Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
JURASSIC WORLD : FALLEN KINGDOM ★★☆☆☆
De Juan Antonio Bayona
L’essentiel
Bien qu’écrasé par son scénario écolo, Juan Antonio Bayona propose quelques prouesses visuelles et rend hommage à Spielberg.
En 2015, Jurassic World démontrait que 22 ans après le succès de Jurassic Park, la fascination des spectateurs pour les dinosaures était toujours intacte. Amassant 1,6 milliard de dollars de recettes, le blockbuster de Colin Trevorrow, mi-suite mi-remake de l’original de Steven Spielberg, a cartonné malgré des critiques mitigées. Sans surprise, Universal a rapidement lancé un nouvel opus. Le studio a même directement annoncé une trilogie, et Fallen Kingdom, qui sort cette semaine au cinéma, est donc l’épisode du milieu, qui doit consolider ce qui a été inauguré avec Jurassic World tout en introduisant les enjeux du dernier film et en respectant l’œuvre originale.
Élodie Bardinet
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A ADORÉ
FOOTBALL INFINI ★★★★☆
De Corneliu Porumboiu
Après son documentaire intimiste sur le foot (Match retour, où son père, ancien arbitre, et lui-même, commentaient un match datant de 1988), Porumboiu attaque cette fois le sujet par le biais d’un portrait subtil et cocasse, où s’imbriquent théorie du sport et parabole politique. Gravement blessé sur un terrain de foot dans sa jeunesse, Laurentiu Ginghina est resté totalement obsédé par l'idée d’en changer les règles. Devenu gratte papier pour le gouvernement roumain, il se compare volontiers aux super-héros. Comme eux, il mène une double-vie ; l'une excitante, l'autre plus grise, servant de couverture à ses exploits : l’élaboration de ces fameuses nouvelles règles, donc, qui portent en elles une volonté de changement, où la non-violence joue un rôle pivot. Une utopie qui peut paraitre insignifiante aux yeux d'un novice en ballon rond, voire gentiment délirante pour les plus avertis : le réalisateur de 12h08 à l'est de Bucarest, qui débat en personne avec l’apprenti sorcier, ne se prive d’ailleurs pas d’en pointer les incohérences. Mais au-delà de la question de son applicabilité, elle a le mérite de produire une étincelle de pensée stimulante dans un pays noyé sous la grisaille et toujours plombé par les lourdeurs administratives : témoin de cet immobilisme post-communiste, l’irruption régulière dans le bureau de Ginghina de citoyens lassés par la paperasse, dont une nonagénaire qui attend depuis trente ans que l’Etat lui rende son terrain. Kafka n’est jamais très loin.
Eric Vernay
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A AIMÉ
TROIS VISAGES ★★★☆☆
De Jafar Panahi
C’était la star par défaut du dernier Festival de Cannes. Assigné à résidence dans son pays (comme son homologue russe, Kirill Serebrennikov, lui aussi en compétition sur la Croisette avec Leto), le cinéaste iranien Jafar Panahi a une nouvelle fois étonné, sinon ébloui, les observateurs non pas tant pour la qualité intrinsèque –et réelle- de Trois visages que pour son existence même : rappelons qu’il est interdit de tournage depuis 2010 et que, depuis cette date, il a réalisé quatre longs métrages dont l’acclamé Taxi Téhéran !
Christophe Narbonne
Lire la critique en intégralitéALBERTO GIACOMETTI, THE FINAL PORTRAIT ★★★☆☆
De Stanley Tucci
Dans la famille « biopic », il y a ceux qui font le choix du portrait par le détail, l'anecdote, la petite tranche de vie qui doit tout concentrer : The Final Portrait est de ceux-là, et narre les difficultés d’Alberto Giacometti à terminer le portrait de l'écrivain James Lord dans son atelier parisien en 1964 -deux ans avant la mort de l’artiste, d'où le titre funèbre. Le film, coincé dans un atelier poussiéreux et glacial, aux couleurs désaturées, traite la pulsion artistique exclusivement à travers le doute. Geoffrey Rush s'amuse beaucoup à interpréter Alberto comme un ronchon mercantile. Face à lui, Armie Hammer continue de jouer sa partition élégante et gay de Call Me by Your Name avec la même aisance, mais en mode passif. La rencontre en les deux, si théâtrale qu'elle soit, est un régal.
