Engagé pensionnaire en 1986, devenu le 486e sociétaire en 1993, l’artiste belge connaît une belle carrière à la Comédie-Française. Il joue actuellement Mackie dans L'Opéra de quat'sous de Brecht, mais aussi le Général dans Un Fil à la patte de Feydeau.Propos recueillis par M-C. Nivière Quel a été votre parcours de Liège à la Comédie-Française ?Je suis avant tout un enfant de la campagne, entre Sambre et Meuse, un petit-fils de mineur. Après le bac, j’ai fait les Beaux-Arts à Liège. Et c’est là que des amis m’ont fait découvrir le théâtre, je n’y avais été qu’une fois avec l’école. Ils parlaient du Français comme LA référence. C’est eux qui m’ont amené à l’Académie théâtrale de Liège en me disant que j’y serais bien. On a joué un Ghelderode et j’ai eu alors la révélation comme quoi je ne pourrais pas vivre autrement. Et je suis monté à Paris pour entrer au Français. Je n’avais aucune culture théâtrale. J’étais à la limite de l’autisme… Yves Gasc m’a vu dans la classe libre chez Florent et m’a présenté à Jean-Luc Boutté, qui m’a pris pour faire de la figuration au Français.Et vous êtes dans la Maison depuis vingt-cinq ans !Si on prend en compte les deux années de figuration, cela fait vingt-sept ! C’est vertigineux, surtout que chaque nouveau spectacle est un premier spectacle. Car on a alors le sentiment que l’on ne sait plus rien, ni parler ni marcher. On travaille avec tellement de metteurs en scène, aux exigences si différentes, aux univers opposés et on doit s’y plier, s’y noyer… Ce qui est passionnant. La troupe est composée d’une cinquantaine de comédiens et l’on nous choisit parce qu’on se rapproche plus ou moins d’un rôle. Alors qu’à l’extérieur, c’est différent… Au Français, on apprend l’humilité de se fondre dans une troupe. Cela relativise le rapport à l’auteur, au metteur en scène et même au verbe. Du coup, cela fait vingt-cinq ans et aucune lassitude, car tout est à chaque fois nouveau.Votre plus grand souvenir ?Je venais d’être engagé et nous répétions Britannicus, Jean-Luc Boutté m’a posé la question fondatrice pour moi : de quel droit, je faisais ce métier, qui étais-je pour monter sur scène faire rire ou pleurer les gens ? Cette question Jean-Luc se la posait tous les soirs. Je n’avais pas la réponse. Et puis, il y a eu le choc de La nuit est un songe à l’Odéon qui m’a apporté la réponse. Je sentais qu’il y avait un cap que je ne passais pas. Et j’ai trouvé un vecteur extérieur qui n’était pas abordé dans la pièce, enfoui au plus profond de moi, que les gens ont reconnu. J’ai compris que le droit de s’adresser au plus lointain des gens demandait une vérité, une sincérité. Est-ce que je suis vrai et authentique pour qu’en tant qu’être humain je puisse aller parler à d’autres êtres humains. C’est une des réalités de ce métier.Un Fil à la patte cartonne en ce moment...C’est un vrai spectacle de troupe et celle qui existe en ce moment est vraiment extraordinaire. Elle est formée de gens qui sont entrés dans la maison avec générosité, se mettant dans le travail que ce soit pour un petit ou un grand rôle, avec bonheur. Jérôme Deschamps l’a compris. A part ce funambuliste qu’est Christian Hecq, vertigineux dans son numéro, chacun demeure très concentré sur son personnage. C’est un hommage à la mise en scène de Jacques Charon et la troupe actuelle est capable de porter cela. Effectivement, dans la salle, cela fait mouche avec le public mais aussi avec les partenaires. Car on essaye de se surprendre, et voir l’œil de Florence Viala friser ! Hum !Entre le personnage du Général du Fil à la patte et le bandit Mackie de L'Opéra de quat'sous, il y a un monde ?Ils ont un point commun, c’est d’être violent et de jouer du sabre pour l’un et du couteau pour l’autre. Ce sont aussi deux obsédés sexuels… En même temps, c’est toujours moi, car plus on entre dans des personnages, plus on se rend compte que l’être humain est multiple. Je suis bien dans tout. Pour Mackie, j’aurais tort de me plaindre, j’ai de si jolies filles dans les bras ! Brecht, c’est un théâtre jubilatoire. C’était un mec de bordel, de cabaret…Pas de dialectique brechtienne, alors !Quand je dois jouer un texte, je m’intéresse à l’auteur. Pour bien comprendre ce qu’il est, pourquoi il écrit cela. Et pour Brecht, je conseille Le Sexe des anges… C’est un théâtre de jubilation qui parle de problèmes sociaux et politiques. Laurent Pelly a compris cela. On entre dans ce texte comme un acteur qui va tourner un film de gangsters. Il y a une narration découpée mais pas véritablement de fil conducteur. Et cela, c’est très cinématographique. La crise est très présente et aujourd’hui on l’entend bien. Avec Brecht, il n’y a rien d’autre à faire que de mettre le texte devant. Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis. Il n’y a rien à rajouter entre les lignes.Et chanter…Vous savez, on chante beaucoup au Français ! Il y a des productions où l’on est amené à chanter. Souvenez-vous de La Vie parisienne mise en scène par Mesguich ! On chante dans tous les tons et c’est un vrai bonheur. La musique de Weill est magnifique. Laurent Pelly est tellement vif, inventif et à l’écoute, que travailler avec lui est un plaisir. Du coup, je repars avec lui à Toulouse l’année prochaine jouer dans Macbeth.De la soirée des Molières, on retiendra, entre autres, vos larmes de rire devant la prestation de Michel Fau.Je ne pouvais pas m’arrêter. C’était monstrueux tellement c’était magnifique. Un numéro d’artiste exceptionnel ! J’adore. En revanche je n’ai pas aimé la polémique haineuse qui a suivi parce que c’était une chanson de Carla Bruni. C’est idiot, on aurait pu faire la même chose avec du Brel. C’est le décalage qui est drôle. Avec Catherine Sauval, lorsque l’on jouait Britannicus, on s’amusait à chanter la scène du V en parodie dans la loge et un quart d’heure après on la jouait classique…Comédie-Française - Salle Richelieu>> Réservez vos places pour Un Fil à la patte !>> Réservez vos places pour L'Opéra de quat'sous !
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