Diffusée à partir du 1er octobre sur France 3, la saison 5 d’Un Village français confirme toutes les qualités de cette série historique qui se déroule durant l’occupation allemande. Centrés sur le développement des maquis, les 12 nouveaux épisodes trouvent une remarquable unité dramatique, cultivent un intense art du suspense et renouvellent audacieusement l’atmosphère de la série en utilisant l’univers du théâtre.
Ce soir démarre sur France 3 la diffusion de la saison 5 de la série Un Village français. Une saison au rythme trépidant, marquée par l'arrivée de nouveaux personnages et par la mort d'un protagoniste de premier plan (attention aux légers spoilers).Un tournant historiqueAlors que la saison 4 était chronologiquement scindée en deux parties (la première partie traitant de la déportation des Juifs et la seconde du rapprochement entre Gaullistes et Communistes), la saison 5 d’Un Village français se présente comme un seul bloc narratif, qui débute au mois de septembre 1943, dix mois après que l’on ait laissé les protagonistes au cœur de l’automne 1942. Rythmée d’entrée de jeu par l’instauration du STO (le service du travail obligatoire, mis en place en février 1943 par le régime de Vichy), la saison s’intéresse de près au nouveau venu Antoine (Martin Loizillon), beau-frère de Raymond Schwartz et réfractaire au STO. Servant de fil rouge à une saison riche en cliffhangers, le personnage va participer à la formation d’un nouveau maquis de résistance, action qui s’inscrit dans un mouvement plus large qui voit les forces allemandes s’affaiblir au fur et à mesure que la guerre fait rage sur le front de l’Est.Au sein de ce tournant historique, la série continue de suivre avec une grande attention le sort de chacun de ses protagonistes en dessinant un redoutable échiquier où les désirs multiples, les intérêts contradictoires et les caractères distincts s’imbriquent pour créer un suspense de tous les instants. Se laissant aller à un lyrisme inédit, la saison 5 accentue par exemple le romantisme inquiet du personnage de Suzanne (Constance Dollé), décrit avec une gravité croissante les parcours sentimentaux de Raymond Schwartz ou Jean Marchetti et développe un surprenant triangle relationnel dans l’école de Villeneuve où vient d’arriver la professeure de chant Marguerite (Amandine Dewasmes).On retrouve aussi un Heinrich Müller (Richard Sammel) des grands jours. Personnage dépressif et fataliste qui sent que l’Allemagne est en train de perdre la guerre, le chef du service de renseignement nazi reprend progressivement du poil de la bête en se confrontant de façon perverse à Philippe Chassagne (Philippe Résimont), le maire collaborationniste de Villeneuve.La place du théâtreInvitant généreusement ses nouveaux protagonistes à occuper l’espace narratif, la saison 5 accorde également une grande place au théâtre. Compagnon de fortune du téméraire Antoine, le personnage de Claude (Alexandre Hamidi) a ainsi étudié l’art dramatique et va insuffler autour de lui le goût de cette pratique. Le théâtre apprend ici aux maquisards à réinventer le réel, propulsant la série dans une dimension plus vaste et théorique. « La question de la représentation, artistique ou politique, est essentielle pour la France libre et la résistance », explique ainsi Frédéric Krivine, directeur d’écriture d’Un Village français.« Je ne leur mens pas, je leur raconte la vie telle qu’ils ont envie de l’entendre » annonce Claude dans l’épisode 4, soulignant le rôle primordial des faux-semblants et l’intérêt que présentent parfois la fiction et le simulacre pour faire triompher un idéal. Tout se passe comme si les innombrables douleurs, souffrances, trahisons, déceptions et colères engendrées à Villeneuve par l’occupation allemande se métamorphosaient dans cet espace vierge offert par le théâtre en une matière onirique, ingénue et résolument tournée vers l’avenir.Le télescopage des époquesCar c’est bien d’avenir que parle la saison 5 d’Un Village français. Si elle ne met, contrairement aux saisons précédentes, que peu d’enfants en scène, elle développe le thème de la filiation à grande échelle. Le premier épisode de la saison donne ainsi le ton en évoquant au détour d’un dialogue la guerre de 1914-1918 et le sort tragique des pères d’Antoine et Claude. De fait, la plupart des décisions prises dans cette saison 5 paraissent conditionnées par la conscience du passé et par la référence à des destins antérieurs. « Les vainqueurs de demain à ceux de 14-18 » écrivent à un moment les jeunes maquisards, opérant une communication spirituelle entre générations (la série reprend là des mots réellement utilisés en 1943 par le maquis de l’Ain et du Haut-Jura).De rares flash-backs d’enfance font aussi leur apparition en cours de saison et appuient cette idée de télescopage des époques. Le retour cyclique et la répétition des mêmes schémas, constitutifs de l’identité d’une série, trouvent donc ici une justification historique. La position à adopter face à l’Histoire en marche irrigue les nombreux dilemmes des personnages, dont certains commencent déjà à imaginer une voie de sortie pour l’après-guerre. Cette conscience du temps qui passe engendre une des plus déchirantes séquences de la saison, au moyen d’une lettre mélodramatique lue en voix-off: « Avec toi, ce sera toujours demain, après-demain. Après, après, après. (…) Tu ne veux rien faire de la beauté du monde. Là j’ai besoin d’air. Je pars au hasard. »Au-delà de sa violence, de ses intrigues romanesques et de ses affrontements qui constituent une sorte d’éternel retour, Un Village français s’affirme dans cette saison 5 comme une série qui s’interroge sur la façon dont on se représente à soi-même et dont on considère sa place dans le temps. S'appuyant toujours sur des codes très identifiés (la structure de l’enquête policière reste ainsi présente à travers les investigations implacables de Marchetti) mais prenant ici de la hauteur pour inscrire les destinées de ses personnages dans une temporalité élargie, Un Village français n’en finit plus de nous épater.Damien Leblanc
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