Le réalisateur parle aussi de Halloween, New York 1997, Christine, Le Roman d'Elvis, Invasion Los Angeles...
Joyeux anniversaire, John Carpenter ! Le cinéaste vient de fêter ses 75 bougies. L'occasion de retracer sa carrière auprès de Variety. 13 ans après son dernier film, The Ward : l'hôpital de la terreur, le cinéaste confirme se consacrer pleinement à la musique, avec son fils Cody Carpenter et son filleul Daniel Davies, mais il ajoute pourrait revenir derrière la caméra si un bon projet se présentait : "au cinéma ou en streaming, peu importe." Il en profite au passage pour démentir la rumeur selon laquelle il serait en train d'adapter les jeux vidéo Dead Space ("J'en reviens pas que ça ait pris autant d'ampleur. Je suis simplement fan des jeux, je les ai tous fait."). Citant Jordan Peele (Get Out, Nope) et David Gordon Green (le réalisateur des nouveaux Halloween) comme les jeunes cinéastes dans lesquels il se reconnait, il revient en détails sur quelques-unes de ses oeuvres, se remémorant de bons ou de mauvais souvenirs de tournage, ou se moquant des "notes" reçues par ses producteurs pour lui demander des changements. Il s'amuse aussi de la réception de certains de ses films, expliquant : "Il y a toujours des interprétations pour lesquelles je ne sais absolument de quoi les critiques parlent, mais je ne dis rien. Si les gens veulent interpréter mes films, cela me rend plus intelligent que je ne le suis, ça me va."
Jordan Peele recadre un fan sur Twitter : "Je ne tolère pas qu'on calomnie John Carpenter"Voici quelques extraits de cet entretien captivant, à lire ici en entier, en anglais.
Halloween, New York 1997, The Thing, Christine... ou les avantages des tournages de nuit
Commençant par expliquer qu'il est naturellement un "lève-tard", John Carpenter raconte qu'il a souffert sur le tournage d'Assaut (1976), car les prises de vue démarraient tôt. "C'était la première fois que je devais travailler quotidiennement et débuter aux aurores. Ça a été dur, tout de suite." En revanche, il s'est rattrapé ensuite sur les plateaux de Halloween (1978), New York 1997 (1981), The Thing (1982) et Christine (1983) : "Halloween, c'est certainement ma meilleure expérience en tant que réalisateur. C'était si fun. On était une bande de gamins, on tournait un film et on allait vite. On a filmé principalement à Hollywood, c'était juste à côté de chez moi. Cela représentait beaucoup de nuits de tournage, mais ce n'était pas dur. Au contraire, c'était facile."
Pour Escape from New York, le fait d'avoir signé un accord avec la ville de St. Louis lui a permis de tester plein de choses pour ses scènes en extérieur : "On pouvait éteindre les lumières ou les antennes de télévision, c'était vraiment une super collaboration. On était en plein été, la chaleur était oppressante, c'était humide. On restait éveillés toute la nuit pour travailler, ce qui représente un challenge, mais rien de méchant. On avait une super équipe, des acteurs au top. Ce qui est cool avec ces premiers films, c'est que j'avais le 'final cut', personne ne me jugeait, ne m'embêtait ou me faisait des remarques bizarres. Résultat, tout se passait bien."
Pour le tournage de The Thing, les prises de vue de nuit ont été imposées par le fait qu'ils ont filmé la majeure partie de l'intrigue dans une mine encore en activité. "Du coup, tous les matins, des ouvriers arrivaient en bus et on nous disait que c'était fini. On était obligés de s'arrêter car une fois sur place, ils n'arrêtaient pas de rouler de haut en bas de la colline, c'était bruyant." Il détaille qu'à Stuart, petite ville de la Colombie-Britannique prise sous la neige, il y avait peu d'activités : "Croyez-moi, des acteurs dans un hôtel qui n'ont rien à faire un dimanche soir, cela peut devenir dangereux (...) En plus dans cette ville, ils avaient destitué le shérif et mis le feu au commissariat. C'était sauvage ! Un endroit incroyable, mais je ne peux certainement pas tout vous raconter ici." The Thing a fait un flop au box-office, mais pour son créateur, il s'agit de son meilleur film : "Je n'aime pas m'évaluer. Je ne sais pas (quels sont mes talents, ndlr). Enfin, je suis très fier d'un seul de mes films : The Thing. Je trouve que j'ai vraiment fait du bon boulot sur celui-là. J'aurais aimé faire plus de films comme ça, sérieux, pas pour ados, pas pour attirer le jeune public. C'est un film dont je suis fier, mais je ne connais pas mes forces de réalisateur. Aucune idée." Il ajoute aussi avoir toujours voulu "raconter la fin de toute chose dès le début. Vous sentez cette idée dès que vous voyez ce chien courir dans la neige. Ils voulaient changer ça ? Pas moyen. Je me suis accroché à mon montage, et mon montage était bien."
