce, La Reine des neiges, Les Nouveaux Héros, Zootopie, jusqu’au sommet Vaiana)... Malgré toute sa bonne volonté, ses fortes femmes de premier plan (et un second rôle génial : Tong, un guerrier au grand cœur au physique de bourrin), le vrai enjeu de cinéma du film, Sisu, la sympathique dragonne fofolle et changeforme, n’est pourtant pas à la hauteur des autres tricksters légendaires de Disney, comme le génie d’Aladdin ou Maui de Vaiana – ce dernier film risque de rester l’une des plus grandes réussites de Disney des vingt dernières années. On attend encore celui ou celle qui le détrônera.
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