- Fluctuat
Vincent, un ministre de la République Française, est démis de ses fonctions, perd son appartement, sa maîtresse, ses biens... et découvre la vie, la vraie, au contact des petites gens. La nouvelle fable du Géorgien Otar Iosselliani est une critique du pouvoir qui emprunte les chemins de traverse. Elle propose une philosophie du bonheur invitant à la rencontre, à la communauté et à la dérive. Où le plaisir de l'ivresse devient plaisir de l'instant partagé.
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- vos impressions ? discutez du film Jardins en automne sur le forum cinémaJardins en automne accompagne la dérive heureuse d'un homme qui descend tous les niveaux de l'échelle sociale. À contre-pied du réalisme conventionnel qui ferait de ce parcours une chute dramatique, le ton libertaire d'Iosseliani ouvre à son héros les portes du paradis en rejetant les lois admises de la société contemporaine, et en premier lieu celle qui confond le bonheur avec la réussite. Aussi la fable, dont le mouvement semble d'abord s'éloigner de la question politique, le héros étant un ministre déchu du gouvernement français, devient-elle une critique par l'échappée, la fugue, de toutes les formes de pouvoir qu'elle convoque pour les rendre aussitôt secondaires. La « vraie vie » dont nous parle Jardins en automne est ailleurs. Non seulement ailleurs que dans les jeux et la soif de pouvoir politique, mais encore, de façon plus radicale, ailleurs que dans la contrainte que ce pouvoir exerce sur les personnages. Une légèreté surnaturelle, bien que faite d'actions et de situations simples et familières à chacun d'entre nous, envahit le monde.Si le bonheur ne dépend pas des jeux du pouvoir mais d'un jeu de l'esprit, comme nous en convainc l'aventure du ministre, et qu'il est pour cela plus facilement accessible au commun des mortels qu'aux grands de ce monde, ce qui séduit ici c'est l'expression proprement filmique de cette impression. Le réalisateur est plus attentif à la fluidité du mouvement général qu'à la maîtrise des images particulières du film, perturbée par la fréquente saturation d'objets ou d'actions parallèles dans le cadre. La loi du chaos que cette saturation appelle, c'est le mouvement ininterrompu. Sa possibilité heureuse, c'est la danse de la caméra, des personnages et du montage. Tourné principalement à Paris dans une lumière d'automne ensoleillé, pour déployer sa danse le film équilibre les plans intérieurs et extérieurs de telle façon qu'une sorte d'équivalence est créée entre eux. Que cela soit l'intérieur des bureaux du ministère, du logement de fonction dont le héros doit déménager, des appartement où ses amies l'invitent, ou de l'appartement de sa vieille mère (le personnage le plus jubilatoire du film, bien qu'ils le soient tous) dont il récupère les clés, les intérieurs sont vus comme des réalités éphémères. Ils communiquent si bien avec l'extérieur qu'ils semblent les deux faces inséparables d'une réalité plus durable et donc plus vraie, qui serait celle du seuil.Le film est en quelque sorte sans cesse à la fenêtre ou sur le seuil des espaces qu'il met en scène, ramassé en un équilibre transitoire sur la crête où les opposés (intérieur/extérieur, mais aussi richesse/pauvreté, pouvoir/dénuement) se rejoignent. Face à cela, la constante à laquelle on peut tenir sans se fourvoyer, celle à partir de laquelle une philosophie de bonheur peut être accomplie, c'est la rencontre, la réalité d'une communauté qui ne fait jamais défaut dès lors qu'on en accepte les perpétuelles fluctuations. Tous les lieux du film, en tant que seuils, sont des lieux de passage, des croisements qui sont autant d'occasions, saisies ou non, de rencontres. Ainsi l'instabilité devient dérive, danse, et la caméra flotte dans la ville, sur les pas du ministre, telle une feuille en automne qui vient finir sa course dans les parcs municipaux dont, devenu jardinier, il s'occupe.Rien cependant ne nous permet de confondre cet éloge de l'instabilité dans Jardins en automne avec celui de la précarité dans l'hiver politique au sein duquel le film va prendre place, pour sa sortie en septembre 2006. S'il y a du bonheur dans la dérive, c'est qu'elle prend la forme à la fois musicale et décidée d'une fugue. Parce que loin d'accepter la loi de la sanction qui la provoque, elle s'en dégage, elle l'oublie pour en faire l'occasion d'une rupture avec l'ordre et la contrainte que la sanction représente. Rien de plus décidé, en effet, à saisir le plaisir d'un instant partagé que les participants aux banquets de hasard qu'Otar Iosseliani égrène tout au long du film. Rien de plus résolu, de moins coupable et de plus gracieux, que leur ivresse.Jardins en automne
Un film de Otar Iosseliani
Avec Séverin Blanchet, Jacynthe Jacquet, Michel Piccoli, Otar Iosseliani, Pascal Vincent
France, Italie, Russie. 2006 - 117mn
Sortie en France : 6 septembre 2006
[Illustrations : © Les Films du Losange]
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