Première
par Thierry Chèze
Comment va la Tunisie, treize ans après le fol espoir de liberté que laissait entrevoir le Printemps Arabe dont il fut le premier épicentre, en 2010, provoquant le départ par la rue de Ben Ali après 23 ans de règne ? Pas au mieux si l’on en croit les cinéastes qui, à intervalles réguliers depuis quelques mois, scrutent l’état de leur pays entre dépit et rage. Après Lofty Nathan (Harka) et Youssef Chebbi (Ashkal), c’est au tour de Mehdi Hmili de témoigner, caméra au poing, au fil d’une fiction largement inspirée par sa propre existence. Un thriller social centré sur une femme seule contre tous. Une ouvrière qui, en allant voir un homme d’affaires pour aider son fils, footballeur doué, à intégrer le club local, va se retrouver prisonnière d’une spirale infernale, quand elle se fait surprendre par la police alors que l’homme en question tente d’abuser elle. Et dans ce pays où toute femme mariée surprise en compagnie d’un homme dans un espace clos encourt 5 ans de prison, elle va être mise derrière les barreaux avant de se lancer, quand elle en sort, à la recherche de son fils, pris au fil de ces années dans les filets des nuits underground de Tunis où les prédateurs rôdent. C’est une Tunisie loin des images d’Epinal que nous montrent cee deux heures intenses où confrontée à une société patriarcale, machiste, totalement corrompue et soumise à la Loi du plus fort, cette mère- courage va devoir elle- même faire des choix moraux impossibles, donnant du relief et de l’âpreté à un film maniant l’ambiguïté comme une arme de précision.