- Fluctuat
Wonderful days est avant tout un pari. Celui de faire un film qui dépasserait l'industrie japonaise sur son terrain de prédilection : le cinéma d'animation. Entre désir et haine, avec des ennemis de si longue date que sont la Corée et le Japon, on comprend que l'objet nourrissait mille convoitises. Mais voilà, on a beau comme Jean Pierre Léaud dans La maman et la putain préférer les imitations à l'original, avec Wonderful days c'est plutôt raté.
Chaque semaine, le cinéphile, à l'instar du taxidermiste avec qui il a bien des points communs, aime faire des inventaires, empailler encore un peu le cinéma. Inutile donc de s'attarder en disant que Wonderful days fait pléthore de références à ceux qui sont de l'autre coté de la mer. Aux cousins japonais, grands amateurs et dévoreurs de forme, et osons le dire seul peuple au monde à avoir vraiment su réaliser l'hyper modernité par l'application des mécaniques du capitalisme appliquées aux régimes de la fiction. A avoir inventé, encore mieux que les Américains, la consommation de la fiction au quotidien : manga, animés. Le japon est le centre du monde, un laboratoire où le présent étudie le futur.Wonderful days alors. Un film coréen. Maintenant il y en a plein, c'est bien. Certains croient que la Corée est un nouvel eldorado pour le cinéma, même à Cannes on s'est laissé prendre par Old Boy, qui pourtant risque de laisser indifférent. Mais les gens sont contents, alors c'est bien. Le film ? C'est un film d'animation, ça se passe en 2142, après le déluge (ou tout comme). Il y a une planète appelée Ecoban (qui se nourrit de la population, attention film écolo), on tente de la sauver de types qui veulent posséder le monde. Puis il y a plusieurs personnages, un gars plutôt dans le genre beau gosse à jouer les héros, et une fille, pareil. Ils sont amoureux depuis qu'ils sont gosses, mais ils se sont perdus de vue. Lui, il "zone" avec le peuple (vivant dans la pollution donc), et elle, bien sûr, elle bosse pour les ennemis du peuple. Mais ça ne va pas durer : la vérité et la justice ça travaille tout le monde.Pourquoi pas alors ? On aurait bien voulu mais Wonderful days est non seulement incapable d'être à la hauteur de ses pairs au-delà du défi technique largement réussi (mais on se souvient que Final Fantasy était aussi un pari réussi, et on se souvient surtout de cette mort partout, de ces corps absents, ces regards de macchabées). De plus il est d'une rare impuissance lorsqu'il s'agit de construire un récit un tant soi peu captivant, qui ne soit pas archi balisé et ultra connu. Difficile de se raccrocher alors à quelque chose. Les images ? Les ordinateurs ont bien marché, les infographistes ont fait un bon boulot, merci pour eux. Quoi d'autre ? L'ambiance ? Au début on y croit un peu, et puis ça devient vraiment long, lent et peu excitant. Le film veut jouer régulièrement sur de longues scènes de contemplation qui ne contemplent au fond que leurs propres exploits techniques. Une sorte de cinéma d'auteur, avec son éloge de la lenteur, du plan fixe (mais pas trop, il y a aussi de l'action, des fusillades et même des motos comme dans Akira -en moins bien), de moments où seule l'atmosphère voudrait pouvoir tout justifier, par ses décors complexes et pourtant toujours un peu ternes. Cette musique qui hésite à vouloir faire comme les grands ou être originale. Tout ça ne marche pas ou plus, parce que ce n'est pas possible. Si Wonderful days était arrivé il y a un peu plus de dix ans, peut-être, mais maintenant, trop tard. C'est tout le problème d'un cinéma qui se définit par rapport à un autre sans penser qu'il faut trouver des solutions avant de vouloir faire la même chose. Le western Italien, le polar Hong kongais, ce ne sont que des solutions, des alternatives. Wonderful days, c'est une imitation. Sans plus. A la limite une bonne copie, d'un élève modèle, au-dessus de tout soupçon, qu'aurait bien retenu ses leçons, mais qui justement n'aurait su les prendre comme de simples outils, et rendrait un travail techniquement brillant mais sans âme ni personnalité.Wonderful days
Un film de Kim Moon-Saeng
Studio d'animation : Tinhouse
Sortie nationale le 16 juin 2004[Illustrations : DR Pathé Distribution]
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