Sylvestre Picard
CHAMPIONS ★★★☆☆
De Javier Fesser
Viré d'un club prestigieux, un entraîneur de basket borderline se retrouve à la tête d'une équipe amateur remplie de bras cassés. Pire pour ce coach irascible, celle-ci est composée de joueurs handicapés et il doit les préparer en un temps record pour un championnat. Vous la voyez venir, cette histoire casse-gueule au goût de déjà-vu ? Et bien non, Javier Fesser désamorce tous les clichés attendus dans ce feel good movie très efficace, grâce à son autodérision mordante et un humour cash servis par des dialogues hilarants. Ni tire-larme, ni moralisateur, le film puise sa force émotionnelle dans son casting épatant : d'un côté Javier Gutiérrez, sosie espagnol de Michael Keaton, et de l'autre des acteurs semi-professionels voire totalement amateurs, tous atteints d'un handicap. L'alchimie va souder les deux camps, chacun tirant profit de l'expérience de l'autre, pour abattre la barrière des préjugés et aller dans une seule et même direction. La sincérité de ces acteurs d'un jour, ou plutôt d'un film, leur permet de sublimer leurs difficultés à travers le prisme cathartique de la caméra. En pointant du doigt les discriminations, Champions s'attaque frontalement à un sujet quasi-tabou et trop rarement traité à l'écran : la place de ces personnes mises à la marge d'une société trop normée. Mais au final, qu'est ce que la normalité, si ce n'est une bande de potes aux allures de famille de substitution qui se démène pour arracher la victoire avec des étoiles dans les yeux ?
François Rieux
HEDY LAMARR, FROM EXTASE TO WIFI ★★★☆☆
D’Alexandra Dean
Et si on vous disait que celle qui a inspiré le visage de Blanche-Neige est aussi l’inventrice d'un système secret de communication applicable aux torpilles radio-guidées qui a engendré la création du Wifi? Vous n’y croiriez pas, hein? Et si on ajoutait qu’elle a aussi fait scandale en jouant le premier orgasme féminin du cinéma non X dans un film austro-tchécoslovaque des années 30, qu’elle fut mariée six fois et qu’elle a fini sa vie en recluse dans sa maison, cela deviendrait complètement fou, n’est-ce pas? Et pourtant Hedy Lamarr, c’est tout ça à la fois. Dans son documentaire, Alexandra Dean dresse le portrait d’une belle affranchie qui ne craignait qu’une seule chose : qu’on la prive de liberté. Si le long métrage n’épate pas par sa forme, force est de constater que son sujet bigger-than-life le rend indispensable et fascinant. Par les mots de ses proches et par ceux de la comédienne de Samson et Dalila elle-même, Hedy Lamarr : from Extase to Wifi raconte le parcours de cette émigrée juive autrichienne, née Hedwig Kiesler, qui fuira son pays et sa religion par crainte de représailles et deviendra une icône du 7e art ainsi qu’une brillante scientifique (quoique manquée). Que ce soit George Antheil, son acolyte en sciences, Howard Hughes, amant et fournisseur d’équipements, ou ses différents maris, tous ne sont qu’une facette 2D de celle qui fut une héroïne aux multiples dimensions, à qui l’absence de reconnaissance a fini par coûter la raison.
