- Fluctuat
Cela fait toujours plaisir de découvrir un premier film si enchanteur. Récompensé du prix de la Caméra d'Or lors du dernier festival de Cannes, la réalisatrice Julie Lopès-Curval, signe ici un très beau long-métrage.
Ce film pourrait être un documentaire. Sur une plage de galets, les vacanciers se prélassent sous le soleil de l'été. Avec leurs maillots de bain, leurs corps dénudés, leur laisser-aller, on pourrait les trouver ridicules. Et bien non. La poésie commence ici. Julie Lopès-Curval nous montre les touristes avec tendresse et on s'y retrouve. L'adolescence avec les parents pas loin et le calme des vagues en face. On se rappelle qu'on était mal dans sa peau et on voit qu'on avait certainement tort. L'image permet un regard simple et tendre sur des choses qu'on pensait compliquées. La réalisatrice nous replace dans les traces des impressions d'enfance grâce à une très grande qualité d'observation. On voit le bruit des trains, on est intrigué par les piles de galets, on se demande pourquoi les trier, on les trouve beaux. Ce film sent l'iode et on y entend la mer comme dans un coquillage.Marie, une jeune ouvrière de cette ville balnéaire sort avec le maître-nageur. C'est ce qu'on appelle avoir un petit ami. Le week-end, ils vont boire un verre et danser, sans doute parce qu'ils sont jeunes, dans la petite ville c'est comme cela qu'on fait. Elle a un peu l'air de s'ennuyer mais lui sourit tout de même. Lointaine et rêveuse, elle n'a pas vraiment de raison pour refuser d'habiter avec lui.Les journées se suivent, une saison chasse l'autre. Rien ne semble avoir vraiment changé, si ce n'est que les touristes sont repartis. En hiver, la ville se recroqueville. Il semble que les habitants ne peuvent s'éviter, leurs liens sont plus directs. Les rancoeurs émergent d'autant plus que le soleil et l'air des vacances ne peuvent les adoucir. Les frustrations aussi. Face à eux-mêmes, les protagonistes osent alors affronter ce qu'ils ressentent, agissent.Dans ce coin perdu du bord du monde, reste l'interrogation de toutes les vies. Qu'est-ce que le bonheur ? Qu'est-ce qu'être amoureux ? Julie Lopès-Curval n'est jamais moralisatrice. Elle ne prétend pas avoir de réponse. Justement, assumer ses incertitudes et ses questionnements pour les résoudre semble être la seule voix possible pour accéder au bonheur. L'accepter sans l'interroger, s'épargner les prises de conscience, c'est offrir le flanc à toutes les mauvaises surprises. Un beau jour, la joueuse de Casino se rend compte qu'elle n'a plus d'argent, le maître-nageur a perdu son amoureuse, une mère voit son enfant partir pour toujours. Finalement, le photographe qui n'avait jamais le temps de voir ses parents, vient près de chez eux le temps d'une séance de poses. Après s'être rendue compte que sa vie était exactement comme elle ne voulait pas qu'elle soit, l'ouvrière finira par s'enfuir Retour à l'été. Entre deux saisons, les gens ont changé, il s'est passé la vie. Dans les coulisses d'une ancienne station balnéaire, une femme est partie, une autre est enceinte, on ne saurait dire exactement comment cela s'est fait, on sait juste que c'est la somme de petits riens qui nous a amené là. Que l'ensemble d'une vie est faite de ces petits et grands moments. On se dit alors que sur cette même géographie d'un bord de mer, d'ici la saison prochaine tout sera encore différent. Et que l'on reviendra forcément, pour voir.
Bord de Mer
Réalisation : Julie Lopès-Curval
Avec : Bulle Ogier, Hélène Fillières, Ludmila Mikaël, Jonathan Zaccai, Patrick Lizana, Liliane Rovère, Jean-Michel Noirey.
- Le site du film.
Bord De Mer