Mars films / abaca

Le réalisateur français revient sur une année émaillée, notamment, par la sélection du Redoutable à Cannes.

Pour notre bilan de l’année, nous avons rencontré quelques personnalités qui ont fait 2017.

Critique du Redoutable

Depuis The Artist, chaque film ou réflexion de Michel Hazanavicius (très actif sur les réseaux sociaux et en tant que membre de l’ARP) est lu(e), analysé(e), commenté(e). Respecté par ses pairs, aimé du public, c’est une personnalité incontournable du cinéma hexagonal et, à ce titre, un témoin précieux de l’année qui vient de s’écouler et dont il a été un protagoniste plus ou moins attendu.

Attendu, il l’était pour Le Redoutable, son biopic atypique sur Jean-Luc Godard -plus précisément sur les années Mao et de la double rupture de JLG avec le cinéma conventionnel et avec sa femme, Anne Wiazemski. Très aimée par la rédaction de Première, cette comédie à dispositif décalée, à la fois tragique et drôle, a eu les honneurs d’une sélection en compétition à Cannes avant de connaître une sortie compliquée en septembre -135 000 entrées au total.

Inattendue a été l’association de son nom à Harvey Weinstein avec lequel il avait collaboré durant la promotion de The Artist aux Etats-Unis et mené campagne pour les Oscars. Anticipant les accusations que son silence autour de l’affaire pouvait faire fantasmer, il a dû se fendre d’un long billet sur Facebook pour condamner sans appel le mogul déchu.

Autant de bonnes raisons de lui donner la parole.


Comment avez-vous personnellement vécu cette année 2017 ?
De façon très politique jusqu’à l’élection présidentielle. La disparition du PS fourre-tout, qui dissimulait de plus en plus mal de vrais problèmes de famille, a suscité autour de moi des débats animés sur la nature de la Gauche.

Vous n’avez pas succombé au macronisme ?
Non. Je ne suis ni pour ni contre, j’ai juste perdu la flamme, je n’attends plus de miracle. Ça doit être l’âge… On a tout de même un président qui a une coupe de cheveux normale par rapport à Trump et à Poutine, c’est plutôt rassurant ! (rires)

Bon, vous avez tout de même sorti un film en 2017...
Tout a commencé en 2016 par la création d’une société de production, Les Compagnons du Cinéma, avec Florence Gastaud et Riad Sattouf. Sur Le Redoutable, j’ai ainsi endossé entièrement, pour la première fois, la production déléguée d’un film qui me tient, notamment pour cette raison, vachement à cœur. Quand il s’est agi d’aller à Cannes, il était très difficile de refuser.

Pourquoi ?
C’est un des rares lieux où le cinéma est si important. L’ego, l’orgueil et le plaisir de montrer son film dans une telle salle (Lumière, ndlr) devant un tel parterre sont des motivations suffisantes, j’imagine.

Sachant que vous étiez attendu au tournant, vu le sujet du film.
Quand on va à Cannes, la seule question qui se pose concerne en effet la nuisance potentielle de la critique. Très sincèrement, à part deux ou trois papiers négatifs, le film a plutôt bien été accueilli, contrairement à mon précédent, The Search. Dans l’absolu, ça m’ennuie de me priver du plaisir d’aller à Cannes par peur des critiques.

Avez-vous discuté avec Thierry Frémaux de l’opportunité de le programmer en ouverture ?
Thierry le souhaitait. Il avait sans doute raison, le problème étant qu’on n’était pas tout à fait prêt pour le sortir –traditionnellement, le film d’ouverture sort simultanément en salles, ndlr. Il aurait probablement fait plus d’entrées. La couverture médiatique du premier jour est énorme, c’est une très belle fenêtre.

Regrettez-vous la sortie en septembre ?
Je regrette plutôt la perception du film qui a découlé de Cannes. Je pense que le tampon “auteur” l’a desservi. J’ai toujours considéré Le Redoutable comme un film populaire -sur un sujet certes élitiste.

L’échec du film fragilise-t-il votre structure, Les Compagnons du Cinéma ?
Bien sûr. On aura moins de fonds de soutien, donc on développera moins de projets que prévu. La marge de manœuvre s’est réduite.

Quels événements de l’année ciné retenez-vous ?
L’affaire Weinstein et ses répercussions en général. J’espère que tout ça va changer en profondeur les rapports hommes-femmes. Il faudrait une révolution comparable à celle de l’éducation parentale. Quand j’étais petit, les enfants prenaient des baffes et ça ne choquait personne. À un moment donné, la société ne l’a plus accepté. De normal, cet usage est devenu archaïque. Une semblable mise à jour est nécessaire pour la place des femmes dans notre société.

Les effets sociologiques de ce scandale peuvent-ils impacter l’écriture des films et la nature des images ?
Le cinéma n’est jamais que le reflet de l’évolution de la société, donc, oui, il y aura certainement un impact que l’on ne peut pas encore mesurer.

Quels films vous ont marqué en 2017 ?
J’ai adoré La Planète des Singes-Suprématie. La facture, l’ambiance, le côté christique, tout m’a plu. La performance des acteurs en mocap est aussi, je trouve, phénoménale. Quoi d’autre ? (il réfléchit) J’ai beaucoup aimé Cars 3. Ils ont hyper bien réinventé le premier épisode qui fait partie de mes Pixar préférés. Je le préfère à Coco -super bon film au demeurant- parce que le personnage de Flash McQueen m’est cher.