-
Tout commence par un bobard. Celui que va naïvement raconter Abel (Gáspár Adonyi-Walsh, magnétique) pour justifier son échec au baccalauréat d’histoire, sans se rendre compte qu’il vient d’activer une réaction en chaîne. Car en expliquant à son père nationaliste qu’il ne s’est pas simplement planté à son oral mais qu’il en a été injustement recalé par son professeur libéral car il portait une cocarde, le jeune homme dépassé par les événements va déclencher un virulent scandale médiatique. De là, Gábor Reisz s’amuse. En déclinant l'histoire sur trois points de vue différents (Abel, le père, l’enseignant) et en jouant avec l’ambiguïté, le réalisateur prend un malin plaisir à piéger le spectateur. Un classique effet Rashōmon qui brouille les pistes, et nous incite à questionner la fiabilité des perceptions : lequel de ces personnages voit les évènements comme ils le sont réellement ? En plus d’une structure narrative espiègle, L'Affaire Abel Trem s’avère particulièrement sagace dans son évocation des dérives du colportage de rumeurs. Car rien n’est plus rapide que le bouche à oreille : un père qui en dit trop à son médecin, le médecin qui répète tout à son chauffeur, le chauffeur à la coiffeuse, la coiffeuse à sa voisine, et ainsi de suite, jusqu’à se retrouver déposséder d’un petit mensonge initialement amplifié sans arrière-pensées… Avec brio, Gábor Reisz explore comment une histoire peut se métamorphoser à force de passer dans la bouche d’intermédiaires que la politique a nécrosés.