Toutes les critiques de I'm Not There

Les critiques de Première

  1. Première
    par Olivier de Bruyn

    La composition du casting n'est pas la seule audace du film. Qu'est ce que ce truc? Un kaléidoscope formel? Un essai impressionniste radical? Il y a de ça. Et tellement plus encore. I'm not there témoigne d'une inspiration en accord avec les métamorphoses de son héros. Jongle avec la chronologie. La mise en scène invente autant que le script, sublime les paysages américains désolés avec des travellings aériens, pénètre sans effraction l'esprit de son modèle et renvoie ainsi subtilement à son univers créatif.

Les critiques de la Presse

  1. Télérama
    par François Gorin

    On a parfois l'impression d'errer dans un musée Dylan dont les six salles communiquent un peu trop bien. Où suis-je ? peut alors se demander le spectateur. Et de se dire à son tour, un peu déçu : je ne suis pas là. Qu'on nous laisse hasarder un conseil à cet égaré : de rester jusqu'au bout. Comme si tant d'évocations avaient fini par imposer sa présence in extremis, Bob Dylan apparaît, précédé de son fameux harmonica. Todd Haynes n'a pas fait lui-même cette image un peu floue, il l'a piquée ailleurs. Elle renie le postulat du film et ne jure en rien avec tout ce qui précède. Mieux que le justifier, elle donne envie de le revoir.

  2. Elle
    par Anne Diatkine

    I'm not there est un genre d'hommage absolument inédit, qui restitue le mystère plutôt que la personne. Ce sont six facettes de Bob Dylan, tel un kaléidoscope qui se garde bien d'unifier l'ensemble. Six portraits fragmentaires à travers des chansons et des époques, où chacun des acteurs porte l'un des masques derrière lequel l'insaisissable icône a pu appraître. I'm not there n'est ni une élégie à Bob Dylan, ni une enquête, ni un film d'époque, ni une fiction, ni un western, ni une comédie musicale, et pourtant il traverse tous ces genres.

  3. Paris Match
    par Christine Haas

    Chaque segment possède son style visuel proche de Richard Lester ou de Fellini, de la couleur au noir et blanc, du documentaire au western. Les chansons nourissent la trame d'une narration parfois aussi cryptées que certaines déclarations de l'énigmatique troubadour. Entre les ellipses, les hypothèses, les distorsions, ce portrait fantasmé de Todd Haynes est surtout accessible aux fans éclairés.

  4. Pariscope
    par Arno Gaillard

    Voilà un étonnant voyage à travers la vie de Bob Dylan. Plusieurs acteurs incarnent l’artiste en une série de personnages changeants: poète, prophète, hors-la-loi, imposteur, comédien, martyr et « Born again ». Tous participent à l’esquisse de cette icône américaine. C’est une belle tentative de portrait, celui d’un poète, d’un personnage définitivement insaisissable. Puristes et fans, restez à distance de cette ovni cinématographique car le cinéaste Todd Haynes peint SON portrait et bouscule la légende. Les univers se télescopent et le cinéaste ne se laisse pas faire par son sujet, c’est plein d’idées et de trouvailles sonores et visuelles.

  5. Le Monde
    par Isabelle Regnier

    I'm Not There, de fait, est un jeu de miroirs sophistiqué dans lequel le moindre détail étoffe le récit de sa signification propre. Devant Charlotte Gainsbourg, par exemple, qui joue ici le rôle de la femme de Robbie, comment ne pas penser au couple mythique que formaient à la même époque ses parents, Serge Gainsbourg et Jane Birkin ?
    Les nombreuses, bien que furtives, références au cirque, à Halloween, aux masques ne sont pas moins signifiantes. Elles forment une farandole de fous, de marginaux affranchis et invisibles, qui déambulent au milieu de l'arène pop ; elles sont l'horizon du poète, le pôle d'attraction qui le sauvera, tout au long de sa vie, de l'attraction mortifère des lumières du spectacle.

  6. Télérama
    par Pierre Murat

    I'm not there est un film de spécialistes. De happy few, fiers d'être aussi « happy » ensemble, mais surtout si « few ». Un dramaturge russe du XIXe siècle caricaturait, à la façon de Molière, la vanité, lorsqu'elle devient outrecuidante. Du malheur d'avoir trop d'esprit est une pièce éternelle. Pas sûr que le film de Todd Haynes le soit.

