Les réalisateurs de La Fée, film original et atypique, livrent leur vision du cinéma sans tabou et dans la bonne humeur.La Fée est un conte (de fée) burlesque qui rappelle Tati et Chaplin. Une histoire d’amour au Havre entre deux inadaptés sociaux : une fée et un gardien de nuit. Un film cintré, étrange et poétique, qui fera l’ouverture de La Quinzaine des Réalisateurs. Rencontre avec les réalisateurs Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy.Par Gaël GolhenBonjour…Dominique Abel : Tiens, c’est marrant, vous enregistrez avec votre iphone ! On a fait des sons avec pour le film !Avec votre Iphone ?D.A. : Oui, on s’est aperçu au montage qu’il manquait des trucs, alors on essayait des bruits qu’on enregistrait avec le téléphone. On l’a fait écouter au mixeur sans lui dire d’où ça venait et il n'a rien vu !Roots…  Si on parlait du film. J’ai une question bête : c’est vraiment un conte de fée ? D.A. : Oui, enfin moi je pense que oui. Evidemment, on a transformé les choses : la fée est pieds nus et en jogging rouge ; le château est un HP et les pages sont des clandestins.F.G. : Toutes nos histoires sont des fables. Des univers où les choses sont un peu différentes. On aime ces univers pour parler de personnages, ils sont innocents, et nous permettent d’avoir de la distance…D.A. : Et de prendre un peu de recul, comme si on avait un microscope à l’envers. On parle des êtres humains en général, on veut que nos films parlent d’universel.Du coup, on vous reproche de faire un cinéma coupé du monde… F.G. : Ca m’énerve ça ! C’est pas parce qu’on fait un cinéma physique et visuel que ça doit être tourné vers le passé ! On n’a jamais compris pourquoi les gens nous parlaient de ça. On n’est pas nostalgiques… OK, y'a pas de portable ni d’Audi dans nos films mais...B.R. : C’est juste qu’on trouve ça plus joli.D.A. : Et tu parles des burlesques, mais les premiers qui l’ont fait, comme Chaplin par exemple, c’était les laissés-pour-compte du rêve américain. Les clowns ont toujours été là pour dire ça, pour dire « OK, on est dans un monde efficace, où il faut être gagnant, mais moi je suis ni efficace ni beau, ni performant ». Le clown est là pour montrer qu’il existe d’autres voies. Qu’il y a une beauté dans la différence.En somme vous faites un cinéma de résistance ? D.A. : Je ne sais pas. C’est un cinéma farceur en tout cas. Quelque part, on est dans la tradition du bouffon ou du carnaval. Quand les gens rient dans les films de Tati ou Chaplin, c’est parce que ça les touche profondément et humainement. Ils entendent le discours sur l’injustice, mais ça ne passe pas par des concepts. On le dit simplement.B.R. : Le rire et la poésie. C’est ça.Avec un peu… d’amateurisme ?F.G. On a envie de faire du cinéma vivant. Quand ça devient trop technique, trop organisé, on ne peut pas faire ce qu’on veut. Y'en a toujours un pour te dire qu’on n’a pas la bonne lumière ou pas le bon micro… On ne veut pas de ces freins à notre créativité. Du coup, on se tourne vers les amateurs.D.A. : On n'a aucune nostalgie par rapport à nos années de théâtre. Mais au Havre, là où on a tourné, on a eu un rapport de pauvreté à notre art qui nous rappelait nos premières années. Au début, on était sur des planches et basta ! On n’avait pas de forêt alors quand on jouait une scène de forêt, on prenait une petite branche et ça symbolisait tous les arbres. En arrivant au cinéma, on voulait garder ça. Garder l’essentiel : l’épure, la poésie. On est comme des gamins qui jouent avec une boîte d’allumettes. Tout à coup, la boîte d’allumettes, c’est un camion, une maison… ça peut tout être !C’est la poésie du bricolage en somme.D.A. : Oui, et ça, on le doit beaucoup à Méliès. Dans la scène sous-marine par exemple, on a mis comme lui un aquarium entre la caméra et nous, les méduses sont des sacs plastiques, il y a des fils nylons. C’est une espèce de décors de sous-marins poubelles. On s’est marré en faisant ça. Pour les chorégraphies on est allé chercher du côté de la comédie musicale ou de la danse contemporaine. Mais bon, on n’est pas du tout des danseurs.Ca se voit...F.G. : (rires)… On essaie de préserver une certaine maladresse. Pour Rumba on n’avait pas pris de cours de Rumba. Là où on peut être fort, c’est justement dans ce mélange d’adresse et de maladresse.D.A. : C’est ce qui nous fait rire ! C’est ce qui nous touche. On n’a pas peur de notre image.F.G. C’est la seule chose qu’on sait faire : être nuls !D.A. : Et pour ça, on doit pas se forcer, c’est assez naturel (rires) !Est-ce qu’on assiste à un retour du burlesque ?D.A. : Je ne sais pas ! On nous parle de Bent Hamer, de KaurismakiShirley et Dino ? D.A. : Oui, dans un autre registre.. Mais le problème c’est que pour faire un film, il faut écrire un scénario pour qu’il soit lu en comité de lecture. La plupart du temps, un scénario c’est des dialogues. Pas dans le burlesque ou c’est parfois quasiment muet. A l’origine, les grands Chaplin par exemple n’étaient pas écrit. Sauf les derniers…B.R : Nos films sont d’abord visuels. Nos scénarios sont du coup très durs à lire !La Fée sortira dans nos salles le 14 septembre prochain.