Que faut-il comprendre des derniers plans de ce thriller très sombre ?
Attention, spoilers : comme son titre l'indique, cet article revient en détails sur la toute fin du film Le Diable tout le temps. A lire APRES l'avoir vu sur Netflix, donc.
Réalisé par Antonio Campos (Afterschool), Le Diable tout le temps est une adaptation d'un roman particulièrement sombre de Donald Ray Pollock. Narré par l'auteur (et par Benoît Allemane, la voix de Morgan Freeman, en VF), ce film est porté par un casting 5 étoiles : Tom Holland, Bill Skarsgard, Riley Keough, Jason Clarke ou encore Sebastian Stan jouent tous des être malheureux, frappés par la violence de différentes façons. Démarrant par une scène choc durant la Seconde Guerre Mondiale, l'intrigue se termine au milieu des années 1960, après la mort de la plupart de ses protagonistes. S'il a pu venger la mémoire de sa sœur (Eliza Scanlen), suicidée après avoir été rejetée par le révérend qu'elle aimait (Robert Pattinson), le jeune Arvin Russell (Holland) croise malgré lui la route de deux assassins, qu'il élimine en légitime défense, puis est obligé de tirer sur un policier qui le menaçait avec un fusil. Il s'en sort, et la fin du film offre enfin une lueur d'espoir, puisqu'on le voit enterrer son arme, seul objet qui lui reste de son père et qui est hautement symbolique (Adolf Hitler, figure diabolique par excellence, se serait tué avec ce pistolet), avant de reprendre la route et de s'endormir, épuisé par tant de malheurs et soulagé de laisser tout cela derrière lui. La personne qui le prend en stop est un hippie, symbole du "peace and love", ce qui tranche enfin avec tous les drames qu'il vient de vivre. Sauf que... et si ce dernier était lui aussi une figure maléfique ? Au hasard : Charles Manson ?
Le Diable, tout le temps : un film choc qui nous plonge dans les entrailles de l'Amérique plouc [critique]
Peut-être avez-vous pensé au dirigeant de la "Manson Family" en voyant apparaître ce conducteur barbu aux cheveux longs au volant d'un van Volkswagen ? Dans les années 1960, l'homme qui a commandité le meurtre de plusieurs personnes en manipulant sa "famille" de hippies conduisait ce type de véhicule et il y prenait régulièrement des gens en stop. Il est de plus précisé qu'il se rend à Cincinatti, ville où Manson est né. Ca commence à faire pas mal de points commun avec cette indéniable figure du mal, serial killer qui n'a officiellement tué personne, mais qui a manipulé des jeunes gens pour le faire à sa place -ce qui fait écho à plusieurs thématiques du film, de l'endoctrinement religieux aux meurtres perpétrés par le couple de tordus joués par Keough et Clarke. Depuis plus de 50 ans, Manson fascine les cinéastes. Décédé fin 2017, il a récemment été au coeur de deux oeuvres importantes du petit et du grand écran : David Fincher le met notamment en scène dans sa série Mindhunter et Quentin Tarantino réécrivait son histoire dans Once Upon a Time... in Hollywood, l'année dernière.
Once upon a time... in Hollywood : Tarantino au top [Critique]Dans le roman de Donald Ray Pollock, il n'est pas fait mention de Charles Manson, et si l'on vérifie sa bio, le tueur était incarcéré au milieu des années 1960 (il fut libéré en 1967 puis à nouveau arrêté suite aux meurtres de Sharon Tate et de ses amis, deux ans plus tard, et a passé la majeure partie de sa vie en prison). Ce ne serait donc pas lui ? Alors pourquoi avoir choisi un acteur qui lui ressemble pour prendre le héros du film en stop ? On a du mal à croire que le choix d'un conducteur hippie soit le fruit du hasard. Le fait d'insinuer cette idée dans l'esprit du spectateur sème le doute, et confirme la sensation de malaise devant cette scène de fin, dont la note d'espoir s'estompe très vite. Juste avant, il était question de la guerre du Vietnam (le couple de tueurs justifie le meurtre d'un jeune homme qui partait au front en disant qu'il se serait de toutes façons fait tuer là-bas) et à la radio, le président Johnson parle de la lutte contre les Communistes. On repense au sort du père d'Arvin, joué par Bill Skarsgard, qui a été traumatisé par son expérience de soldat et ne s'est jamais remis de toute cette violence, transmettant malgré lui son mal-être à son fils. On se dit que même s'il survit, le jeune héros ne pourra échapper au conflit. Le Diable sera toujours sur sa route, partout, tout le temps. C'est un cercle sans fin, la violence entraînant la violence, comme dans les œuvres choc des frères Coen (Fargo, No Country For Old Men...). La mort semble inévitable pour Alvin, dont la fatigue peut d'ailleurs aussi être comprise ainsi. Epuisé, il ne lutte plus (pour sa vie), se laisse aller au repos (éternel) et meurt symboliquement, sous nos yeux. Carton noir. Générique. Une fin aussi noire que le reste de l'histoire, en somme.
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