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Le cinéma de genre ibérique se porte toujours aussi bien, merci pour lui. Et il continue de s’exporter (timidement, certes), à l’image du nouveau film de Rodrigo Sorogoyen (Stockholm), qui débarque enfin dans les salles françaises (merci Le Pacte), dix mois après sa sortie espagnole.
Eté 2011. Madrid croule sous la chaleur. Les Indignés sont dans la rue, le Pape bientôt en visite et un tueur en série amateur de petites vieilles sévit. Pour le traquer, deux flics que tout oppose et que personne ne soutient. Voilà le tableau de ce thriller étouffant qui a décroché une demi-douzaine de nominations aux derniers Goyas.
D’un côté, on a donc Javier Alfaro (Roberto Alamo, meilleur second rôle aux César espagnols) en flic bourru, pour ne pas dire bourrin. De l’autre, Luis Valerde (Antonio de la Torre), qui bégaye et suscite le mépris de ses collègues, mais sait lire les scènes de crime comme personne. Ca tombe bien, tout le monde niait l’évidence (personne ne viole des mamies, voyons !), préférant y voir des cambriolages ayant mal tournés.
Dans Que Dios nos perdone, il ne pleut pas comme dans Se7en, mais le sordide est bien là. Rodrigo Sorogoyen filme un Madrid poisseux et sous tension, où les affrontements sociaux se confondent avec la perte des valeurs (morales, chrétiennes). Du cynisme de la hiérarchie policière, qui réclame avant tout une enquête discrète, à la cruauté du tueur, l’espoir se fait rare. Même notre duo de flic atypique va révéler son côté obscur au cours de l’enquête. Valent-ils mieux que le coupable ? Qui Dieu va-t-il bien pouvoir pardonner dans ce monde tragique ?
Avec des acteurs au poil, y compris quelques personnages féminins bien sentis au milieu d’un casting plutôt macho, et une réalisation (souvent à l’épaule) aussi immersive qu’efficace, on savoure ce thriller avec délectation, en lui pardonnant ses quelques longueurs. Et en se demandant pourquoi Diable on n’est pas capable de faire des films comme ça chez nous.