Source d'inspiration audiovisuelle intarissable, le vampire était particulièrement présent en cette année 2023.
L'année 2023 est une année riche en incarnations vampiriques. De nouvelles adaptations, interprétations et propositions ont impliqué l'immortelle figure du vampire – cet avatar mi-homme mi-créature a usé des litres d'encre et des kilomètres de pellicule pour subvenir à la soif insatiable de ceux et celles voulant percer le mystère du Nosferatu. Cette année spécialement, ce totem de l'horreur a été dupliqué dans des projets cinématographiques hauts en couleur, même si traditionnellement, il persiste à virer au vermillon.
Penchons-nous ci-dessous sur une poignée de films de 2023, différents et paradoxalement complémentaires, ayant mis en scène la créature de la nuit.
Le Vourdalak d'Adrien Beau avec Kacey Mottet-Klein, Ariane Labed, Grégoire Colin et Vassili Schneider
Le premier film d'Adrien Beau, Le Vourdalak (adaptation du roman d'Alexis N. Tolstoï publié 50 ans avant le fameux Dracula de Bram Stoker) s'avère être une gageure cinématographique honorable, notamment par des choix de mises en scène hors du commun (des mortels). Filmé en 16 mm, le grain de l'image contribue à cet environnement hostile dans lequel s'engouffre l'effrayé Marquis d'Urfé, entiché de l'énigmatique Svenka. On dit qu'on ne peut voir le reflet d'un vampire, ici il déambule sous les yeux de tous, sans que personne ne parvienne à contrecarrer ses projets.
Le Vourdalak entérine sa place dans le film de vampire qui tend à Liberté d’Albert Serra, par la singularité de ses décors, nobles et forestiers. Ce qui rend l'expérience unique, c'est l’honnêteté dont fait preuve le cinéaste en exposant sa marionnette vampirique à la lumière naturelle : elle parle, s'articule ridiculement, mais elle n'élude rien. L'horreur survient, même si le vampire mort-vivant s'adonne à une gestuelle approximative, limitée par ses traits grand-guignolesques. Vous ne verrez pas deux projets comme celui-ci dans l'année...et ça, c'est exquis !
Le Comte de Pablo Larrain avec Jaime Vadell, Gloria Münchmeyer, Alfredo Castro sur Netflix
C'est dans un décor noir et blanc que ce comte tente de résoudre la problématique la plus préoccupante de la condition d'un vampire : sa distraction. D'un point de vue philosophique, Le Comte aborde les tergiversations existentielles d'un vampire en fin de carrière. La légèreté de ces préoccupations s'entrechoque au sujet brûlant de la dictature chilienne menée par Augusto Pinochet de 1974 à 1990. Qui d'autre pouvait incarner un vampire assoiffé de sang ?
Contrairement au projet précédent de Pablo Larrain, No (2012), Le Comte erre entre les sinuosités tragi-comiques d'un vampire vieillissant, dépouillé par des héritiers-vautours avides d'un héritage conséquent. Le noir et blanc contribue fatalement à la médiocrité de ce vampire éreinté par ces interrogations. Dracula, le comte transylvanien, se travestit en dictateur chilien, le mythe est déboulonné jusqu'à ses racines pour une version atypique du vampire. Netflix a ajouté Le Comte le 15 septembre, soit quatre jours après la commémoration du 50e anniversaire du coup d'État de 1973.
Renfield réalisé par Chris McKay avec Nicholas Hoult et Nicolas Cage
Que serait le couple Renfield et Dracula sous l'ère #MeToo ? Imaginez le duo mythique composé du serviteur et de son maître à l'heure où la libération de la parole flotte dans l'actualité. C'est dans ces temps modernes que Renfield voit l'opportunité de se défaire de ses chaînes en dénonçant le comportement pervers narcissique de son maître, le Comte Dracula, incarné par Nicolas Cage qui respecte le dress-code draculien en plaquant ses cheveux à la Bela Lugosi. Il fallait, de toute évidence, une personnalité charismatique pour mesurer tout l'enjeu de la rupture de ce duo insécable.
À savoir que Renfield est la clef du périple du comte transylvanien. Il est son serviteur, il fait acheminer les victimes et se charge des conditions de vie et de transport de son maître, toujours dans le but de prospérer, conquérir de nouvelles terres. Ici, les personnages s'adonnent à des acrobaties (comiques) dignes d'une bande dessinée. Les points communs sont multiples, notamment pour sa colorimétrie criarde, composée de vert, de bleu et de rouge sauf lorsqu'il rompt avec des nuances ternes alliées aux crocs acérés du suceur de sang. La théâtralité de cette série B gore fait son effet.
Le Dernier Voyage du Demeter de André Øvredal avec Corey Hawkins, Aisling Franciosi, Liam Cunningham
C'est probablement l’ellipse la plus mystérieuse de la littérature gothique. Dans le roman de Bram Stocker, le destin tragique de l'équipage du navire nous est conté à travers les témoignages des marins une fois qu'ils ont atteint la côte anglaise. Ce qui est certain, c'est que ce qu'il s'est passé à bord est effroyable. Le Dernier Voyage du Demeter rejoint Nosferatu de Murnau (1922) ainsi que la version de Werner Herzorg avec Isabelle Adjani et Klaus Kinski (1978) dans l'adaptation d'un épisode fondamental de la quête du vampire : la conquête de Londres.
Avec comme personnage principal un chasseur de vampire noir et une femme d'action impliquée, cette adaptation part à la conquête d'un public plus jeune, susceptible d'apprécier ces nouveaux archétypes de l'horreur. Projet principalement commercial ou tentative maladroite de rendre hommage à l'épisode le plus mystérieux des récits de l'horreur – ce survival naval s'essouffle par la lenteur du trajet. La figure du comte laisse place à une créature qui s'apparente à une chauve-souris taille humaine, l'anthropomorphisme a mis les voiles.
Dans la continuité de cette émulsion sanguinaire, l'année 2024 est à son tour sollicitée par un projet vampirique d'envergure. Robert Eggers réalisateur de The Northman et The Lighthouse, compte sortir Nosferatu, un film composé d'un casting cinq étoiles : Lily-Rose Depp, Aaron Taylor-Johnson, Emma Corrin, Ralph Ineson, Simon McBurney, Willem Dafoe et Nicholas Hoult qui semble abonné aux vampires (après Renfield), mais cette fois dans un rôle s'apparentant à celui de Jonathan Harker. Il ne sera pas compliqué de doubler le film d'André Øvredal mais le projet pourra-t-il jouer dans la même catégorie que Murnau et Herzorg ?
Nosferatu de Robert Eggers sortira le 25 décembre 2024 (date américaine).
Bill Skarsgard transformé pour Nosferatu : l'acteur a bluffé Robert Eggers
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