Rencontre avec le réalisateur, alors qu'Avatar 2 débarque en numérique.
Après son triomphe en salles, qui l'a hissé au rang du 3e plus gros carton de tous les temps au box-office, Avatar : La Voie de l'eau est disponible en VOD depuis quelques jours (notamment sur Première Max), alors qu'on attend toujours l'annonce de sa sortie en DVD et Blu-Ray. Nous avions rencontré James Cameron juste avant la sortie du film, en décembre dernier, quand le succès de la suite d'Avatar était encore incertain.
Regardez Avatar 2 en VOD sur Première MaxPREMIÈRE : Quand nous publierons cette interview, fin décembre, Avatar : La Voie de l’eau sera soit dans les clous pour devenir le plus gros succès de tous les temps, soit… et bien il ne le sera pas. Quel genre d’importance cela a pour vous ?
JAMES CAMERON : On a commencé à travailler sur le film en 2013, donc il y a neuf ans. Et à l’époque, on n’avait pas comme objectif de « battre » le premier Avatar, qui a été un véritable phénomène. Donc on se disait que si on faisait les deux tiers de son succès, on serait déjà pas mal. Aujourd’hui, une décennie plus tard, nous vivons dans un autre monde, celui d’après la pandémie, où le marché du cinéma s’est considérablement contracté. Le public d’aujourd’hui se sent à l’aise chez lui à regarder des films en streaming. Et là, on se fait du souci ! Parce que si Avatar 2 ne fait pas assez d’argent, il n’y aura pas d’Avatar 4 et 5 – je rappelle que le 3 est déjà tourné… Je me dis juste que ces films sont intéressants, et que l’on a envie de vivre avec ces personnages. Des gens sont inquiets, mais ces inquiétudes ont lieu bien au-dessus de moi et de mon salaire. Je ne peux guère faire plus que les films dont je suis capable. Les autres forces, je ne les contrôle pas. On a de la chance de sortir en Chine, c’est très important en termes de business. On va sortir sur 60 000 écrans là-bas, environ. C’est une échelle difficile à envisager. Quand le premier film est sorti en Chine, à l’époque, il y avait 300 écrans 3D seulement et la majorité avaient été installés six mois plus tôt, précisément pour la sortie d’Avatar. Un autre temps…
De l’extérieur, vous semblez être un réalisateur « hardware », très attaché aux technologies et aux outils. Mais le côté mystique et onirique de La Voie de l’eau rappelle d’autres séquences de rêve dans vos autres films. Vous êtes aussi un vrai « software »?
Oui ! Tout à fait. Mais pourquoi choisir entre les deux ? Nous utilisons tout notre cerveau, en permanence. Je peux être très, très technique, avec une moitié de mon cerveau, mais l’autre, très instinctive inconsciemment, est très émotionnelle. C’est avec celle-là que je communique avec les actrices et acteurs, et eux, la technologie, ils s’en foutent. On ne doit pas choisir. Pour moi, un être humain complet est capable de tout. Quand je rêve, je ne rêve pas « techniquement ». Je rêve de couleurs et d’émotions, je rêve surréaliste. D’ailleurs le mouvement surréaliste ne voulait pas interpréter les visions, il s’agissait de les jeter sur le papier. Bref, il y a les problèmes techniques, les problèmes artistiques et les problèmes narratifs, et il se trouve que j’aime tous les résoudre. Pourquoi devrais-je choisir ?
La Voie de l’eau se fixe beaucoup sur des archétypes: il y a la mère, le père… Est-ce que cela reflète quelque chose de profond en vous ?
Je pense que notre structure cérébrale, notre conscience, a évolué pour qu’on puisse se connecter les uns avec les autres. Et que l’art est un moyen de faire ressortir cet état onirique intérieur, de le projeter à l’extérieur pour que quelqu’un d’autre s’y reconnaisse – et s’y connecte. C’est une question qui me fascine beaucoup: c’est quoi, l’art ? Pourquoi en a-t-on besoin à ce point ? C’est une des premières choses que l’on a faites en tant qu’êtres humains. Des pierres taillées, le feu, et puis, paf, les peintures pariétales. Ça a du sens, oui, mais lequel ? Je crois aujourd’hui que l’art est une façon de communiquer entre subconscients.
Justement, votre dernier film utilise moins la voix off que le précédent : pas seulement parce qu’il y a moins à expliquer, mais parce que tout paraît plus évident…
Oui. C’est un choix affirmé depuis le début. Vous savez, faire un film comme celui-là, cela signifie concevoir un nombre de détails absolument hallucinant! On est à un niveau infini de détails. Mais quand on contemple le rendu final, l’image définitive, la satisfaction que l’on éprouve est indescriptible. Hé, on a fait ça ? Nous ? C’est toujours meilleur que ce que l’on pensait. L’écart entre ce que l’on imaginait au départ et ce que l’on a finalement réalisé est vraiment surprenant. En fait, je me suis surpris moi-même : j’ai apprécié regarder mon propre film. Je l’ai vu des milliers de fois, par petits bouts, mais tel qu’il est conçu pour être projeté au cinéma, seulement quelques fois. Et je ne l’ai vu terminé que la semaine dernière [l’interview a eu lieu le 2 décembre dernier]. En 3D. J’étais un peu nerveux. Et si je ne l’aimais pas ? (Rires.)
Et vous l’avez aimé ?
Ça fonctionne, à peu près. (Rires.)
D’ailleurs, vous connaissez un truc ou deux sur la façon de faire une bonne suite...
J’étais pourtant en guerre avec moi-même sur plein de décisions, croyez-moi, d’autant plus qu’en plein milieu du film, on fait un virage et on part complètement ailleurs… Jake et Neytiri disparaissent pendant trente minutes et on se concentre sur les gamins. C’est un tout autre voyage que celui qu’on pensait faire. Un film, et surtout une suite, devrait toujours proposer de l’inattendu, mais pas en perdant le public. Par ailleurs, et sans balise spoiler, je trouve que la fin de La Voie de l’eau représente un sacré pari. Ce n’est pas un gros happy end. C’est très doux-amer. Quand vous faites un film de cette ampleur, à ce niveau de budget, il y a une tendance à jouer la sécurité, surtout en ce qui concerne la fin… Et là, eh bien je crois que ce n’est pas le cas !
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