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Présenté en compétition officielle à la Mostra de Venise, Tom à la ferme signe le retour de Xavier Dolan, un an seulement après la présentation de Laurence Anyways à Cannes. Cette adaptation de la pièce de théâtre éponyme de Michel Marc Bouchard (également coscénariste du film) s’intéresse à Tom (Dolan), un jeune publicitaire qui se rend aux funérailles de son amant et qui découvre que la mère du défunt ne savait rien de son homosexualité. Sous la menace du frère, le jeune homme est contraint de se faire passer pour un simple ami.Nudité des intérieurs, silence meurtri des personnages et étrangeté d’un espace temporel qui ne semble pas avoir de prise sur cette vie entre crochets, Tom à la ferme ne cache pas ses velléités de thriller psychologique. Le film a d’ailleurs été relativement bien accueilli comme tel par la presse internationale et pourrait se voir remettre un prix lors de la cérémonie de clôture qui aura lieu samedi soir à Venise. Car au plaisir certain que Xavier Dolan prend à jouer avec les codes du thriller (plans rapprochés, changements du format de l’image, bande-originale signée par l’excellent Gabriel Yared…) s’ajoute cette introspection des personnages qui lui est si chère et qui transcendait déjà ses films précédents.Tom, pris entre son deuil personnel et le rôle d’hétérosexuel qu’il doit endosser, se fait bientôt la figure schizophrène d’une comédie inquiétante. Comme frappé du syndrome de Stockholm, il reporte l’affection entretenue pour son amant sur le frère violent de celui-ci, dont les orientations sexuelles semblent en pleine gestation. L’étau hitchcockien se referme sur les deux hommes, lesquels interrogent constamment leur désir dans une danse trouble, flirtant avec la mort. Parabole assumée du métier d’acteur et des difficultés à dévoiler son identité sexuelle devant l’autre, ce quatrième long-métrage n’évite cependant pas quelques raccourcis de mise en scène faciles et certaines références trop appuyées.Tom à la ferme s’approche, à ce titre, de deux films présentés à la Mostra cette année : le faussement vénéneux The Canyons de Paul Schrader et la douloureuse poésie de La jalousie de Philippe Garrel. Remarquable autant dans l’approche décalée (souvent drôle) du genre cinématographique que dans le questionnement du genre sexuel contrarié, Xavier Dolan confirme sa capacité de réflexion et de création sur le cinéma. Le jury de Bernado Bertolucci y sera-t-il sensible ?Laura Pertuy