Cowboy pour Peckinpah, mentor pour Blade, super-héros de la country music, l’américain est mort à 88 ans. Hommage.
"Les temps changent…", lance amer Pat Garrett aka James Coburn dans le célèbre western de 1973 de Sam Peckinpah. "Les temps, peut-être. Pas moi !", lui répond bouffi d’assurance Billy the Kid incarné par un Kris Kristofferson tout en décontraction naturelle. Kristofferson est mort samedi à l’âge de 88 ans et avec lui un peu du grand d’Ouest sur grand écran. Celui immortalisé par Peckinpah à coups de ralentis et de montage fiévreux.
Dans ce Pat Garrett et Billy the Kid (1973), son premier vrai grand rôle pour le cinéma, celui qui venait de s’imposer à Nashville avec le hit Me & Bobby McGee affichait une insolente virilité immédiatement contrariée par la douceur presque angélique qui émanait de sa personne. Le chanteur-acteur incarnait peut-être malgré lui une sagesse que le poids des années avait consolidée. Le visage buriné, la voix de plus en plus éraillée, il était la personnification d’une Americana ouverte sur les autres et le monde. Le mot « légende » appartient à quelques élus. K.K était de ceux-là. Le communiqué officiel de sa mort dit ceci : "Quand vous verrez un arc-en-ciel, sachez que c’est lui qui nous sourit à tous".
A la place d'Elvis
Si au rayon celluloïd, il doit beaucoup à Peckinpah qui en fera également un outlaw vaporeux et violent dans Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia (1974) et un conducteur de poids lourds rebelle dans Le Convoi (1978), le magnétisme de Kristofferson a explosé les compteurs avec le remake érogène (et pas fameux !) d’Une étoile est née de Frank Pierson (1976) au côté d’une autre légende de la chanson, Barbra Streisand. Le rôle était initialement taillé pour Elvis Presley. Le King, brun agité à la mèche tombante, Kristofferson, grand blond hippie plutôt économe de ses émotions. Deux mondes à priori. Avec sa prestation, Kristofferson obtiendra les seuls lauriers de sa longue carrière de comédien : un Golden Globes du meilleur acteur dans une comédie musicale. La même année son fort pouvoir de séduction fait aussi des merveilles dans le curieux Le marin qui abandonna la mer de Lewis John Carlino d’après une nouvelle de Mishima. Kristofferson solo sur un vaisseau quasi fantôme fait tourner la tête d’un gamin et le cœur de Sarah Miles.
Dennis Hopper (The Last Movie), Martin Scorsese (Alice n’est plus ici) et surtout Michael Cimino (La porte du paradis) lui assuraient une street credibility cinéphile qui aura cependant eu du mal à garder le cap sur la longueur. Les fans de la saga Blade, eux, le connaissaient sous le nom d’Abraham Whistler, chasseur de vampires et mentor du super-héros Marvel. En 1996, le néo-western de John Sayles, Lone Star ressuscite une aura égarée. Il est le shérif Charlie Wade dont la mort mystérieuse sert de pivot à ce drame poisseux qui lorgne magnifiquement vers le film noir. Kristofferson, moustache et Stetson campait alors un parfait salaud que n’aurait pas renié Nick Nolte (la ressemblance est ici troublante).
Dimanches matin
Enfin, on n’oublie pas sa voix caverneuse qui hante le biopic dadaïste de Todd Haynes sur Bob Dylan, I’m Not There (2007). Dylan, son pote croisé sur le tournage de Pat Garrett et Billy The Kid et plus régulièrement dans les studios d’enregistrement de Nashville où Kris Kristofferson aura gravé son nom sur le célèbre Country Music Hall of Fame en, 2004.
Ironie de l’histoire. Kris Kristofferson est mort un samedi soir, lui qui a chanté comme personne le chaos des dimanches matin : "… I woke up sunday morning, with no way to hold my head that didn’t hurt…"
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