Megalopolis - Cannes Photocall
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Le réalisateur du Parrain a parlé de la fabrication exceptionnelle de Megalopolis sans langue de bois, et il a tenté sans relâche de donner plus de visibilité à son équipe. En vain ?

"Je suis venu accompagné d'une armée de gamines !"

En arrivant à la conférence de presse de Megalopolis, tout sourire au bras de ses petites filles, Francis Ford Coppola donne le ton d'emblée : comme toujours avec lui, son métier de réalisateur est intrinsèquement lié à sa vie de famille. Encore plus, sans doute, pour cette œuvre hors-normes, qu'il a imaginée pendant quarante ans avant d'investir sa propre fortune pour lui donner vie, en voyant les choses en grand.

Entouré d'Adam Driver, Nathalie Emmanuel, Aubrey Plaza, Giancarlo Esposito, Laurence Fishburne ou encore son fils Roman Coppola et sa sœur Talia Shire, il a tout fait pour mettre en avant son équipe, demandant aux journalistes de ne pas l'interroger que lui, mais de donner la parole à ses acteurs ou à son chef opérateur, Mihai Malaimare Jr.

Peine perdue, la star de ce panel, c'était bien Francis Ford Coppola. Il a eu beau clamer qu'un film était une création collective, impossible à mener à bien sans la confiance et le soutien de toute une équipe, chaque nouvelle question ou presque lui était adressée. Il a répondu sans langue de bois, et de façon souvent très personnelle. Voici la vidéo, et la traduction de ses meilleurs moments ci-dessous.

Cannes 2024 : Pourquoi le retour de Francis Ford Coppola en compétition est un événement

Un casting soudé et investi

"Quand je suis venu à Cannes pour Apocalypse Now, j'avais Sofia sur mes épaules : elle avait 5 ans !", a d'abord confié le cinéaste, avant de livrer son ressenti lors de la projection de Megalopolis en compétition, hier soir. Car si les avis étaient particulièrement mitigés à la sortie, il a reçu sur place une longue standing ovation, et le soutien sans faille de ses comédiens, qui se sont déplacés en nombre pour défendre ce film qui ne ressemble à aucun autre.

"J'ai ressenti un mélange de soulagement et de joie, reconnait Coppola. Ce n'est pas une émotion que je peux vous résumer en un seul mot. Toutes ces années à imaginer ce film, à réunir des idées, à en abandonner en cours de route... (Cette standing ovation), ce fut un soulagement. Ce sera un bon souvenir."

Cannes 2024 : le tapis rouge émouvant de Megalopolis avec Francis Ford Coppola et toutes les stars [photos]

A ses côtés, Giancarlo Esposito a tenté d'expliquer ce qui l'avait poussé à signer pour ce film, sans parfaitement réussir à en assimiler tous les enjeux.

"Hier, j'ai pleuré en le voyant, car j'ai compris que je n'avais pas à tout comprendre ! C'est le génie du film : on n'est pas censé tout comprendre. C'est avant tout un film sur l'espoir." 

Un peu plus tard au fil de la discussion, il a aussi exprimé à propos des nombreuses interrogations qui lui venaient en tête avant de tourner :

"Bien sûr que j'avais des questions, mais je disais aussi à Francis que j'étais là pour lui. Je devais lui faire confiance, et cela passe par la patience. Attendre de voir comment il mettait en place sa vision. (…) On ne devait pas non plus trop intellectualiser, plutôt ressentir les choses."

Un constat partagé par Aubrey Plaza :

"Il fallait qu'on se fasse confiance, tous. Personnellement, j'avais des choses très particulières à faire. J'avais besoin d'être en confiance pour jouer ces scènes de cauchemar. C'était important de se sentir entourés, sécurisés pour oser tenter des choses."

C'était également une question de générosité, selon Adam Driver, qui a déjà exprimé son admiration sans faille pour le cinéaste et sa façon de travailler dans la presse. Quand des rumeurs avaient couru à propos d'un tournage "chaotique" de Megalopolis, il était immédiatement monté au créneau. Une nouvelle fois, il rappelle toute l'affection qu'il porte à Francis Ford Coppola :

"Il a beau avoir réfléchi à ce film pendant 40 ans, il était ouvert aux propositions. C'est une démarche extrêmement généreuse. Et je crois que cela se ressent dans le film. J'ai vu Megalopolis plusieurs fois, mais hier, j'y ai encore découvert des choses."

