Quelques compléments de programme au biopic du chanteur d’Exodus actuellement en salles.
The Harder They Come (Perry Henzell, 1972)
Le film qui a mis le feu aux poudres. Car c’est bien au cinéma que le reggae doit une part de son retentissement mondial, au début des années 70. A ce film, donc, The Harder They Come (sorti à l’époque en France sous le titre Tout, tout de suite) et surtout à sa phénoménale B.O., qui fonctionnait comme un best-of des meilleurs sons de la Jamaïque, une introduction à la culture reggae – "Pressure Drop", "Rivers of Babylon", "Johnny Too Bad", plus tous les hits chantés par la star du film Jimmy Cliff, "Many Rivers To Cross", "You Can Get It If You Really Want", le morceau-titre… Cliff joue dans le film un jeune gars de la campagne venu tenter sa chance comme chanteur à Kingston, mais qui finit par se retrouver aux prises avec des dealers, des flics, des producteurs margoulins et une ribambelle de rude boys. Il finira en (anti-)héros tiers-mondiste, quelque part entre Django, un proto-Scarface et un Jesse James caribéen.
En DVD (import) chez Shout ! Factory.
Rockers (Ted Bafaloukos, 1978)
Moins connu que They Harder They Come, un peu culte quand même, Rockers raconte, comme le film de Perry Henzell, les galères d’un musicien jamaïcain, entre feeling documentaire et bonnes vibrations musicales. Le film sort à la fin d’une décennie qui a vu Bob Marley partir en orbite et le reggae envahir la sono mondiale. On y suit les pérégrinations d’un batteur fauché qui s’achète une moto afin de partir sur les routes et de vendre les dernières nouveautés musicales aux disquaires croisés sur son chemin. Mais des mafieux vont lui voler son précieux engin… Commencé comme une sorte de variation rasta sur Le Voleur de Bicyclette, Rockers finit en polar rebelle et libertaire. On y croise nombre de sommités musicales locales, Gregory Isaacs, Burning Spear, Robbie Shakespeare… Trèèèès détendu dans sa narration, le film repose en grande partie sur le charme dégingandé de son interprète principal, Leroy "Horsemouth" Wallace. Et bien sûr sur sa B.O., lancée par une version démente de "Satta Massagana" :
Babylon (Franco Rosso, 1980)
Babylon… Rien à voir avec Brad Pitt et Margot Robbie. Ce Babylon-là est sorti en Angleterre en 1980 (et dans les salles françaises seulement en 2020) et décrit le quotidien d’un DJ nommé Blue (interprété par le chanteur Brinsley Forde) dans le Londres déprimé du tout début des 80’s, entre soirées sound system, embrouilles diverses et confrontations quotidiennes au racisme endémique qui sévissait alors dans l’Angleterre de Thatcher. Le film épouse d’abord un rythme un peu cotonneux, comme un néo-Vitelloni pris dans les effluves de ganja, avant que l’étau ne se resserre sur son personnage principal et que le ton ne se fasse de plus en plus grave, amer et désespéré. Considéré à l’époque comme un brûlot incitant à l’émeute (il fut classé X au Royaume-Uni), Babylon est une sorte de pendant reggae des Seigneurs de Philip Kaufman et de La Haine de Kassovitz.
Disponible sur OCS et MyCanal.
Marley (Kevin Macdonald, 2012)
Dans le genre aujourd’hui très embouteillé du bio-docu musical, Marley est l’un des plus imposants. Cornaqué par la famille du chanteur, mais pas hagiographique pour autant, il devait d’abord être réalisé par Martin Scorsese, puis Jonathan Demme, avant que Kevin Macdonald ne s’y colle. Le réalisateur du Dernier Roi d’Ecosse y reformule ses interrogations sur l’Afrique, son intérêt pour les mythes et les figures bigger than life, et interroge l’icône Marley sous tous les angles – la vie privée, le mysticisme, l’engagement, l’identité, la célébrité, et bien sûr la musique, qui finit par tout emporter, comme un fleuve déchainé.
Disponible sur arte.tv.
Lovers Rock (Steve McQueen, 2020)
Le deuxième segment de l’anthologie télé Small Axe de Steve McQueen – qui empruntait son titre à un morceau de Bob Marley ("If you are the big tree / We are the small axe", sur l’album Burnin’). Une heure de pure sensualité rêveuse dans une reggae party londonienne clandestine, en 1980. Moment d’hypnose fabuleux quand le sound system s’arrête et que toute l’assemblée chante "Silly Games", de Janet Kay, a capella. McQueen encapsule la magie et la liberté des soirs d’été, la sensualité des corps qui flottent ensemble dans une stase qu’on espère sans fin, tout en donnant à entendre une musique (le lovers rock du titre, un courant du reggae gorgé de soul et de romantisme), largement ignorée par les encyclopédies musicales britanniques. La nuit, la musique, la nostalgie qui vous étreint dès le petit matin : quelque chose comme un American Graffiti reggae.
En DVD chez France Télévisions Distribution.
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