Ou comment un code de censure a changé l'industrie hollywoodienne dans les années 1930.
Sorti en 1938, Les Aventures de Robin des Bois, diffusé ce lundi soir à 20h50 sur Gulli, est un classique américain couronné de trois Oscars reçu en 1939. Si sa qualité et son succès ont marqué l'histoire d'Hollywood, c'est également son thème et son ambiance qui en ont fait un film incontournable lorsqu'on évoque l'histoire du septième art de l'autre-côté de l'Atlantique. Il est l'un des premiers films, avec Le Songe d'une nuit d'été de William Dieterle et Max Reinhardt, à illustrer le tournant pris par la Warner Bros lorsque le Code Hays a été mis en place en 1934. Oubliés les films de gangsters qui avaient fait sa réputation, le studio tente de se refaire une image et d'offrir un visage moins violent.
Quand le puritanisme prend d'assaut Hollywood
La censure, les studios américains la connaissent depuis le début des années 1900 lorsque Chicago instaure des commissions de police pour visionner les longs-métrages. Une première disposition qui en appellera d'autres. Les lobbyistes puritains poussent de nombreuses villes à suivre les traces de Chicago, histoire de cacher le trop-plein de violence ou la moindre scène de nu. Pour essayer de contrôler les choses un minimum et harmoniser les règles de censure, l'industrie du ciné fonde en 1916 son propre organisme, la National Association of the Motion Picture Industry qui devient en 1922 la Motion Pictures Producers and Distributors Association.
William Hays prend le pouvoir
Alors qu'Hollywood est dans la tourmente après une série de faits divers qui font passer le monde du ciné pour un lieu de perversion en tous genres, William Hays, qui dirige la Motion Pictures Producers and Distributors Association décide d'agir en mettant en place, en premier lieu, une série de recommandations ainsi que des certificats de moralité pour les comédiens. Il impose, tant qu'à faire, une liste de "sujets à éviter". Soyons clairs, ces recommandations ne sont pas suivies par tout le monde ce qui a dû franchement agacer le bonhomme bien décidé à faire rimer Hollywood avec puritanisme.
L'ère du Code Hays
Comme de simples recommandations ne suffisaient pas, William Hays crée en 1930 le Code Hays, qui contrôlera la production ciné de 1934 à 1966. Plus de trente ans pendant lesquels les réalisateurs ont les mains liés et doivent faire preuve d'imagination pour détourner les règles de censure qu'ils doivent maintenant appliquer. Hitchcock mise ainsi, à la fin de La Mort aux trousses, sur un train entrant dans un tunnel comme métaphore pour une bonne partie de jambes en l'air. Pour faire court, les réalisateurs doivent respecter "les valeurs morales du public" et montrer "des modes de vie corrects". "La loi naturelle ou humaine ne doit pas être tournée en ridicule" affirme ainsi ce texte que vous pouvez retrouver en intégralité en cliquant ici.
Ce Code Hays affirme également en vrac que "l'obligation de filmer des techniques de meurtre de telle manière qu'on ne puisse pas les imiter", "l'adultère, même si elle est nécessaire pour le scénario, ne doit pas être montrée explicitement", les "poses suggestives ne doivent pas être montrées", "les scènes d'accouchement ne doivent pas être diffusées", "l'obscénité que ce soit en chanson, avec des blagues, des références, des gestes, des mots est interdite", "la nudité totale est interdite", "on ne doit pas tourner en ridicule les croyances religieuses", "les danses avec des mouvements indécents sont jugées obscènes"... Bref, vous voyez le topo.
La naissance de la classification des films
S'il a couru jusqu'en 1966, le Code Hays a marqué des signes de faiblesse dès les années 1940 grâce à l'arrivée de films étrangers non censurés, à l'évolution des moeurs et à la montée en puissance du petit écran (l'année 1940 marque d'ailleurs la création des chaines de télévision ABC et CBS). Les studios se libèrent peu à peu de la censure, même si les lobbies puritains sont toujours présents. Mais ces derniers ne sont plus un barrage au succès d'un film. Conséquences : le Code Hayes est remis à jour en 1966 mais remplacé deux ans plus tard par un système beaucoup moins intransigeant qui classe l'accessibilité d'un film selon l'âge.
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