- Fluctuat
Human Nature n'est pas politiquement correct. Le dire relève de la tautologie. Le scénariste Charlie Kaufman et le producteur Spike Jonze avait déjà sévit dans le film déjanté Dans La Peau de John Malkovitch. Nous l'avions dit alors : rien de plus atypique ne nous était arrivé depuis longtemps, ce film nous avait proprement sidérés.
Nous sommes heureux de voir que ses créateurs n'en sont pas restés à leur premier opus. Perturbant le cinéma en passant les règles scénaristiques les plus convenues au shaker, ils gardent leur esprit potache et s'associent avec Michael Gondry, génial réalisateur de certains clips de Björk, pour continuer leur ballade déjantée. En roue libre donc.En France - on s'y trompa à Cannes où il fut à peine remarqué - le film risque fort d'être ignoré. Quoique à bien y réfléchir, avec les éléments apparentés (Björk, Spike Jonze, Tim Robins et Festival du Film) bien des esprits hésitants de prime abord risquent de se risquer dans les salles. Bien leur en prendra : une remise en question des apparences n'est jamais inutile... attention tout de même au parfum de la peau de banane.Le scénario est brillamment construit. On retrouve des images à la Pierre et Georges d'une blanche-neige partie se réfugier au fond des bois avec son ours en peluche et criant à la nature qu'elle l'aime, les confidences d'une esthéticienne sur le billard, un procès à l'américaine filmé avec force caméras dans le plus pur style des séries B, le tout sur fond d'un crime à résoudre et ponctué de séances d'apprentissage du savoir-vivre le plus élémentaire : comment mange-t-on de la salade ?Jouant de tous les clichés, le film se penche enfin sur des problèmes majeurs souvent ignorés : celui de la pliure du pantalon qui se chiffonnera si on le jette par terre pour s'occuper d'une belle, le tourment d'une sexualité sans poils, le fléau de la solitude au fond des bois... Grâce à une kyrielle d'acteurs sans pudeur, Human Nature ne s'épargne rien quitte à frôler le vulgaire. Mais comme c'est fait avec candeur, on pardonne sans être dupe.La police et la justice cherchent à élucider un meurtre et se retrouvent en face d'une jeune femme qui leur raconte avec force trémolos l'histoire de sa vie en commençant par "Quand j'avais douze ans...". Ce "whodunit" est un prétexte. Si la fille est prolixe, l'histoire délicieusement caustique est finalement secondaire et sert à passer la société américaine à la moulinette. On évitera ici d'en dire davantage pour vous laisser le plaisir de découvrir vous-même. Ce film pamphlétaire ne tombe pourtant jamais dans l'angélisme benêt. Pas de morale pro-naturaliste : que vous choisissiez de suivre bassement vos instincts primaires (primates !) ou de les éduquer par une culture de la chaise électrique importe peu du moment que vous ne passez pas bêtement à côté d'une jolie fille et d'un moment de joie...Seul bémol : le film perd un peu de son rythme au milieu. Comme si Charlie Kaufman n'arrivait à se défaire de son histoire, encore attaché à une conclusion à rallonge. Dans Dans la Peau de John Malkovitch, on trouvait déjà ce petit défaut : une fois que John Cusak devient John Malkovitch marionnettiste, l'histoire se relâche en détaillant certaines circonvolutions secondaires. Ceci relève sans doute d'un reste d'attachement au classicisme d'une conclusion qui va droit au but. Comme si après avoir mené ses spectateurs en barque, char à voiles, et bateau à moteur, il était trop risqué de les perdre et de les laisser sur un goût de pas-assez. Aussi rassurez-vous, si on vous trimbale dans tous les sens, on s'occupe de vous afin que vous retrouviez la sortie. Entre temps, vous n'admirerez pas seulement le paysage.Human nature
De Michel Gondry
Avec Tim Robbins, Patricia Arquette, Rhys Ifans
France / Royaume Uni / Danemark / Etats Unis, 2001, 1h36.
Sur Flu :
- Lire la chronique de Eternal sunshine of the spotless mind (Michel Gondry, 2004).
- Lire la chronique de Adaptation (Spike Jonze, 2003).
- Lire la chronique de Dans la peau de John Malkovitch (Spike Jonze, 1998).