Perrine Quennesson
UNA QUESTIONE PRIVATA ★★★☆☆
De Paolo et Vittorio Taviani
D’entrée, une brume grise empêche de voir l’horizon. Tout au plus distingue-t-on deux silhouettes qui gravissent une montagne. Presque à l’aveugle. Nous sommes à l’été 43 dans le Piémont. L’Italie tout entière nage dans un épais brouillard. Les deux hommes en question sont des partisans qui luttent contre le fascisme. L’un finit par rebrousser chemin. L’autre se retrouve bientôt devant une fière bâtisse. Et soudain tout s’éclaire. Le cadre retrouve toute ses couleurs. Le drame intime peut se lover dans celui de la grande Histoire. Somewhere over the Rainbow crépite sur un vieux tourne-disque. Les vocalises lumineuses de Judy Garland lancent le flash-back et dessine les contours d’un mélo : Milton aime Fulvia qui aime en secret l’ami de celui-ci, Gorgio. La clarté du passé laisse de nouveau place à un présent sans perspective qu’il va falloir recomposer. Milton - puisque c’est lui dont il s’agit - va bientôt redescendre dans la plaine pour rechercher Gorgio. Celui-ci est prisonnier des fascistes donc promis à une mort certaine. Milton va tout faire pour sauver cet ami, ce rival de cœur. Ce Una questione privata sera le dernier film des frères Taviani après la mort de Vittorio le 15 avril dernier. Nul ne sait si Paolo fera désormais cavalier seul. On peut toutefois voir dans ce film qui renoue avec la force tellurique et poétique de leur œuvre la plus célèbre Padre, Padrone - Palme d’or en 1977 - où la terre sarde durant le Seconde Guerre Mondiale servait de cadre à une émancipation rocambolesque, une boucle se refermer. Mais loin d’un retour vers un passé glorieux, les frères Taviani continuaient ici d’accompagner les évolutions de leur art. La grande révolution narrative a eu lieu il y a 6 ans avec leur César doit mourir et l’utilisation inédite pour eux de l’image numérique. Contrairement à certains de leurs confrères mal à l’aise avec la perfection engendrée par la haute qualité, les Taviani en ont tiré profit. La grande netteté de l’image n’est pas un obstacle, et lorsqu’elle le devient, c’est que le récit a quelque chose à nous dire, comme cette brume tenace qui vient ici contrarier le combat de leur héros tout au long du récit. Une belle leçon de modernité en somme.
Thomas Baurez
THE CAKEMAKER ★★★☆☆
D’Ofir Raul Graizer
Oren, un jeune pâtissier allemand, entretient une liaison avec un homme marié israélien qui vient régulièrement à Berlin pour affaires. Puis, un jour, cet amant ne donne plus signe de vie. Oren découvre qu’il est mort dans un accident de voiture et décide de partir pour Jérusalem pour apprendre à connaître l’autre vie de celui qu’il aimait. Et en taisant sa réelle identité, il entre peu à peu dans le quotidien de sa veuve Anat en se faisant engager comme pâtissier dans son petit café. De fil en aiguille, il va se rapprocher du fils, de la mère et du frère de son amant, reconstruisant le puzzle de sa vie avec des pièces qu’il connaissait et d’autres jusque-là manquantes. Sur cette trame, Ofir Raul Greizer aurait pu choisir de bâtir un suspense autour du fait que cette famille en deuil finisse ou non par découvrir la réelle identité de celui dont Anat finit même par tomber amoureux. Comme si instinctivement leur amour commun du même homme devait les rapprocher. Mais pour son premier long métrage, Greizer a choisi une autre voie. Celle de raconter la reconstruction de deux êtres blessés à travers un inattendu récit d’émancipation et de deuil mêlés. Le tout sans précipitation, sans obsession du rebondissement permanent. Une force tranquille émane de ce Cakemaker tout en subtilité et émotion rentrée qui n’a pour seul défaut un épilogue un peu trop balourd et convenu. Où Greizer montre ce qu’il aurait dû laisser aux spectateurs le soin d’imaginer. Une exception dans ces 105 minutes remarquablement maîtrisées.
Thierry Cheze
LE VOYAGE DE LILA ★★★☆☆
De Marcela Rincon Gonzalez
Lila est l’héroïne d’un livre pour enfants qui se retrouve soudain propulsée dans le monde réel. Menacée par les oiseaux de l’oubli, elle part à la recherche de Ramon, un petit garçon qui lisait ses aventures quelques années plus tôt mais a fini par l’oublier… Malgré quelques baisses de rythme, ce dessin animé colombien est une belle fable initiatique et symbolique sur les pouvoirs de la lecture, des récits et de la mémoire. Recommandé aux petits à partir de cinq ans.
