Première
par Thierry Chèze
L’action se déroule en 1992. Il y a seulement 30 ans. Et pourtant l’Espagne qui y est décrit paraît bien plus ancienne. L’action se déroule en 1992 et cette date n’a pas été choisie au hasard par Pilar Palomero, réalisatrice formée au septième art sous le mentorat de Béla Tarr. Car au moment où son pays étalait aux yeux du monde sa modernité en accueillant coup sur coup les Jeux Olympiques (à Barcelone) et l’Exposition Universelle (à Séville), les coulisses de la vie en société étaient bien moins reluisantes, toujours marquées par les années franquistes et dominées par un machisme qui étouffait l’éveil à la vie et à la sexualité des petites filles. Las niñas s’intéresse plus précisément à l’une d’elle, Celia, 11 ans, élevée par sa mère, élève d’un collège de bonnes sœurs de Saragosse et dont l’existence tranquille va être percutée par l’arrivée d’une camarade venue de Barcelone. Las niñas s’inscrit pleinement dans le cadre d’un récit initiatique classique en montrant Celia se cogner puis tenter de repousser les murs qui l’étouffent : cette éducation religieuse comme les secrets de plus en plus impossibles à tenir de sa mère sur son père. Mais le film se double d’un regard passionnant sur la société espagnole, avec cette idée de raconter les blocages d’un passé encore proche pour mieux comprendre pourquoi l’évolution a été et continue d’être parfois lente sur le vaste sujet de la condition féminine. Le tout sans coups d’éclat démonstratifs, par petites touches suggestives, avec une sensibilité jamais insistante. Un premier film d’une grande maîtrise.