A travers la société Heylight Pictures, Sindo Chen distribue Creation of the Gods I : Kingdom of Storms. Elle revient ici sur l'absence des blockbusters chinois en France et sa stratégie de conquête.
Plongée dans une Chine mythologique, Creation of the Gods I : Kingdom of Storms est un récit furieux où des familles royales s'affrontent sur fond d'heroic fantasy. Version chinoise du Seigneur des anneaux de Peter Jackson, porté par des effets spéciaux étourdissants, le film a déjà rapporté près de 400 millions de dollars au box-office chinois et n'a rien à envier aux grosses machines hollywoodiennes (que ce soit en matière de décor, d'imaginaire ou de visions fantasy...). Alors que le film débarque en France pour une durée de deux jours (les 10 et 11 février), à l'occasion du nouvel an chinois, on a posé quelques questions à la distributrice d'Heylight Pictures, Sindo Chen, sur l'exportation des blockbusters asiatiques.
A quel moment votre société Heylight Pictures a-t-elle décidé de sortir des blockbusters chinois en France ?
Heylight a été fondé juste avant le Covid. Pendant la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. De fait, à ce moment, ca devenait difficile pour la Chine d’importer des films américains. Et la Chine s'est alors tournée vers le marché européen. J’étais en Europe et on a commencé à acquérir des titres français pour le marché chinois. Boîte noire, J’accuse, Martin Eden…. Ensuite, le Covid est passé par là. Les cinémas ont fermé et on s’est mis à travailler pour les plateformes de manière similaire. Et puis, l’année dernière, plusieurs personnes sont venues me demander si je pouvais distribuer des titres chinois en France.
Jusqu’à présent, on voyait dans les salles françaises quelques films chinois, mais il s’agissait essentiellement de cinéma d’auteur. On oublie que le les blockbusters chinois sont très importants. La Chine est le deuxième marché cinéma le plus important du monde. C’est un peu l’éléphant dans la pièce (rires). Regardez le top 20 du box-office mondial de l’année dernière. Il est trusté en grande partie par des films américains, pourtant quelques films chinois apparaissent (comme Man Jiang Hong). Or ces films-là n’ont même pas été distribués à l'étranger ! Le marché local est tellement grand. Mais aujourd'hui, l'idée c'est d'exporter ces blockbusters sur d’autres marchés.
Ce qui veut dire que vous voulez dépasser le cadre de la communauté chinoise ?
J’espère bien. Je le disais récemment à un ami : la communauté chinoise en France représente la moitié de la population de la baie de San Francisco. C’est donc un tout petit marché. Les distributeurs indiens en France le font et ça marche très bien : ils distribuent beaucoup de films, parfois trois ou quatre titres par mois. Ils s’appuient sur la communauté indienne, et créent des modes spécifiques qui permettent de dépasser ce cadre-là précisément. C’est très intelligent. Et ça peut prendre ! Je pense en tout cas que le marché a besoin de nouvelles stratégies. Le Covid a changé la donne. Les spectateurs ont acquis de nouvelles habitudes, ont élargi leurs horizons. Et il faut leur proposer des choses nouvelles. C’est très excitant. Pour tout le monde.
Comment expliquez-vous que les gros films commerciaux chinois n’aient pas été distribué avant ?
Les histoires de ces films sont souvent basées sur des concepts ou des mythes très particuliers. Par ailleurs les méga stars chinoises ne sont pas encore très connues ici. J’avoue que, pendant longtemps, les films chinois s’adressaient surtout au marché local. Mais c’est en train d’évoluer et c’est précisément la raison pour laquelle je pense qu’il y a de nouvelles opportunités. Regardez Creation of the gods. C’est très chinois, mais c’est aussi très universel. Le scénario est adapté d’une légende chinoise, mais au fond, l’histoire raconte la relation entre un père et son fils. C’est shakespearien si l'on veut.
Adaptez-vous les films quand vous les distribuez en France ?
Il faut faire tomber certaines barrières. Avec les moyens que nous avons. Par exemple, dans les sous-titres, on simplifie les concepts ou les tournures des phrases qui peuvent être parfois compliquées pour les occidentaux. Il y a un travail de simplification à faire, c'est évident. Dans la forme comme dans le vocabulaire. Il faut rendre ces films encore plus accessibles.
Mais pensez-vous que les cinéastes chinois ont conscience de cela ?
C’est une question intéressante. J’ai régulièrement des discussions avec les réalisateurs, les acteurs ou les producteurs chinois. Et, oui, ils ont conscience qu’ils peuvent désormais occuper une place de choix dans l’économie du cinéma mondial. C’est pour cela que les choses bougent. Les stars et les réalisateurs sont de plus en plus conscients qu’il existe un marché extra-territorial. C’est bon pour eux. Bon pour la promotion du film, pour sa notoriété… même dans le cadre de son exploitation domestique. Vous savez, les marchés étrangers sont de plus en plus considérés par les producteurs et les stars locales. D’autant que les productions Hollywoodiennes ne sont plus aussi bonnes qu’avant ! Il y a des parts à prendre.
Creations of the gods arrive effectivement à point nommé, vu la relative absence de blockbusters américains.
C’est vrai que nous sommes chanceux. Le cinéma hollywoodien a connu quelques problèmes l’année dernière et, de fait, il y a moins de blockbusters prévus dans les mois qui viennent. On a une carte à jouer. D’autant que le line-up des grosses productions chinoises est très excitant.
Quel est le programme d'Heylight Pictures ?
Creation of the Gods est une trilogie. On sort le premier film sur deux jours et on verra comment ça prend. Cette expérience sera forcément riche d’enseignements pour la suite et le troisième volet. Il y a aussi Wandering Earth 2 sur nos tablettes. Creation of the Gods n'est qu'un début.
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