Laurence Fishburne, qu'il avait déjà dirigé dans Apocalypse Now, gagnant de la Palme d'Or à Cannes en 1979, a de son côté raconté à quel point la thématique principale du film obsédait son créateur :

"Je connais Francis depuis 1976. J'avais 14 ans (à l'époque d'Apocalypse Now), donc on en a eu pas mal des conversations où il assurait pouvoir 'arrêter le temps'. Cette idée développée dans le film, elle lui trottait dans la tête depuis des années. Je me souviens d'un échange à ce sujet avec sa femme, Eleanor (décédée juste avant le festival de Cannes, ndlr)... (se tournant vers Francis). Je suis si fier de toi, de vous, de nous, de jouer dans ce film. Cette idée d'arrêter le temps, de prendre le temps de ralentir, pour pouvoir réfléchir à qu'on peut faire du temps qui nous reste..."

Megalopolis - Cannes Photocall
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Des idées politiques différentes

En racontant l'opposition entre deux visions du monde, au moment de reconstruire une société en ruines, Francis Ford Coppola se doutait certainement qu'il serait interrogé sur la portée politique de son film. Evitant de citer nommément Donald Trump ou tout autre dirigeant actuel, il reconnaît que son film trouve une résonnance toute particulière en sortant au cinéma maintenant.

"En l'écrivant, dit-il, je n'imaginais pas à quel point mon film aurait autant de sens par rapport à la politique actuelle, que ça ferait à ce point écho à la manière dont l'idéal romain est mort."

Face à l'instance des journalistes sur cette question, il ajoute :

"Il y a une tendance actuellement dans le monde... très à droite, ça tend vers le fascisme et c'est très inquiétant. Pourtant tous ceux qui étaient en vie pendant la Seconde Guerre Mondiale, qui ont vu ces horreurs... on ne veut pas voir ça se répéter."

A la surprise du public, il se tourne alors vers l'un de ses acteurs, John Voight, qui n'est pas réputé pour voter Démocrate.

"Tu as peut-être une autre opinion ?, lui lance-t-il déclenchant le rire du public. Politiquement, on n'est pas du même monde. Et c'est la beauté de ce film, d'ailleurs, où chacun a un point de vue différent sur la société. John, comment tu ferais, toi, pour améliorer notre monde ?"

Amusé, le père d'Angelina Jolie répond d'abord par une boutade ("T'as trouvé ça tout seul ?"), avant de développer, le plus sérieusement du monde :

"Le vrai sujet au fond, c'est : 'Comment on fait en sorte que le monde soit meilleur pour les enfants ?' Je me pose cette question tout le temps. On peut le faire, on doit le faire. S'écouter, s'aider, et construire un monde meilleur. On a traversé des tas de choses, on sait qu'on peut faire mieux.

(...)

J'ai été profondément ému par ce film. J'ai vu Francis travailler dessus pendant 25 ans, il avait cette vision, il a pris tellement de risques pour le faire. (Montrant ses collègues) Tous ces comédiens sont courageux. Intelligents, talentueux, mais courageux aussi. (…) C'était merveilleux hier soir de voir tout ce qui l'avait poussé à faire ce film prendre vie sous nos yeux."

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Un créateur qui prend des risques...

Pour expliquer comment il a pu tourner son film en toute liberté, sans le soutien d'un studio de cinéma, et à hauteur de 120 millions de dollars, Coppola détaille :

"Dans les années 1980, pendant la crise financière, j'ai emprunté 20 millions de dollars pour créer un domaine viticole dans le style des jardins de Tivoli, un endroit pour la famille, pour que les enfants retrouvent leurs grands-parents au bord de la piscine, un grand complexe. J'ai créé quelque chose que tous les propriétaires de domaines viticoles essayent de refaire. Et je peux aujourd'hui m'appuyer dessus : j'en ai tiré de l'argent, donc je peux prendre des risques grâce à cela.

Et puis, mes enfants n'ont pas besoin d'une fortune. Roman et Sofia se construisent des carrières merveilleuses, ils n'ont pas besoin de rouler sur l'or. L'argent, ce n'est pas ce qui compte au final, ça s'évapore. Ce qui compte, ce sont les amis. Ca vaut pour nous tous, pour vous aussi."

Mais pas de "mégalo-dirlo"

"D'une certaine façon, je suis le personnage principal, on m'a mis au milieu de ce panel, mais en réalité, ce film c'est une collaboration, affirme haut et fort Francis Ford Coppola au cours de la rencontre. Chacun a apporté des choses à lui, s'est impliqué, on a créé ensemble. Le cinéma, ça donne l'opportunité de répéter, de refaire. Adam n'a pas seulement joué, par exemple, il a aussi proposé des idées au montage. Je ne suis pas le seul à la réalisation d'une certaine façon. C'est une réalité : ils sont tous mes collaborateurs.

