Conclave ou "comment recréer la Chapelle Sixtine en 10 semaines"

Le film sur l'élection d'un nouveau Pape, avec Ralph Fiennes, a toutes ses chances aux Oscars 2025. Notamment pour ses décors et costumes, tous pensés avec précision.

Basé sur le roman du même nom de Robert Harris, Conclave sort cette semaine en France, précédé d'une excellente réputation outre-Atlantique. Edward Berger, qui a a reçu l'an dernier quatre Oscars grâce à son adaptation d'A l'Ouest rien de nouveau, pourrait de nouveau faire sensation grâce à ce thriller racontant l'élection d'un nouveau Pape, après la mort soudaine du Souverain Pontif. Le Cardinal Lawrence (Ralph Fiennes) y a la lourde tache d'organiser le vote, en huis clos, avec des dizaines de ses semblables coupés du monde le temps qu'un successeur soit choisi.

Reconstitution fidèle 

Dans la réalité pour ce genre de Conclave, les Cardinaux sont confinés entre le Vatican et la résidence Casa Santa Marta, à Rome. Le problème, c'est que l'organisation religieuse interdit les tournages à l'intérieur de la Chapelle Sixtine. "Le siège de l'Église catholique ne comptait pas faire d'exception pour ce film", détaille Variety, alors il a fallu faire appel à une équipe de décorateurs talentueux. Suzie Davies, qui a récemment travaillé sur Saltburn et qui était à la tête de ce département sur Conclave, a ainsi été chargée de "recréer avec créativité l'une des attractions touristiques les plus visitées au monde, le chef-d'oeuvre de Michel-Ange", écrit le magazine américain. Elle a fait bâtir une fausse Chapelle Sixtine aux studios de la Cinecitta, en Italie, en seulement quelques semaines. Dix, précisément.

"On est partis de d'éléments de décors de 8 pieds sur 2, qui étaient déjà sur place, raconte la chef décoratrice. Nous les avons réassemblés, puis a commencé le travail de peinture, de revêtement des sols avec les équipes qui avaient déjà travaillé sur ces décors pour la Cinecitta. Ces peintres étaient extraordinaires, grâce à eux, nous avons reconstitué la chapelle Sixtine en 10 semaines."

Décors de précision

Pour les décors de la résidence où dorment les Cardinaux, la Casa Santa Marta, là aussi il fallait être au plus près de la réalité. "Enfin, en un peu plus sinistre", s'amuse Davies, qui souligne qu'une bonne partie des "drames" allaient se jouer ici, et que cela devait d'une certaine manière se ressentir aussi dans les choix de décors, loin d'être anodins..

"Il s'agissait de créer une prison presque hermétiquement fermée, bien que très chic, et avec des accessoires modernes, explique-t-elle. Il n'y a pas beaucoup d'éléments dans les pièces habitées le temps du Conclave par les Cardinaux. Pourtant, on devait comprendre d'emblée que certains ont été mieux lotis que d'autres. Comment le personnage de John Lithgow a-t-il réussi à obtenir un appartement palatial ?, par exemple. À la fin, on se rend compte qu'il n'a pas cessé de jouer des coudes, alors on peut se dire qu'il a probablement payé quelqu'un pour obtenir cette chambre... En revanche, ça n'a pas traversé l'esprit de Lawrence qu'en temps de doyen, il aurait pu obtenir une meilleure chambre. Il est probablement au rez-de-chaussée, près des ascenseurs..."

Travail d'équipe(s)

Pour que ça fonctionne, ce travail sur la déco a aussi dû être pensé avec d'autres départements du film, par exemple le chef opérateur Stéphane Fontaine (Un Prophète) ou la costumière Lisy Christl (Anonymous, A l'Ouest rien de nouveau).

"Ces pièces seules auraient été très ternes, si Stéphane ne les avait pas si magnifiquement éclairées ou si Lisy n'avait pas habillé ces personnages de ces merveilleux costumes", considère Davies.

Idem pour la team chargée des effets spéciaux. Attention aux spoilers, cependant : le paragraphe qui suit raconte la fabrication d'une scène clé de Conclave. Si vous ne voulez rien savoir, mieux vaut passer directement aux "détails qui tuent".

Lorsqu'une explosion secoue la Chapelle au beau milieu d'un vote, celle-ci n'a pas été entièrement créée en numérique, de la poussière et des gravats étant réellement tombés sur les acteurs. Ce qui demande "un dispositif particulier, placé aussi haut que possible sur le plafond du studio, à environ 60-70 pieds de haut, détaille la chef déco. Ils ont posé des pistons remplis de roches légères et de poussière pour que ça tombe sur les cardinaux." Qui n'étaient pas joués par des doublures cascades, précise-t-elle :

"Ce sont les acteurs et les figurants qui se trouvaient sous tous ces décombres. Nous devions faire attention à la poussière pour que les gens ne l'inhalent pas. Nous avons fait environ quatre prises de cette explosion. J'avais une brillante équipe d'accessoiristes qui venait tout nettoyer, puis nous réinitialisions et recommencions. Ce tournage fut assez rapide parce que tout le monde était extrêmement préparé. C'était de la précision militaire."

Détails qui tuent

De la couleur des robes à celles des lits de chaque Cardinal, les artistes à la tête de chaque département de Conclave ont travaillé en étroite collaboration, insiste Davies. Leur goût du détail donne au film ce ton si particulier, où au milieu de toutes les traditions, chaque geste "moderne" de ces hommes d'église interpelle le spectateur, qu'ils soient en train de fumer, de vapoter, ou d'utiliser leur téléphone portable.

"Nous avons découvert que tout le film consistait à équilibrer la lumière et l'obscurité, l'honnêteté et le mensonge, l'or et l'argent, le contemporain et le traditionnel, explique la chef décoratrice, qui a pris grand soin, avec son confrère directeur de la photo, de "faire de la Casa Santa Marta un monde visuellement plus sombre, avec des motifs linéaires", et de la chapelle Sixtine, un «"lieu plus clair, qui offre un sentiment de liberté."

La bande-annonce de Conclave, à voir en ce moment au cinéma :