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Un voyage au bout de l’enfer, ça s’éternise, et Mendoza nous fait prendre toute la mesure de la distance parcourue. Tout, du choix de tourner en temps réel à celui d’éclairer le véhicule en utilisant uniquement la lumière naturelle des lampadaires et des phares de voitures, contribue à installer le spectateur sur le siège arrière, voire à le coller au pare-brise de peur.
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Kinatay se résume à deux actions : un plan-séquence interminable dans une camionnette et une scène choc dont, par respect pour les éventuels curieux, nous tairons la teneur sordide. Entre les deux, des images, comme volées, de types en train de marcher, de fumer, de bouffer, de regarder leurs pieds, l’air pensif. Là réside l’imposture de Mendoza : dans cette façon crétine, amatrice, de faire passer l’absence de contenu pour quelque chose de profond et de signifiant.
Toutes les critiques de Kinatay
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Kinatay est aussi paisible que le titre "Angel" de Massive Attack. Une musique rampante, insidieuse, qui prend l'ascenceur sans que cela dérange qui que ce soit. Et que l'on prend soi-même d'ailleurs. Comme on dit : la musique adoucit les moeurs.
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Brillante Mendoza, cinéaste philippin, livre avec Kinatay l'un des films les plus suffocants qu'il nous ait été donné de voir ces derniers temps. (...) Mendoza filme les choses sans le moindre élan d'idéologue, plutôt en ce qu'elles questionnent la complexité des êtres, des situations, et le fonctionnement dramatiquement chaotique des sociétés humaines.
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Mendoza a peut-être signé le meilleur film d’horreur de l’année, renvoyant les Saw à Fort Boyaux à leurs études, avec très peu de moyens et une prise abrasive sur le réel. A la question du prof de criminologie, oui, on peut être dans et hors du crime : réponse glaçante du cinéaste à la déshumanisation, aux Philippines ou ailleurs.
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Ça, semble nous dire le réalisateur, c'est la violence ordinaire. Officielle. Diurne. Spectaculaire : on s'en repaît en direct ou chez soi, à la télé ou sur le Web, plutôt réconforté de voir plus désespéré que soi. Et puis il y a l'autre violence, la noire, la hideuse, celle qu'on cache aux autres et à soi-même, celle qui fait douter de l'humain. C'est elle qu'éclaire Brillante Mendoza : l'indifférence des bourreaux, l'impuissance des victimes, l'aveuglement des témoins. Tout ce que, il y a pas mal d'années, un cinéaste japonais prophétique avait défini comme « l'évaporation de l'homme ».
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Bien éloigné du récit mafieux à l’Américaine façon Scorsese, ou des crimes stories japonaises où sévissent les Yakuzas, Kinatay, « massacre » en philippin, prend des allures de cauchemar éveillé, forcément confus et insondable, car il échappe totalement au protagoniste. [...] Le drame d’initiation devient, dès lors, horreur pure, celle de l’angoisse d’un individu confronté à la monstruosité. Cette barbarie qui aurait pu être décrite comme une banale histoire de torture doublée d’un meurtre sordide en milieu ripoux dans un cinéma de série B, devient une réflexion douloureuse sur l’âme humaine, particulièrement mise à mal [...] Le spectateur n’en ressort pas indemne non plus, d’autant que Mendoza clôt son film sur le même mode documentaire qu’il l’a ouvert. Bref, une œuvre d’une noirceur fulgurante, brillamment mis en scène (sa réalisation a été primée à juste titre à Cannes et à Sitges), qui, une fois passée la lenteur inhérente aux longs du cinéaste, s’inscrit parmi les plus fortes de son auteur et indéniablement parmi les plus intenses de l’année 2009.
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Unité de lieu, de temps et d'action pour une chronique caméra à l'épaule, qui mêle la banalité à la violence, la fluidité du récit à des ruptures dramatiques étonnantes. Mendoza est assurément un cinéaste et sa prolixité n'a d'égale que sa capacité à ne jamais laisser indifférent. Tant mieux.
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Captée en HD, la beauté gris-bleue de cet éclairage changeant contraste avec le grain du 35 mm utilisé dans la première partie, comme plongé dans l'encre de Chine. L'ombre des lampadaires cisèle des clairs-obscurs saisissants sur les faces de gangsters comprimés dans le van, tandis que la ville défile à la fenêtre, méconnaissable, comme dans un mauvais rêve : on reconnaît seulement l'échafaudage du suicidaire de la matinée, fantomatique sous les rayons de la lune. En s'attardant sur cette virée, Mendoza ne cherche pas la psychologie, mais bien l'effet physique, la tension pure. Ainsi ressent-on le vertige de Peping par les basses étouffantes de la BO et la vision hallucinée d'une route perdue, davantage que par les dialogues.
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Accusera-t-on Mendoza de complaisance ? L'enjeu est pourtant tout opposé. Il tient dans le changement de registre du film, dans le passage au plan fixe et au temps réel, dans l'indifférence criminelle de l'opération, dans la solitude et l'abandon nocturnes qui l'entourent, dans la torture auditive que devient la bande-son, dans l'interminable épreuve qu'inflige surtout au spectateur ce spectacle. D'observateur extérieur, celui qui regarde ce film se transforme inéluctablement en témoin, en double du jeune Peping qui réalise trop tard à quel prix il doit payer sa duplicité. Inspirée d'un de ces faits divers rapidement classés à Manille, cette histoire d'une fille perdue assassinée dans les ténèbres prend du coup un tout autre relief.
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Adeptes de la radicalité, des expériences troubles et troublées, des voyages dont on ne revient pas ou alors en morceaux, courez voir Kinatay du brillant et phillipin Mendoza.
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On pense à De Palma mais sans les questionnements douloureux posés par le cinéaste américain ; ici, la série de champs-contre champs, entre d'un côté le témoin horrifié mais passif, et, de l'autre, le crime qui n'en finit pas, finit par être lassante et redondante. Voir désagréable lorsqu'on soupçonne que l'enjeu est surtout de tenir la durée d'un long-métrage.
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Bien que le trait ne soit pas toujours léger, l'atmosphère pesante qu'il communique à son histoire fait de ce film une expérience extrême, fort satisfaisante pour l'amateur de sensations fortes.
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La représentation de la violence dans la scène choc du massacre n'est pas plus convaincante. Brillante Mendoza donne l'impression d'en montrer trop, ou pas assez. Trop, si l'on considère que les seuls plans du visage épouvanté de Peping, associés aux bruits des coups hors champ, suffiraient à nous terroriser, à nous contraindre d'imaginer le pire. Pas assez, car Mendoza n'endosse pas jusqu'au bout la position de voyeur du jeune Peping, spectateur passif mais complice, incapable de détacher ses yeux de la boucherie en cours. Le cinéaste a-t-il eu pitié de son public ? A-t-il voulu le préserver du spectacle frontal, dans la durée, du découpage d'un corps humain à la machette ? Louable intention. Mais quand il filme complaisamment un viol interminable, il n'a pas les mêmes scrupules.
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Tout différent qu'il semble des autres films de Mendoza, Kinatay leur ressemble et les éclaire d'une lumière noire, parce qu'il joue, beaucoup plus violemment et à nu, d'un couple qu'on trouvait déjà dans Serbis ou Le Masseur : celui du voyeurisme et de la dépossession.
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Son film [Brillante Mendoza] est un supplice pour les nerfs à la forme repoussoir. Ce n'est pas du cinéma exigeant, c'est l'abstraction de tout ce qui fait le cinéma. (...) L'alternative, le spectateur l'a toujours : passer son chemin sans se retourner.