- Fluctuat
Un premier film est toujours un challenge. Un rêve qui se concrétise après de longues et lourdes procédures. Le metteur en scène doit garder la tête froide malgré les enthousiasmes et connaître pleinement le poids des enjeux à résoudre. Beaucoup s'y cassent les dents, perdant, à force de compromis, le fil de ce qui les a poussés derrière une caméra. Ce n'est vraiment pas le cas de Christian Carion. La sincérité d'Une Hirondelle a fait le Printemps en fait une bonne partie de son charme.
Cela ne va pas sans quelques maladresses. Des audaces qui frôlent la limite du ridicule. Une héroïne qui se balance doucement sur des slows dignes de Chérie FM, son rêve d'un prince charmant descendant du ciel en ULM, Pink Martini délaissant la pub pour voiture pour illustrer une messe funéraire Voilà qui nous a fait grincer des dents. Nous ne sommes plus si sûrs d'adhérer à cette simple histoire. Notre regard plein de tendresse envers ces personnages ne nous empêcha pas de ricaner de malaise face à ces gaucheries : dommage.Ce film reste pourtant suffisamment original pour être salué. Filmer le milieu de l'agriculture en s'écartant des ornières des tracteurs, se focaliser sur un projet de vie plutôt que sur le grand air et la beauté enivrante des paysages du Vercors, voilà une manière différente de voir le monde rural. S'écarter de la carte postale pour y planter une histoire. Les premiers plans en hélicoptère d'une nature idyllique matérialisent le rêve d'une citadine empêtrée dans les bouchons parisiens, rêvant d'une autre vie. Sandrine quitte son métier de formatrice en informatique pour reconstruire sa vie au milieu des chèvres et des confitures avec beaucoup de sang froid et de réalisme. Une fois à la campagne, cette jeune femme terrienne prend à bras le corps les taches de la ferme, surpasse ses sentiments de dégoût pour faire ce qu'il y a à faire. Accouche ses chèvres, répare son tracteur, se lève aux aurores Les impératifs de la terre et des bêtes ne s'encombrent pas du confort des hommes.Le sujet n'a rien de glamour, mais Mathilde Seigner et Michel Serrault sont pourtant charmants. Si le rapport conflictuel de deux générations, l'antagonisme évident ville/campagne sont ici exploités sans trop de surprises, l'histoire de ces deux personnages est finalement attachante grâce au savoir-faire des acteurs. Les clichés les plus gênants sont adoucis par le génie de leur sobriété. Ils sont d'autant plus crédibles dans ces rôles bourrus qu'à la ville, ils n'ont pas la langue dans leur poche et assument propos et rapports entiers avec le milieu cinématographique.Au-delà de ce portrait de deux solitudes qui se confrontent au sein d'un univers parfois hostile, Carion n'a pas voulu occulter le malaise profond du monde paysan face aux crises dernièrement subies : de l'invention de la margarine à la vache folle, un changement dans la considération politique de l'agriculture. Alors on n'échappe pas à quelques images pleines de résonances, stigmatisant une souffrance peu évoquée quand on vient à parler de ces problèmes là. Un troupeau de vache mené à l'abattage, le personnage d'Adrien qui nous raconte en une scène l'ampleur de ses souffrances Voilà qui est un peu facilement éludé. Pourquoi ne pas avoir traité plus amplement de ces problèmes existentiels de l'agriculture française d'aujourd'hui? D'autant que les personnages semblent suffisamment engagés dans la survivance d'un patrimoine pour ne pas y être indifférents Encore une fois, un peu dommage Une hirondelle a fait le printemps
De Christian Carion
Avec Michel Serrault, Mathilde Seigner, Jean-Paul Roussillon
France, 2001, 1h43.