(…)

En plus, la particularité de ce film, c'est que je ne pouvais pas comparer ce que j'avais en tête à une précédente œuvre, je n'avais pas d'exemple à proposer pour faire comprendre mon idée. On était obligés de sans cesse communiquer, d'essayer des choses.

Vous savez, personne ne m'appelle 'Mr. Coppola'. Sur un tournage, tout le monde m'appelle 'Francis'. Bon, sauf les petits qui m'appellent 'Tonton Francis', mais cette histoire de prénom, c'est pour vous dire que c'est dans cet esprit qu'on a conçu ce film."

Quelques instants plus tard, "Tonton Francis" insiste :

"Pour moi, tous les meilleurs réalisateurs étaient d'abord acteurs. Parce qu'ils connaissent toutes les facettes du métier, ils sont au cœur de la fabrication d'un film."

Et quand il est enfin interrogé sur un autre aspect du film que sa mise en scène ou ses idées scénaristiques, il regrette l'absence de son compositeur, Oswaldo Golijov.

"Où est Waldo ? C'est un compositeur génial, très créatif. Il a travaillé sur la musique, évidemment, mais pas seulement, il a aussi fait un travail sur le son, a collaboré de près avec l'équipe technique. Mon père était un musicien classique, dès mon enfance j'ai fait très attention à la musique. La bande originale d'un film, c'est crucial pour moi. Waldo devrait être à ce panel ! Il fait pleinement partie des collaborateurs, des créateurs de ce film."

Megalopolis - Francis Ford Coppola
Le Pacte

L'importance de sortir Megalopolis au cinéma, et non en streaming

Evoquant rapidement le fait qu'un tournage à New York aurait été plus compliqué que de poser ses caméras en Géorgie, état qui offre des aides importantes et des facilités aux équipes, Coppola répond plus longuement quand il est interrogé sur la stratégie de sortie de Megalopolis.

Au moment de cette conférence de presse, il a trouvé des distributeurs en Europe, notamment Le Pacte, en France, mais il ne sait pas encore comment, ni par qui, son dernier film sera diffusé aux Etats-Unis. Il tient cependant à ce que ce soit au cinéma, et il a reçu hier le soutien du patron de la société IMAX, qui lui a assuré que des salles sous ce format seraient réservées spécialement à son film.

"Le streaming, c'est ce qu'on appelait avant le cinéma à la maison, rappelle le cinéaste. J'espère que mon film sera montré dans des salles de 600 à 700 personnes, même si je sens que l'industrie, aujourd'hui, est surtout remplie de gens qui doivent régler leurs dettes. Leur boulot, ce n'est pas de faire de bons films, mais de rembourser de l'argent. Ces grosses compagnies, Amazon, Apple, Microsoft..., elles ont énormément d'argent. Mais les studios tels qu'on les connait ne seront peut-être plus là dans le futur, qui sait ? Ce système de gros studios est en train de mourir."

Pourrait-il retoucher à Megalopolis ?

"La raison pour laquelle je refais mes films, c'est parce qu'ils m'appartiennent, lâche-t-il du tac au tac quand il est interrogé sur un possible "director's cut" de Megalopolis. Je ne pourrais pas modifier Conversation secrète ou Le Parrain, même si j'aurais peut-être une scène à ajouter dans ce dernier, dans l'idéal ? (...) Je serai encore là dans 20 ans... Donc oui, s'il y a une manière d'améliorer ce film, j'essaierai. Mais en même temps, je sais que j'ai fini Megalopolis car je suis déjà en train d'écrire un nouveau film. C'est comme ça que je sais que j'ai fini."

Il dit enfin, à propos de potentiels regrets de réalisateur :

"Avant de mourir, beaucoup de gens disent : 'J'aurais aimé faire ça.' Moi je suis plutôt du genre à penser : 'J'ai pu vivre ça. J'ai pu faire des films, du vin... j'ai pu voir ma fille gagner un Oscar.' En fait, je mourrai en pensant à tout ce que j'ai fait (sous-entendu : pas avec des regrets)."

Implorant la foule de journalistes de poser une question à sa sœur, Talia Shire, qui a fait le déplacement jusqu'à Cannes pour défendre Megalopolis, le dernier mot revient à cette dernière... mais la question tourne à 100% autour de la personnalité de Francis !

"Que dire ? Vous savez qu'à 9 ans, Francis était paralysé ? Il avait la polio, pourtant, il avait décidé qu'il remarcherait. Il était si courageux. Avec Francis, on va de l'avant, c'est vrai. Il nous pousse en avant.", conclut-elle.


Cannes 2024 - On a vu Megalopolis, le monstrueux film de Francis Ford Coppola [critique]