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Trevor Reznik (Christian Bale) est insomniaque depuis un an. Famélique et épuisé, il passe ses journées à l'usine et ses nuits entre son appartement, la cafétéria de l'aéroport et l'appartement de Stevie, une prostituée. Après un accident de travail dû à son inattention, la vie de Trevor devient de plus en plus étrange. Commence une lente dérive schizophrène, paranoïaque et hallucinatoire que Brad Anderson filme avec complaisance, dans une veine pornographique profondément déplaisante.
The Machinist est un film en tout point insupportable. On pourrait croire, au début, que le film est original, mais non, tout n'est qu'artifice, à l'image du cinéma de David Lynch qu'il faudra bien un jour désacraliser. Parce qu'au fond, qu'est-ce qui se cache derrière l'intensification des lumières, du son, et de la complexité des personnages schizophrènes chez Lynch ? Pas tant de choses que ça. Tout l'enrobage « irrationnel », pseudo fractal, se tapissant dans chacune de ses images n'a pour seul objectif que de procurer un supplément de distinction aux amateurs de "marginalité" non-compromise. Si Lynch reste malgré tout un esthète convaincant voire parfois sidérant, on s'est souvent compromis en analyse fastidieuse à vouloir déceler l'insondable d'un cinéma qui n'est qu'un (parfois très beau) miroir aux alouettes. (*)Brad Anderson, contrairement à Lynch dont il se revendique, n'a pas le talent nécessaire pour que chez lui chaque chose (corps, objet, récit) contienne un potentiel érotique susceptible de faire monter jusqu'à l'orgasme. Il ne sait pas mentir. Amateur de Kafka et de Dostoïevski - maladroitement cités au détour de quelques plans -, il croit que l'effet (la lumière surtout) peut représenter la mécanique paranoïaque, schizophrène et névrotique dans laquelle s'enferme son personnage ; il s'imagine que délaver l'image suffit à déshumaniser le monde. Bien qu'il ait le mérite de vouloir traduire son scénario en images par de seuls effets de cinéma, Anderson ne cesse d'insulter le spectateur en le plongeant au coeur d'une intrigue psychologique où chaque détail contribue à faire croire qu'il se passe quelque chose, alors qu'il n'y a pratiquement rien à voir. Plus The Machinist progresse, et plus son jeu de pistes manipulateur se heurte à la laborieuse charpente d'un scénario complaisant et roublard dont l'ouverture (en flash back) signale le manque d'originalité, voire de générosité. Chaque image impose avec complaisance sa sur-lisibilité, son écoeurante volonté de déstabiliser le spectateur. La trajectoire rédemptrice visée par le récit est enfin exaspérante, reposant sur un déploiement d'informations fastidieux.The Machinist est à l'image de la pornographie anorexique de Christian Bale, il cherche du macro, du détail saignant et sale, il veut un peu plus de dégoût, de malaise et surtout être vu. Il stigmatise l'étrange, accentue l'insomnie à renforts d'une photographie blafarde rendant la blancheur nauséeuse et les os saillants à travers le corps décharné de son comédien. Christian Bale, ultra "Actor's studioisé", allant jusqu'à se déformer pour faire corps et impressionner, ne fait que relayer un totalitarisme fondé sur un terrorisme de la performance. Le film prend le regard en otage d'une mécanique vouée à la seule célébration de son propre objet.The Machinist
Un film de Brad Anderson
Avec : Christian Bale, Jennifer Jason Leigh, Aitana Sanchez-Gijon...
Espagne, 2004 - 1h42(*) Ce jugement sur le cinéma de David Lynch n'engage que son auteur, il n'est pas partagé par l'ensemble de la rédaction de Fluctuat.net.[Illustration : The Machinist. Christian Bale. Photo © CTV International]
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The Machinist