Frédéric Foubert
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
VOLONTAIRE ★★☆☆☆
De Hélène Fillières
La comédienne Hélène Fillières signe ici son deuxième long-métrage de réalisatrice. Et déjà l’affirmation d’une auteure au sens où les deux films semblent se répondre. Une histoire d’amour d’après un roman de Régis Jauffret lui-même inspiré de l’affaire Edouard Stern, s’interrogeait sur l’abandon physique, le don de soi, la violence passionnelle et pulsionnelle.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéPREMIERE N’A PAS AIME
LE BOOK CLUB ★☆☆☆☆
De Bill Holdermann
Quatre vieilles copines (Diane Keaton, Jane Fonda, Candice Bergen et Mary Steenburgen) décident de pimenter les réunions hebdos de leur club de lecture en se mettant à lire 50 nuances de Grey…. A partir de ce pitch navrant, Le Book Club déroule des péripéties mécaniques de comédie romantique pour seniors, où quatre super mamies vont redécouvrir les joies de l’amour et de la sexualité grâce à une poignée de vieux beaux (Andy Garcia, Don Johnson…). Le seul (très léger) intérêt du film est de regarder ses interprètes – plutôt amusantes et investies malgré la pauvreté du matériau – s’amuser avec l’image que l’inconscient collectif veut garder d’elles : Diane Keaton est l’intello pétillante, Jane Fonda la tigresse conquérante, etc. Profitons également de cette chronique pour informer les fans de la saga du Parrain que Diane Keaton fait ici des bisous à Andy Garcia – on préfère prévenir ceux que ça choquerait de voir la femme et le neveu de Michael Corleone fricoter ensemble.
Frédéric Foubert
REALIVE ★☆☆☆☆
De Mateo Gil
Mark est malade. Il ne lui reste qu’un an à vivre. Il décide de faire congeler son corps pour avoir un espoir de guérir grâce aux avancées de la science. 60 ans plus tard, il est ranimé. Mateo Gil, scénariste complice d’Alejandro Amenabar (Ouvre les yeux, Mar Adentro, Agora) renoue avec la science-fiction. Si le présupposé (comment échapper à la maladie ?) et les conséquences qu’il induit est passionnant, le récit vire lègèrement au monologue monocorde sur la bioéthique. Le réalisateur en a conscience et rythme sa narration de flashbacks intempestifs, car le 22e siècle a judicieusement inventé le casque qui projette des images de votre mémoire ! Pour les fans de SF et de Charlotte Le Bon.
Sophie Benamon
LA LEGENDE ☆☆☆☆☆
De Florian Hessique
Est-ce le fait d’avoir été trop gourmand et de jouer les cumulards pour son premier long métrage : réalisateur, scénariste et acteur principal ? Toujours est-il que Florian Hessique passe totalement à côté de cette histoire d’as du basket qui, bien que courtisé par les plus grandes équipes, décide de retourner dans son club formateur, fraîchement promu au plus haut niveau. Un jeune homme de 25 ans qui ambitionne d’intégrer l’équipe de France et va tout faire – y compris via l’usage de produits non autorisés – pour tenter de masquer une blessure au genou, véritable couperet pour la suite de sa carrière. Plus que faiblard dans sa mise en scène –où le manque de moyens se révèle criant à chaque plan–, La légende souffre tout à la fois d’un scénario cousu de fil blanc et d’une interprétation hasardeuse. Et ce sans ne rien apporter – façon Coup de tête d’Annaud sur le petit monde du foot français à la fin des années 70 – sur les coulisses d’un club de basket provincial aspirant à jouer dans la cour des grands. Comme si Hessique avait placé tous les sujets sur la table (dopage, argent, querelle de pouvoir, histoire d’amour, vie en équipe…) sans en creuser aucun.
Thierry Cheze
Et aussi
Midnight Ramblers de Julian Ballester
La nuit de Julien Selleron
Riga (Take 1) de Siegfried
La mauvaise réputation d’Iram Haq
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Morocco (Coeurs brûlés) de Josef von Stenberg
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