- Fluctuat
Il est rare de voir un premier long-métrage aussi maîtrisé. La juste beauté dégagée par de nombreuses séquences, le caractère simple et drôle de cette histoire gigogne, les multiples lectures qu'on pourra en avoir il se révèle ici un nom du cinéma en devenir.
Leonardo Di Cesare commence son premier long-métrage mine de rien. Au premier abord, le scénario semble des plus simples : un jeune homme sous-loue une chambre de sa maison à une belle jeune fille qui ne lui est pas indifférente. Les deux jeunes gens sont hésitants, ils s'apprivoisent et c'est superbement écrit : ni trop, ni trop peu. Dès les premiers plans tout est extrêmement maîtrisé : lumière, cadrage et mise en scène servent à merveilles le jeu des acteurs tout en subtilité. L'histoire progresse lentement mais sûrement : on craint, on pressent, plus qu'on ne devine, l'issue d'une situation pourtant bien embarquée. Ce film qui aurait pu se conclure par « ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants » prend bientôt des allures de thriller psychologique. Herman, le personnage principal, jeune homme bonne pâte, gentil, accueillant la belle Pato, est bientôt envahi par les parents de cette dernière. Véritables bernard-l'hermite, ils s'implantent petit à petit jusqu'à en devenir de menaçantes sangsues. Leur but : fabriquer et vendre des churros. Ils espèrent ainsi retrouver leur honneur et la richesse qui va avec.Plus qu'une simple pâtisserie, cette spécialité d'Argentine, produit du terroir, est censée redonner à la population qui la vendra, la fierté qu'elle a perdue en étant au chômage. Petite pique amère et juste sur l'état actuel du pays. Pourtant Leonardo Di Cesare n'est jamais didactique. Son histoire raille simplement une situation nationale. Elle se moque doucement des vains espoirs qu'ont provoqués ses dirigeants en menant par le bout du nez une population prête à tout pour sortir de la pauvreté. Le père, qui se voit chef d'une entreprise en devenir, est terrifiant de perversité. Exploitant des travailleurs qui rêvent d'un monde égalitaire où ils auraient leur place, il leur fait miroiter des profits tout en servant sa propre gloire. De même avec sa propre fille, il joue du chantage affectif. Pato se trouve alors prise entre son envie de liberté, d'indépendance, et l'amour, le respect qu'elle doit à ses parents. Sans doute veut-elle les croire aussi quand ils lui promettent une vie meilleure.Ainsi erre-t-elle entre son amant et ses parents, cherchant sa place et ne sachant comment couper le cordon ombilical sans être parricide. De manière tragi-comique, car on rit beaucoup dans Buena Vida (Delivery), Leonardo Di Cesare nous conte aussi l'histoire de jeunes gens qui grandissent et trouvent leur juste place dans le monde. Conjugant subtilement finesse, drôlesse et poésie, il réalise ici un film rare, qu'ont d'ailleurs récompensé de nombreux festivals internationaux. Allez le voir avant d'être innondé par une version américaine... il paraît que Brad Pitt cherche à en acquérir les droits !Buena Vida (Delivery)
Un film de Leonardo Di Cesare
Avec Ignacio Toselli, Moro Anghileri, Oscar Núñez...
Argentine, 2004 - 1h33
Sortie en France : 2 mars 2005[Illustration : Buena Vida (Delivery). Photo © ID Distribution]
-Le site du film
- Consultez salles et séances sur Allociné.fr
Buena vida