Ninja Turtles - Teenage years
Paramount Pictures/Capture d'écran

Depuis le Festival d'animation d'Annecy où le film a été projeté, le co-réalisateur, Jeff Rowe, nous explique comment il a repensé les Tortues Ninja.

C'était l'un des événements du Festival du film d'animation d'Annecy 2023 : la projection en avant-première d'une version pas encore tout à fait terminée de Ninja Turtles Teenage Years, deux mois avant sa sortie. Une relecture très pop des Tortues Ninja qui a mis le public en délire. « On a bossé durant trois ans en vase clos, sans savoir si ce qu'on faisait valait le coup et comment les gens allaient prendre le film... C'était sensationnel de pouvoir enfin le montrer et que la salle réagisse comme ça », nous raconte au lendemain de la projection Jeff Rowe, co-réalisateur avec Kyler Spears. Scénariste sur Souvenirs de Gravity Falls et Désenchantée , il s'est récemment illustré derrière la caméra avec le hautement sympathique Les Mitchell contre les machines. « Je terminais le film quand mon agent a réussi à m'avoir un rendez-vous avec Seth Rogen et Evan Goldberg, qui produisent Ninja Turtles Teenage Years. On s'est parfaitement entendu et on avait une vision commune : caster de vrais adolescents pour faire les voix des Tortues, et raconter de la façon la plus authentique possible l'expérience adolescente. A la fin, ils m'ont choisi pour diriger cette très coûteuse franchise (Rires.) » Jeff Rowe nous détaille quelques-uns de ses choix pour cette nouvelle adaptation des Tortues Ninja.

Des Tortues adolescentes

« Ca n'avait jamais été fait avec les Tortues. Leurs différentes incarnations sont toujours des adultes tendance guerriers ninjas... mais qui vivent dans les égouts (Rires.). Et trop souvent, tout ce folklore a été pris bien trop au sérieux, au point que ça devenait compliqué de se sentir proche des Tortues. Ca m'arrive souvent avec l'animation américaine : j'ai du mal à ressentir quelque chose pour les personnages principaux parce qu'ils sont trop superficiels. Nous, on voulait tendre vers quelque chose dans le goût de SuperGrave, écrire des personnages avec lesquels le public aurait une réelle connexion. »

Le style visuel post-Spider-Verse

« Je comprends le lien que vous faites avec les films Spider-Verse, mais eux se sont dit : ''Et si on faisait un comic book animé ?'' Avec les Tortues Ninja, il y a eu des comics bien sûr, mais aussi une série d'animation en 2D, des films en live action... Rien ne nous disait à quoi devait ressembler le film, à part ce côté adolescent qui nous guidait. Donc on a commencé par là. On a regardé ce qu'on dessinait quand on était au lycée, des trucs parfois très détaillés, mais avec des proportions souvent très fantasques (Rires.) C'est une période de ta vie où ta passion est plus forte que tes compétences. Un jour, on s'est dit qu'on devrait baser le style visuel du film du point de vue des Tortues Ninja. Comme si c'était elles qui dessinaient, avec tout ce que ça veut dire de défauts. Un bon point de départ. Et puis on a choisi d'éclairer à rebours de ce qui se fait d'habitude dans l'animation : couleurs fortes, contrastes puissants... Les ombres sont également extrêmement noires, ce qui généralement fait peur aux studios (Rires.) Il fallait qu'on détonne et qu'on ose des choses. »

Ninja Turtles
Paramount Pictures

Un méchant inédit

« On se la joue un peu Batman Begins (Rires.) On a longuement discuté de l'identité du méchant. Au début, on a bien sûr pensé à Shredder, et puis on s'est dit que vu l'histoire qu'on racontait, il fallait que ce soit un mutant. Parce que comme ça, les Tortues pouvaient s'identifier à lui, voire l'idolâtrer, ce qui offrait des possibilités narratives bien plus intéressantes. Donc on a imaginé Superfly, cette mouche géante, qui contrairement au dessin animé n'est pas une mutation de Baxter Stockman, mais un nouveau personnage. Il ne pouvait pas avoir de part humaine, ça n'aurait pas marché dans l'histoire qu'on vouait raconter. »

Des Tortues Ninja moins stéréotypées

« On est habitués à ce que chaque Tortue Ninja soit un stéréotype. Effectivement, c'est moins vrai dans notre film. On a essayé de prendre chaque stéréotype et d'en trouver une version réaliste. Donatello est un bon exemple : historiquement, c'est un nerd qui construit des machines. Pas franchement ce qu'un ado normal ferait... Quand j'étais au lycée, je passais mon temps sur Google à essayer de traduire des pages de sites japonais qui parlaient d'épisodes de Gundam qui ne passaient pas aux Etats-Unis (Rires.) Un nerd d'aujourd'hui a plutôt des obsessions liées aux séries, aux jeux vidéo... A l'art en général. Pareil pour Raphaël : personne ne croirait au badass qu'il est dans la série animée des années 90. En vrai, au lycée, les gens avec ce genre de personnalité ont plus tendance à ne pas dire grand-chose et à broyer du noir. Quant à Leonardo, c'était naturel de ne pas en faire un leader naturel et un lèche-cul de Splinter, mais plutôt quelqu'un qui fait tous les efforts du monde pour essayer de mener la troupe. Pareil pour Michelangelo : c'est un rigolo en devenir. Il apprend à devenir drôle. »

Un Splinter moins stylé

« Une bonne partie de la logique des Tortues Ninja a été inventée par une entreprise de jouets dans les années 80. Et si vous y réfléchissez trois minutes, tout ça n'a aucun sens. Dans le film en live action, Splinter était le rat d'Hamato Yoshi, et dans la série TV, c'était un humain qui est devenu un rat. Il y a eu suffisamment de versions différentes pour qu'on s'autorise à faire notre propre truc. Et surtout, on voulait raconter une relation parent-enfants. Il fallait que Splinter soit un père célibataire dépassé par ses mômes. C'est pour ça que c'était important d'en faire un simple rat, détesté par les siens : quand il trouve les Tortues, il y a enfin des gens qui l'aiment. »

La nouvelle April O'Neil

« Ouais, notre April n'est pas celle qu'on a l'habitude de voir. Logique : beaucoup d'incarnations de ce personnage ont été inventées par des hommes qui étaient peut-être un peu frustrés (Rires.) Et elle a toujours eu cette relation un peu étrange avec les Tortues : à la fois leur mère, leur ami, une partenaire potentielle... Pour ce film, on avait juste besoin d'en faire une ado normale, comme les Tortues. Elle se sent un peu à l'écart, elle aussi. On voulait qu'ils travaillent ensemble pour remonter la pente. »

Ninja Turtles Teenage Years sortira le 9 août prochain au cinéma.


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