Après cette expérience, il a enchaîné avec l'adaptation du livre à succès de Stephen King, Christine, là aussi tournée en grande partie de nuit. Un film qu'il a aimé tourner, notamment grâce à son casting : "J'adorais mes acteurs. Keith Gordon est génial, Alexandra Paul aussi. Je crois qu'elle était mannequin avant, et elle s'est avérée être une excellente actrice. Et Harry Dean Stanton était un si bon acteur, capable de devenir son personnage. J'ai vraiment adoré bosser avec lui. Ce fut un film facile à faire et amusant. En plus il a bien marché. Donc les gens étaient contents, ce qui est agréable."
John Carpenter : ''J'aimerais beaucoup retrouver Kurt Russell''Elvis et Les Aventures d'un homme invisible, un cauchemar à tourner
Entre Halloween et New York 1997, John Carpenter a tourné un téléfilm en trois parties sur la vie d'Elvis Presley intitulé Le Roman d'Elvis. Il y retrouvait pour l'occasion son acteur fétiche, Kurt Russell, mais ce fut un tournage éprouvant pour lui et son équipe : "C'est le plus dur de ma carrière. On avait 88 dialogues et une centaine de lieux de tournage différents à filmer en 30 jours. Un sacré bordel ! J'étais trop bête, et trop jeune, pour me rendre compte que ça allait être aussi compliqué. Ce fut un baptême du feu. 'Allez, dépêchez-vous, tournons !' C'était carrément irréel."
Autre tournage dont il garde un mauvais souvenir : celui des Aventures d'un homme invisible (1992) : "Ce film m'a donné la chance de faire un truc presque sérieux. Avec Chavy Chase, Sam Neill (que j'adore, c'est un ami) et la Warner Bros... J'ai travaillé pour eux et vraiment, c'était plaisir. Non, pas du tout. Je vous mens. C'était l'horreur ! J'ai voulu quitter ce business après ça. Mon Dieu, je ne peux pas vous détailler pourquoi, mais il y avait de telles personnalités sur ce film... Que je ne nommerai pas, sinon on me tuera. Mais non, non et non, c'était horrible. Il mériterait qu'on y mette le feu. Non, non, non. Enfin, aujourd'hui tout va bien. J'ai survécu." De qui parle-t-il ? Pas de Sam Neill, en tout cas, dont il dit au cours de la même interview : "C'est un acteur génial, j'adore bosser avec lui. Il est très proche de Kurt Russell dans sa façon de travailler. Il arrive en étant préparé. Il sait ce qu'il a à faire. Il réagit en fonction des comédiens qui l'entourent." Ils ont d'ailleurs recollaboré en 1995 pour L'Antre de la folie, une oeuvre fascinante, de son propre aveu sans doute "trop en avance sur son temps."
Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin, Invasion Los Angeles et les "notes" des studios
A propos d'Invasion Los Angeles (1988), John Carpenter détaille surtout la mise en scène de l'une de ses scènes de combat devenue culte. Mais il a aussi abordé dans la presse l'accueil parfois désastreux de ce film, jugé antisémite par certains critiques. Il détaille alors avoir reçu des remarques de la part de ses producteurs, mais leur avoir tenu tête : "Bien sûr que j'ai eu des notes (rires). Je les ai d'ailleurs complètement ignorées. Par exemple, ils ne voulaient pas que les aliens soient des capitalistes. En gros, ils voulaient adoucir tout le film. 'Pourquoi tu n'en ferais pas des cannibales venus de l'espace ?' C'était ridicule. Enfin, on a quand même fini comme prévu et j'ai pu faire le film que je voulais." (...) Pour Halloween, ils m'avaient envoyé : 'Ce film ne fait pas peur.' Je ne rigole pas ! Et pour Jack Burton, j'avais reçu : 'Pourrait-on retirer la comédie de ce film ?' Ce sont mes deux notes favorites." Quant à celles destinées à L'Antre de la folie, il ne détaille pas leur contenu, commentant seulement : "Je peux vous dire que j'en ai reçu des notes, pour celui-ci !"
Pour conclure, que dirait-il à son "moi" avant qu'il ne débute une carrière de réalisateur ?
Expliquant qu'il "rêvait de faire ce métier depuis 1956", il ajoute : "Peu importe si c'est dur ou si je n'ai pas toujours du succès, je m'en fiche. Je vis mon rêve et il n'y a rien de mieux en tant qu'être humain. Donc je me dirais à moi-même : 'Mec, fonce. Tu vas te régaler. Tu va réaliser ton rêve. Va faire des films.'"
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