Le documentaire “De Matrix à Sense8, la révolution Wachowski” est disponible sur le site de france.tv jusqu’à la fin de l’année.
A l’occasion des vingt-cinq ans de Matrix, LE film qui a révolutionné la science-fiction, mais aussi et surtout, la manière de faire des films, France 5 a diffusé récemment un documentaire consacré au duo de cinéastes, De Matrix à Sense8, la révolution Wachowski, qui s’inscrit dans le programme “Rebelles, l’art de bousculer”.
L’occasion de se replonger dans les coins et les recoins d’une filmographie marquée par un genre, la science-fiction, mais aussi par une volonté de représenter une marginalité queer, dont Matrix, s’il en est le gros-oeuvre, n’en est pas l’ébauche. De Bound à Sense8, en passant par Speed Racer ou encore Jupiter : le destin de l'univers, retour sur six secrets de productions parmi tant d’autres que le documentaire nous dévoile.
Assassin : traduttore, traditore
Les débuts de la relation entre les Wachowski et Hollywood ont été houleux, prédisant ainsi peut-être la suite. Figures de l’ombre, elles commencent leur carrière dans les années 1990 en multipliant les envois de scénarios tous plus ou moins snobés par les studios, jusqu’à ce que celui d’Assassin, complexe questionnement autour du concept de la moralité, ne soit finalement retenu.
Oui mais, jugé trop cérébral, le script est entièrement réécrit par Brian Helgeland, qui écrira plus tard L.A. Confidential, The Postman ou encore Mystic River. Réalisé par Richard Donner (L’Arme fatale, Maverick), avec Sly, Antonio Banderas et Julianne Moore, le film ne fait plus aucun cas de l’introspection profonde qui était racontée initialement, et se transforme en pur film d’action.
Jugeant leur scénario dénaturé, les deux sœurs plaident auprès des studios et de la Writers Guild of America, le syndicat des scénaristes, pour que leurs noms soient retirés du générique, ce qu’on leur refuse.
Un mal pour un bien, peut-être, car cette injustice les poussera à passer à la réalisation pour avoir un contrôle total sur leurs films.
Corky ou pas Corky ?
Leur premier passage derrière la caméra se fait avec Bound, un premier essai hérité du film noir et mêlant drame lesbien et film de gangster. Le duo de réalisatrices tenait à mettre en scène un tandem de personnages féminins forts – une minorité à Hollywood – porté par Gina Gershon et Jennifer Tilly.
Un élan émancipateur qui n’a pas fait l’unanimité parmi les pontes hollywoodiens. Lilly Wachowski raconte :
“On a soumis le script à plusieurs studios hollywoodiens, qui nous ont répondu que si nous changions le personnage de Corky par un homme, ils étaient prêts à l’acheter immédiatement, avec un gros budget. Mais ce ne serait plus la même histoire.”
Elles ont donc dû se satisfaire d’un budget de 6 millions de dollars, que le film remboursera à peine, mais qui, devenu culte depuis, reste le film a mis le pied des Wachowski à l’étrier.
Switch : une médaille, deux faces
Si Matrix a souvent été repris par des communautés complotistes, peu on vu, dès sa sortie en 1999, le sous-texte LGBT déjà profondément inscrit dans leur réflexion, et physiquement incarné par le personnage de Switch, au-delà de la métaphore de la matrice.
“Switch”, en anglais, signifie “intervertir, échanger”. Ce nom, c’est le dernier vestige du personnage que les Wachowski avaient écrit dans la première version du scénario. Switch, devait être une figure transgenre, un personnage féminin dans la matrice, et masculin dans le monde réel. En ce sens, iel aurait dû être incarné.e par deux acteurs, un homme et une femme.
Une idée que la Warner refuse. Les réalisatrices choisissent donc Belinda McClory actrice au visage très androgyne, pour contourner du mieux possible ce véto castrateur.
Chicago ascending
Chicago est aux sœurs Wachowski ce que New-York est à Woody Allen ou à Martin Scorsese. La ville est une source d’inspiration pour les réalisatrices, qui se sont toujours inscrites dans un urbanisme assumé.
On voit la Windy City dans Sense8 alors que le personnage de Will (Brian J. Smith) se rend au Millenium Park.
Cependant, c’est surtout dans Jupiter : Ascending que Chicago a été vraiment investi par les Wachowski, notamment dans une scène de course-poursuite aérienne, qui s’est tournée IRL au milieu des grattes-ciel. Les doublures de Mila Kunis et Channing Tatum, harnachées à des hélicoptères, zigzaguaient au gré des rues, réalisant ainsi une cascade jamais vue auparavant, et dont les Wachowski, toujours avant-gardistes, ont le secret.
Wacho ou Picasso ?
On pensait qu’elles n’avaient plus rien à inventer, mais en 2008, les sœurs Wachowski reviennent avec Speed Racer, dans lequel Emile Hirsch et Matthew Fox filent à toutes berzingues dans un monde qui s'affranchit des limites du possible, du “déjà fait”.
Pour inventer cette nouvelle grammaire cinématographique, ces effets spéciaux d’un genre nouveau, les réalisatrices se sont inspirées du cubisme, mouvement pictural majeur qui s’autorise la décomposition des objets observés. Dans le documentaire, Lana raconte :
“Nous nous sommes passionnées pour ce moment où Picasso s’est mis à penser : ‘Pourquoi devrais-je seulement voir ce que je regarde, quand je pourrais imaginer que je le vois en même temps depuis un autre angle ? Pourquoi me limiter à un unique point de vue, au lieu de le voir simultanément depuis un autre ?’”
Pour en savoir plus sur l'univers des Wachowski, – et notamment les caméos qu'elles ont glissés dans Bound et Matrix : Reloaded, – ne ratez pas le documentaire De Matrix à Sense8, la révolution Wachowski, disponible ici, jusqu'au 28 décembre.
Pourquoi un nouveau Matrix semblait inévitable ?
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