- Fluctuat
Saviez-vous qu'une commotion cérébrale peut provoquer des comportements sexuels inappropriés ? John Waters, lui, l'a lu dans le journal et s'en est souvenu. Connaissant les penchants déjantés du pape du trash, on n'est pas surpris que ce genre d'info lui ait inspiré son dernier film. Pas déçu non plus, d'ailleurs, car A Dirty Shame s'avère décapant, et souvent hilarant pour ne rien gâcher.
Comme toujours ou presque chez John Waters, l'action prend place à Baltimore, sa ville natale. Ici les maisons sont proprettes, les pelouses régulièrement tondues, les voisins courtois. En gros, rien de dépasse, rien de choque, rien ne prétend troubler le très prude ordre établi. Avant l'arrivée dans le coin de l'intrigant Ray-Ray, du moins. Etrange gourou complètement obsédé par le plaisir du sexe, ce dernier rassemble autour de lui une bande d'adeptes passionnés, soumis à une seule ligne de conduite : assouvir leurs très diverses et imaginatives pulsions. Le but ? Renforcer le pouvoir du sexe dans les environs, quitte à entrer en guerre contre des hordes de puritains outrés. Sur la rive diamétralement opposée, voici Sylvia, mère de famille aussi psychorigide que coincée. Serre-tête bien positionné, jupe à mi-mollet, le sourire à peine existant ou crispé, Sylvia est tout sauf en quête de plaisir. Le sexe, n'en parlons pas. Mais voilà que Madame prend un coup sur la tête, croise la route de Ray-Ray, et se transforme aussitôt en acharnée du cunnilingus ! L'occasion pour elle de découvrir une sexualité débridée, et de comprendre enfin sa fille Caprice, danseuse exotique dotée d'une impressionnante poitrine et cloîtrée par ses parents suite à quelques attentats à la pudeur. Avec Sylvia à leurs côtés, Ray-Ray et sa troupe sont désormais en force pour imposer le sexe dans la cité Le roi de la provoc kitsch a encore frappé. Si John Waters s'est un brin rangé depuis ses réalisations des années soixante-dix, tendant une main vers le grand public avec des films comme Cry Baby ou Serial Mother, il ne s'est pas pour autant renié. Le réalisateur s'amuse toujours avec les tabous, refuse de se censurer, jongle avec la plus grossière démesure. En quelques mots, le credo n'a pas changé : plus c'est choquant, meilleur c'est. Ici, les perversions sexuelles sont consciencieusement recensées, les comportements les plus aberrants prennent le dessus sur une pseudo normalité pointée du doigt comme castratrice et intolérante. Transposant le fameux combat du Bien contre le Mal à celui du Sexe contre la Chasteté, ou encore des Lubriques contre les Décents, le film est une sorte de « comédie sexuelle ». Une satire de genre, en fait, selon les propres termes du réalisateur : « J'ai déjà réalisé un film policier, Serial Mother, une comédie musicale, Hairspray, un film sur la délinquance juvénile QCry-Baby, une biographie d'artiste, Pecker, et un thriller terroriste, Cecil B. Demented. Il ne me manquait plus qu'un film d'éducation sexuelle».Pour servir ce positionnement, une galerie de personnages gratinés exposent leurs travers avec force mauvais goût. Dans un camp comme dans l'autre, le trait est énorme, la caricature ouvertement appuyée, mais sans lourdeur pour autant. Car tout est drôle, ou presque, aussi bien les répliques savoureusement ciselées que le ridicule des situations ou l'esthétique kitsch à outrance. On rit beaucoup dans A Dirty Shame donc, et bien heureusement car après la première moitié le film a tendance à s'essouffler, l'intrigue tournant sur elle-même jusqu'à pratiquement se réduire à une suite de sketches. Il ne suffit pas de vouloir choquer, encore faut-il soutenir son propos par une histoire un peu mieux ficelée.A Dirty Shame
Un film de John Waters
Etats-Unis, 2004
Durée : 1h29
Avec Tracey Ullman, Johnny Knoxville, Chris Isaak
Sortie salles France : 8 juin 2005[Illustrations : A Dirty Shame. Photos © Metropolitan FilmExport]
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A Dirty Shame