- Fluctuat
Le réalisateur de Blush, Wim Vandekeybus, est connu pour son travail chorégraphique. Le titre du film est d'ailleurs tiré de l'un d'eux. Les mouvements, les pas, ont été exécutés plus d'une centaine de fois en public, par les interprètes, avant d'être filmés. Blush a existé sur scène, pourquoi choisir de l'imprimer sur pellicule ? C'est l'une des questions que soulève ce film.
Cela fait quelques années déjà que la danse est "décloisonnée" : si on la voit encore le plus souvent dans les théâtres, elle existe aussi en-dehors, dans la rue par exemple, et sous diverses formes plus ou moins académiques. Il s'agit le plus souvent d'affirmer que la danse n'est pas seulement du mouvement : à la forme, quand bien même celle-ci est techniquement difficile à exécuter, préexiste le fond. Faire des pointes et des grands jetés est moins crucial, dans la danse contemporaine, que de raconter, dénoncer, partager sentiments ou opinions. Ce qui mène le mouvement est plus profond, c'est une histoire ou une impression. « Je suis un conteur d'histoires, déclare Wim Vandekeybus à propos de Blush. D'une certaine manière, le médium utilisé importe peu. Je recherche toujours la forme qui figure le mieux ce que je souhaite exprimer. »Dès lors, reste à savoir ce que le 7e Art apporte à l'art de la danse. Plutôt que de le filmer in extenso, le chorégraphe a choisi d'adapter son spectacle à l'écran : « Sur scène, il y a 10 personnages avec le même degré de présence, ce qui est très difficile à réaliser dans un film », explique-t-il. C'est en partie pourquoi il morcèle son histoire en séquences dans lesquelles s'expriment un moindre nombre de danseurs. Il réordonne les règles du spectacle, casse le face-à-face avec le spectateur, n'hésite pas à faire des mouvements de plongée, de contre-plongée, s'éloignant ou s'approchant très près de ses interprètes. Blush parle d'amour. Ce serait une version de l'histoire d'Eurydice, celle d'une fiancée perdue dans les enfers à cause de ses passions. Les muscles sont tendus à l'extrême ou crispés, prêts à se tordre, au service des émotions. Blanca Li, chorégraphe qui a également réalisé quelques "films de danse", ne plonge pas de la même manière au coeur de l'ordonnancement du mouvement. Chez elle tout s'organise autour de la caméra. Avec Blush, Vandekeybus met au contraire l'image au service de la danse jusqu'à en faire un des paramètres de la chorégraphie.Plongés dans la nature, les personnages s'y fondent. Vandekeybus cadre en plan large et les hommes semblent alors de bien petites choses. Dans d'autres séquences, ils sont intrinsèquement mêlés à l'eau, à l'herbe, à la forêt, et leur caractère animal ressort. Ils guettent, écoutent le monde, prêts à réagir. Toutefois, l'exécution de mouvements techniques, motivés par leurs seules circonvolutions intérieures, signe leur complexe humanité. « Je trouve que l'homme est un animal avec une passion humaine, une passion dangereuse que l'animal n'a pas. L'homme veut ressentir des émotions, veut les contrôler aussi. Il souffre de cette passion humaine », confie d'ailleurs Vandekeybus. Blush met en scène une troupe de danseurs qui laissent aller leur corps à être la caisse de résonance de leurs sensations. C'est sans doute pour cette raison qu'ils nous font penser aux acteurs des Idiots de Lars von Trier. Constitués en troupe, les personnages jouaient, en public, à être atteints de débilité. Leur corps se laissaient alors aller, quitte à exprimer la cruauté. C'est parce que ce laisser-aller à la cruauté s'exprime aussi dans Blush qu'on a cette même impression.Reste le son. La musique est signée David Eugene Edwards, collaborateur régulier du chorégraphe. Elle sert le mouvement, s'y mêle. Malheureusement viennent les mots. Vandekeybus choisit parfois de faire de ses danseurs des acteurs. On tombe alors dans quelque chose de théâtral. « Ici, le texte est presque de la poésie, il est au même niveau que les images et que les actions », avance le réalisateur. Effectivement, la poésie se donne comme telle. Elle impose au spectateur une attitude compassée, en contradiction avec les moments de danse. Si bien qu'on attend qu'ils arrivent, regrette qu'ils ne soient pas plus nombreux, jubile quand ils reviennent.Blush
Un film de Wim Vandekeybus
France/ Belgique, 2005
Durée : 55 min
Avec Laura Arís Alvarez, Elena Fokina, Jozef Frucek...
Sortie salles France : 7 décembre 2005[Illustrations : Blush. Photos © Ciné Classic]
Sur Flu :
- Lire la chronique de Sonic Boom (Wim Vandekeybus, spectacle au Théâtre de la Ville, Paris, novembre-décembre 2004)Sur le web :
- Consultez salles et séances sur le site Allocine.fr