A quelques minutes de la 36ème cérémonie, suite et fin de notre histoire des César avec le récit des acteurs, actrices, réalisateurs, techniciens qui ont eu le Sésame. Ou pas. Place à Bob Swaim, réalisateur multi-césarisé pour La Balance en 83. Par François GreletBob Swaim : vu la concurrence, on ne peut pas vraiment dire que vous partez favori à la soirée des César 83. Finalement, vous raflez les trois plus grosses récompenses...Et oui, exactement. J'étais le parfait outsider, totalement inconnu, face à trois mastodontes du cinéma de l'époque. Il y avait Godard, avec Passion, Demy, avec Une Chambre En Ville et pour couronner le tout un de mes maîtres Andrezj Wajda avec son Danton... Je ne me faisais strictement aucune illusion sur l'issue de la situation jusqu'à ce que... 28 ans plus tard, vous vous l'expliquez comment, ce César du meilleur film raflé au nez à la barbe de trois monstres sacrés ?Hum... Laissez moi réfléchir... Je dirai que le film de Demy nommé ce soir là n'était pas le meilleur Demy. Le Godard n'était pas le meilleur Godard. Et le Wajda n'était pas non plus le meilleur Wajda. Ce qui est sûr par contre que le Bob Swaim était le meilleur Bob Swaim.Vous gagnez donc "meilleur film", mais vous loupez "meilleur réalisateur". Même en tant qu'outsider ça ne vous a pas fait un peu de mal à l'ego ?Ahah, vous plaisantez ? Vous voulez que je vous récapitule le pedigree des trois en face de moi ? Non, moi, depuis le début de la cérémonie, je suis tout heureux d'être là. Je ne pense pas à gagner quoi que ce soit. Je suis content pour Nathalie Baye et Philippe Léotard, les acteurs, qui repartent chacun avec quelque chose, et j'attends tranquillement la fin de la soirée. Sereinement. La veille de la cérémonie, je dînais d'ailleurs avec Truffaut, Almendros et Robert Benton, et tous les trois me disaient la même chose: "Bob, il vaut mieux que tu ne gagnes rien, tu as déja eu la reconnaissance du public, celle de la profession pourrait te causer du tort."Ils avaient raison ?A moitié. Disons que les César ont changé ma vie, d'homme et de cinéaste, en mettant ma carrière sur orbite. Mais qu'est ce que je me suis pris dans la gueule après !C'est à dire ?La presse a été la première à s'étonner que la récompense suprême aille à ce “petit polar". Complètement absurde, d’autant plus que lors de sa sortie cette même presse trouvait mon film brillant. Pffff... Et puis les gens du milieu, ont commencé à me regarder avec une certaine méfiance.Du coup vous êtes reparti aux Etats-Unis.Oui, j'ai pu tourner à Hollywood, et je vous avoue que j'en suis assez fier. La bas, les gens n'ont pas le même rapport au succès: ils adorent ça. En France, ça fait presque de vous un pestiféré. En revanche, en France, vous aimez les artistes et les intellectuels, alors que là-bas, ils n'en ont vraiment rien à foutre. Du coup, entre les deux mon coeur balance, ahahah...La vraie malédiction de ce César finalement, c’est d’avoir fait de La Balance, le film qui éclipse TOUS les autres de votre carrière...Oui, si vous voulez, mais il n’y a qu’en France où c’est le cas. Aux Etats-Unis je suis le type qui a fait La Balance. Et Masquerade. Et Half Moon Street. Mais ici effectivement je suis l’homme d’un seul film. Quand je vous le dis que l’ai payé cher ce César...Bon, et cette année alors, quels sont vos favoris pour la cérémonie ?Euh... je dois vous avouer que je suis assez dubitatif sur le niveau global. Mais je ne suis pas là pour dire du mal de mes collègues...Mais si, mais si...Non, non. D’ailleurs je tiens à dire que 2010 a été une super année pour le cinéma français. Beaucoup d’argent sont rentrés dans les caisses. C'est bien, bravo aux gens de la profession. Et vous, vous en pensez quoi des nominations...Scandalisé par l’absence de Vénus Noire de Kechiche, dans les catégories “majeures”.Ils ne lui feraient pas payer quelque chose à ce cinéaste d’ailleurs, hein ? Moi ça me parait évident.On essaie de finir l’interview sur une note positive ?Oui. Je tiens quand même à dire qu’il y a quelque chose dans cette cérémonie qui tient parfois du merveilleux. Cette audace, qu’elle a souvent, de mettre la lumière sur de jeunes cinéastes, de jeunes acteurs, immensément doués mais inconnus du public. Et puis de toutes les récompenses, c’est celle qui fait le plus plaisir car elle est décernée par vos pairs, par les gens qui FONT le cinéma, et pas ceux qui le commente - no offense, hein. Alors quand vous recevez un César c’est la profession toute entière qui vous dit qu’elle vous aime. Et même si ça ne dure souventque le temps d’une soirée, ca fait terriblement plaisir à entendre.