Toutes les critiques de Une histoire vraie

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Prenant le risque de déplaire aux inconditionnels de Lost Highway, Twin Peaks ou encore Blue Velvet, David Lynch nous livre, avec The Straight Story, une histoire simple, limpide, d'une troublante et profonde beauté.
    Alvin Straight, vieil homme au crépuscule de sa vie, vivant seul avec sa fille Rose, apprend que son frère, qu'un différend a éloigné de lui dix ans plus tôt, a eu une attaque. Lui-même handicapé par des problèmes de santé, il décide d'aller le rejoindre par ses propres moyens c'est-à-dire une tondeuse à gazon et une remorque. Il devra traverser un état entier, de grands espaces naturels et cultivés au rythme d'une saison (celle des moissons) pour parvenir à une touchante réconciliation fraternelle.
    Le film débute sur un plan évoquant un tableau de Hooper dont l'oeuvre, pour le sociologue américain Richard Sennett, exprime le "contraste de l'isolement dans la transparence". Cette limpidité, Alvin la personnalise de façon brute en refusant le progrès qui lui permettrait de se soigner et de se mouvoir correctement ou d'utiliser les différents moyens modernes de locomotion pour retrouver son frère. Il désire en effet faire ce voyage "seul" et "à sa façon".L'intéret du film réside précisément dans cette temporalité particulière qu'Alvin impose à son déplacement. Se faire doubler par des cyclistes, le regard méfiant d'une auto-stoppeuse en fugue, autant de scènes surprenantes et absurdes qui rappellent le cinéma de Tati (Traffic) et de Keaton. Ce contre-pied à la vitesse, au cinéma traditionnel américain, est très habilement mené parce que personne n'est "dépassé" : l'auto-stoppeuse rattrape, en marchant, Alvin qui rattrape avec sa tondeuse les cyclistes, chaque journée se terminant au coin d'un feu de bois, à se retrouver et discuter. Le road movie classique, celui né d'une fuite, d'une poursuite (Bonnie and Clyde, Sailor et Lula)ou de la recherche d'un ailleurs (Les Raisins de la Colère) correspond au mal-être ou à l'affolement des protagonistes. Commencini, dans Le Grand Embouteillage, appuie de façon corrosive la détresse de quelques personnages révélée par un embouteillage, la stagnation et l'immobilité imposant la résurgence de l'angoisse, le retour contraint à se faire face.Dans l'histoire "droite", "vraie" ou celle de Straight, il s'agit au contraire d'harmonieusement associer le rythme temporel du voyage avec la contemplation de la nature, la chaleur des différentes rencontres qui le ponctuent et la quête d'une sérénité intérieure. Un drame vécu pendant la Seconde Guerre Mondiale a rendu Alvin alcoolique, violent et isolé. Ces traumatismes vont être exorcisés par le souvenir et la conversation et à l'issue du voyage Alvin peut alors admirer avec son frère la beauté d'un ciel nocturne constellé d'étoiles. Ce parcours spatial, temporel et intérieur aboutit à la réconciliation avec soi, avec l'amour fraternel et pour le spectateur avec une haute idée du cinéma.Une histoire vraie
    Réalisé par David Lynch
    Etats Unis, 1998
    Durée 1h51
    Avec Richard Farnsworth, Harry Dean Stanton, Sissy Spacek
    Sortie salle France 3 novembre 1999
    Sur Flu :
    - Lire la chronique de Mulholland Drive (2001)