Vous en avez mis du temps à venir au théâtre !A 50 ans, on peut dire que je me suis fait tirer l’oreille pour y arriver. Je ne le sentais pas. J’avais peur d’abandonner le one-man. Avec Le Placard, j’ai comme le sentiment de tromper ma femme ! Tous les deux ans, je fais un spectacle. Actuellement, je suis dans un entre-deux, c’était donc le moment idéal.Pourquoi Le Placard ?A la base, je ne devais pas jouer ce spectacle. Benoît Lavigne m’avait proposé une pièce de Woody Allen avec Cristiana Reali. Nous avons fait une lecture au Théâtre de la Renaissance. Ce jour-là, il y avait dans l’assistance Pascal Legros, qui dirige les Nouveautés. Je l’intéressais, mais pour autre chose, c’était Le Placard. Veber correspond plus à mon univers. Alors j’ai foncé.De quoi aviez-vous peur ?De ne plus être un enfant gâté. Dans le one-man, je suis seul, juste avec mon régisseur. Je reconnais que de partager la scène avec d’autres comédiens, c’est chouette. Même si maintenant ça va mieux, j’ai eu du mal à m’adapter aux règles du théâtre : jouer sept fois par semaine, dont deux le samedi, arriver très tôt, ne pas fumer dans sa loge… des tas de petits trucs. Il y a toute une rigueur à laquelle j’ai mis du temps à me faire. Et puis, on ne peut pas inventer, il faut dire le texte. Francis Veber est un méthodique, presque un maniaque. Et il a raison !Le public a répondu présent de suite, cela vous a fait chaud au cœur ?Oui, d’autant plus que cela appartenait à la liste de "mes peurs". Lorsque j’ai vu aux Nouveautés le spectacle précédent de Veber, Cher trésor, j’ai trouvé les spectateurs plutôt âgés. Or mon public est plutôt jeune, souvent peu habitué au théâtre traditionnel. Maria (ndlr : Maria Martins-Pipaud, directrice déléguée des Nouveautés) m’a vite rassuré, il était bien là au rendez-vous. On a juste un faux problème, c’est que "mon public" ne réserve pas à l’avance, il a tendance à se décider à la dernière minute, du coup nous n’avons pas de visibilité au-delà d’une semaine. J’ai l’habitude, car c’est la même chose pour mes spectacles. Je vous rassure, le dimanche, la moyenne d’âge est plus élevée. J’en ai même vu au premier rang avec des jumelles ! Si on fouillait leurs poches, on y trouverait plein de cartes vitales !Ils sont nombreux à connaître le film par cœur…La pièce n’en est pas un copié-collé… Il manquait un quart d’heure que Veber a rajouté. Il est très ouvert à nos demandes lorsqu’il trouve que c’est justifié. Il y avait des passages où mon personnage n’était pas drôle, énonçant des choses banales. Ces scènes passaient bien au cinéma parce qu’il y avait tout un jeu de gros plans, mais au théâtre, cela ne collait pas. Du coup, nous nous sommes installés deux-trois jours chez moi pour retravailler ces scènes. On a parlé de plein de choses, dont ma passion pour les abeilles et comme vous avez pu le voir dans la pièce, Veber s’en est bien servi !Qu’est-ce que ça fait d’appartenir à la famille des François Pignon ?Très plaisir ! C’est un personnage décalé, que j’aurais pu mettre dans mes "petites annonces", dans mes spectacles. Il est comme un chien dans un jeu de quilles. Chaque soir, quand Philippe Magnan me demande comment je m’appelle, j’aime lui répondre : "François Pignon". J’ai beaucoup d’admiration pour le boulot de Veber. Son écriture est très efficace. J’écris en ce moment mon prochain spectacle, je profite de cette expérience… Là, je suis dans la période où j’enlève tout ce qui ne sert pas aux textes.Vous dessinez un personnage fragile, un Pierrot lunaire inadapté au quotidien…J’ai vraiment trouvé la grande ligne, juste avant de jouer ! Pignon est un homme qui a peur de tout, surtout de la vie. C’est à cela que je pense avant d’entrer sur scène. Il n’est pas à l’aise dans le monde des adultes. Cela doit venir de moi, car j’ai du mal à m’adapter. Je suis resté un peu gamin, j’aime m'amuser et je déteste les règles. Pignon est un rebelle, pas très éloigné de moi.Donner la réplique à Laurent Gamelon et Philippe Magnan doit être vivifiant ?Avec eux, et tous les autres, j’ai découvert le plaisir de partager la scène. On forme une joyeuse famille, on peut tout se dire. Il n’y a pas de susceptibles! Si l’un de nous adresse un reproche ou donne un conseil à l’autre, on prend et on travaille. Gamelon possède la "vis comica", le rythme parfait de la comédie. Quant à Philippe Magnan, c’est la sobriété, l’efficacité même. Et rouler un patin tous les soirs à Zoé Félix est un plaisir !Est-ce difficile de ne pas rire sur scène ?C’est vrai qu’il y a eu pas mal de fous rires au début et en réalité cela m’a détendu. Je m’en veux d’avoir ces crises et surtout d’entraîner mes camarades là-dedans. Cela montre que je ne suis pas concentré. On n’a pas le droit de se laisser déborder, cela nuit à la véracité du personnage. En toute honnêteté, ce n’est pas bien, mais qu’est-ce que c’est bon ! Mais je tiens à le dire, je n’ai pas la maladie de Jean Lefebvre qui utilisait de faux fous rires comme effet comique !Qu’envisagez-vous après Le Placard, un drame ?Si on me le propose, pourquoi pas. Mais il y a une véritable jouissance à faire rire, je ne vais pas lâcher cela. De janvier à mai 2015, il y aura la tournée du Placard, mais avant, en novembre et décembre, je vais roder un spectacle tout neuf à la Nouvelle Eve. Il sera plus personnel, intime. Mais avant tout cela, c’est "Le Placard" jusqu’en juin. J’éprouve un vrai plaisir à jouer tous les soirs. Moi, qui craignais de me lasser… Gamelon pensait que j’allais craquer. Eh bien non, je me régale !
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