Vous avez entendu les sempiternelles réflexions sur le fait que vous soyez l’une des rares femmes en compète ?J’ai lu des trucs du style : « Bon, il y a Donzelli, Maïwenn, mais ça reste une sélection d’hommes... » Pour Polisse, quelqu’un de très proche m’avait dit : « C’est évident que tu allais être prise en compète. Tu fais un film sur les enfants maltraités, t’es une femme, t’es jeune, t’es jolie. » Comme si je n’avais pas la légitimité d’exister par ce que je fais. C’est fatigant. Tous les ans, on a droit au même débat, c’est insupportable. Dans quelques années, on va dire à Thierry Frémaux qu’il n’y a pas assez d’Arabes, pas assez de juifs, et on va faire des quotas ?>>> Faut-il être une femme pour aimer Mon roi ?Vous aviez expédié le débat dans Cinéast(e)s, le documentaire de Julie Gayet sur les femmes réalisatrices...Julie m’avait proposé de participer à son film. Poliment, j’avais répondu que je n’avais pas le temps. Puis j’apprends par la presse que je suis dans son docu. Elle avait pris des images ailleurs sans me demander. J’ai pété un boulon. Je prends rarement la parole dans les médias, je veux qu’on me laisse tranquille et je déteste apparaître dans la presse ou à la télé sans raison, alors qu’on n’aille pas piquer des images de moi ailleurs pour servir un sujet qui n’a pas lieu d’être. C’est un sujet sur lequel je ne veux pas communiquer parce que je le trouve totalement bidon ; je refuse ce débat car il n’existe pas ! Je l’ai appelée en lui demandant de me couper de son montage, mais le film était déjà diffusé. Je lui ai dit : « C’est simple, je vais venir t’égorger de mes propres mains si tu ne vires pas ma séquence. » J’ai fait appel à un avocat, c’est allé loin. C’était très important pour moi de ne pas figurer là-dedans, on fait du tort aux femmes en râlant comme ça. Il y a plus de maquilleuses femmes que d’hommes, et alors ? Qui s’en émeut ? C’est un métier qui fait appel aux hormones masculines, donc il y a tout simplement plus d’hommes réalisateurs, c’est aussi bête que ça.  Je me souviens des réactions après l’annonce de la sélection de Polisse à Cannes. Elles étaient dures envers vous alors que personne n’avait vu le film.Je sais à quoi m’attendre dans le milieu. Sur Polisse, je sentais beaucoup de jalousie, là ça va être pire. Je n’ai pas l’impression que le milieu du cinéma français soit content pour moi. Tout le monde attend que je me plante, c’est très français. Thierry Frémaux m’a dit que depuis qu’il y a moins de Français dans les jurys, les films français gagnent plus de prix. C’est pour ça que je fuis les mondanités et que je fréquente des gens qui n’ont à rien à voir avec le milieu. J’en ai marre de devoir me justifier. Les gens de ce milieu sont tellement agressifs envers moi. Ils ne m’ont pas vue venir. Une gonzesse, jeune, autodidacte, qui fait parfois sa pin-up dans les magazines féminins... Y a un truc genre : elle va pas en plus faire des films qui marchent. Et en plus avoir un prix. En France, on castre ceux qui réussissent. Moi, je me réjouis que le cinéma français existe autant, je me sens solidaire, j’ai envie d’appeler tous les collègues pour partager ma joie. Mais bon, ça marche pas comme ça ici... >>> Maïwenn : "Mon roi aurait dû être mon premier film"Interview Stéphanie LamomeMon roi de Maïwenn avec Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot est présenté en compétition à cannes et sortira dans les salles le 21 octobre 2015