  7. Fluctuat

    Tout est dans le titre : I'm Not There est un film avec et sans Bob Dylan. Un film qui nous parle avant tout de musique, de rêve, d'amour et de trahison. Un film sur des reflets, ceux d'un homme mais surtout d'une époque et d'un pays, les Etats-Unis, traversés par ces chansons comme par un éclair qui brûle encore aujourd'hui. Un film onirique et follement libre. Une merveille.
    - Exprimez-vous sur le forum cinémaBob Dylan est sans doute l'un des artistes les plus volontairement mystérieux du XXeme siècle, ayant consacré beaucoup d'énergie à se créer un personnage, ou plutôt des personnages… renvoyant David Bowie au rang des amateurs. Bob Dylan n'existe pas, nom de scène inventé par un Robert Zimmerman qui lui, définitivement, « is not there ». Vampire de la culture populaire américaine, comme de ses auteurs les plus élitistes et arty, il est pourtant cet être qui relie entre eux le folk singer engagé et idéaliste de 20 ans, la star du rock moqueuse et cynique et le New Born, converti au catholicisme sur le tard. De ce que l'on sait, de ce qu'on imagine, de ce que les propos et les chansons nous ont offert de lui, Todd Haynes a finalement décidé de ne pas tenter l'impossible synthèse, mais de se livrer à une décomposition en six personnages, six acteurs, six styles de mise en scène. Six pistes qu'il invente pour mieux les brouiller, puisque de résolution du mystère ici, il ne sera jamais question. Il y a donc le petit gars issu du blues Woody G. (Marcus Carl Franklin), le folk singer engagé John (Christian Bale), le poète maudit Arthur R. (Ben Whishaw), le dragueur invétéré Robbie (Heath Ledger), la rock star cynique Jude (Cate Blanchett, (photo ci-dessous), la plus spectaculaire) et l'ermite en fuite Billy the Kid (Richard Gere).Voyage hallucinéTels des personnages issus de l'imaginaire dylanien, ces incarnations (façon Chromosome 3 de david Cronenberg) vivent leurs propres vies, entre western, documentaire musical, délire surréaliste, reliées entre elles par un montage virtuose et surtout, un appel impérieux à se laisser porter. Si une certaine logique se met en place pour passer d'un corps à l'autre, ce I'm Not There fonctionne avant tout comme un rêve, avec son scénario à branches, son héros polymorphe, ses ruptures de ton incessantes, ses scènes fantasmagoriques pleines de poésie. S'il est un cinéaste auquel on repense sans cesse, malgré les différents styles employés par Haynes, c'est bien federico Fellini, et sa déambulation nocturne de Huit et demi, à laquelle il rend ouvertement hommage dans sa partie «Jude/Blanchett ». Images symboles (Dylan et son groupe électrique mitraillant au sens propre la foule), scènes de rêve hallucinées (la chanson Mister Jones), accélérations brutales et douceur cotonneuse : Todd Haynes ose tout, la citation comme l'invention pure, le détail historique réel comme la condensation de faits. Et c'est pour cela que I'm Not There est bien plus qu'un film sur Dylan. Emancipé du genre biopic, le film est habité par une folie que l'on croyait avoir perdue au début des années 1980.Bien sur, on retrouve au détour d'une scène certaines des rencontres importantes dans la vie de l'artiste : Joan Baez (apparition très drôle de Julianne Moore en post baba cool dans son intérieur bourgeois pour un documentaire rock plan plan), Eddie Sedgwick, échappée de la bande à andy Warhol et tombée dans les bras de Dylan pour un bref instant, filmé ici comme une promenade fantasmée et bucolique, Alan Ginsberg (très belle scène aux pieds de Jesus), les Beatles (scène hilarante en accéléré où les 5 larrons se roulent par terre comme des gamins sous hélium)… Des apparitions traitées comme telles : fantomatiques et irréelles.Effet de miroirI'm Not There est donc un voyage halluciné sur les traces d'une figure à la fois brillante et absente, dont l'unité profonde serait la musique. Le blues, le folk, la pop, le rock électrique, le gospel, tous ces genres portent en eux une Histoire des Etats-Unis disséminée dans autant d'histoires, reprises à la première personne par Dylan. Ces genres, il les aura traversés autant qu'il aura été traversé par eux. Et c'est ce que Todd Haynes, en grand connaisseur de la musique, a génialement retranscrit ici. En Dylan, et au coeur du film, c'est bien la culture américaine qui est en jeu, plus proche du peuple que de la pop. On est en plein dedans, noyau dur de ce récit en éclats, à travers le jeune Woody, petit gars noir fasciné par le blues et hanté par la traite des nègres, qui s'entend un jour reprocher de ne pas parler de son propre temps. A travers la pauvreté ouvrière décrite par le folk singer engagé qui lui succède. À travers aussi la guerre du Vietnam, qui aura cristallisé une période d'engagement et de luttes sociales unique aux Etats-Unis, à laquelle ni le mouvement baba cool ni la période folk de Dylan ne survivront. Reflet de son temps, la musique dialogue avec l'Histoire, et produit parfois cet effet de miroir fascinant qui lie entre eux un homme seul et tout une génération qui se reconnaît d'abord, puis se perd, et le hait. Greil Marcus* n'est jamais loin.Todd Haynes emprunte les attributs dylaniens, et les propulse sur un rythme effréné comme autant d'électrons libres dans le paysage américain. Nous rappelant au passage que la musique possède ce pouvoir, qu'elle partage avec le cinéma : elle cristallise dans un frottement des instants précieux et leur donne une puissance inouïe.*Lire si ce n'est déjà fait Lipstick Traces de Greil Marcus, complément parfait au film. I'm Not There
    De Todd Haynes
    Avec Christian Bale, Cate Blanchett, Heath Ledger, Charlotte Gainsbourg, Marcus Carl Franklin, Ben Whishaw, Richard Gere
    Sortie en salles le 5 décembre 2007
    Illus. © Diaphana Films
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