Depuis le 18 juillet, Gilles Bouleau, correspondant six ans à Washington, est devenu le joker de Laurence Ferrari au JT de 20h de TF1. Télé 7 Jours propose l'interview reconversion d’un baroudeur de l’info.
Depuis le 18 juillet, Gilles Bouleau, correspondant six ans à Washington, est devenu le joker de Laurence Ferrari au JT de 20h de TF1. Télé 7 Jours propose l'interview reconversion d’un baroudeur de l’info.Comment de correspondant aux Etats-Unis devient-on présentateur du 20h ?J’en ai été le premier surpris. Je ne m’y attendais pas. C’était en mars. J’étais en vacances en France, au ski, et je devais rentrer trois jours plus tard à Washington. J’étais sur une piste noire quand mon téléphone a vibré. Je n’ai pas répondu et quand j’ai rappelé trois heures plus tard Catherine Nayl, la directrice de l’info m’a dit : "Gilles, change la date de ton billet d’avion, Harry a décidé de quitter son poste au 20h, on cherche un remplaçant, on a pensé à toi. Viens à Paris qu’on fasse un essai." J’ai donc présenté un faux JT et ça leur a plu. J’ai eu la réponse officielle une dizaine de jours plus tard.Apparemment vous n’avez pas eu le choix.Effectivement, on ne m’a pas dit "est-ce que ça t’intéresse de….". Catherine ne m’a pas trop demandé mon avis. Elle a eu raison car incertain et hésitant comme je suis, j’aurais été capable de dire non. J’ai demandé des conseils à Harry Roselmack, qui est un ami. Il m’a dit : "fonce, une proposition comme ça ne se refuse pas, donc ne le refuse pas."Quelle a été votre plus grande difficulté en arrivant sur le 20h ? C’est de rester frais à 20h, avec l’esprit vraiment en alerte, alors que la journée de travail a commencé à 7h du matin, tout ce parcours pour créer un journal en équipe en essayant de trouver la meilleure architecture possible. J’ai compris qu’il fallait vraiment garder des forces pour aborder le 20H.On vous donne des conseils de présentation en coulisses ? Oui, surtout les premiers jours. J’étais tellement tendu que j’avais tendance à parler trop vite. Harry m’a conseillé, Catherine Nayl aussi, je reçois des sms de confrères… Et chaque soir, on debriefe le JT, on refait le monde, on se dit qu’on aurait pu mieux faire là ou là, etc. Je prends confiance et le TGV qu’est le 20h arrive très souvent à l’heure.C’est un virage étonnant dans votre carrière… Oui, je suis un drôle d’animal (rires). J’ai 49 ans et j’ai fait toute ma carrière à TF1, depuis 1986. C’était encore une chaîne de service public ! Je n'ai jamais bougé de là, sauf pour aller sur LCI présenter la matinale de 1996 à 1999. J’ai débuté au service économie et social, puis j’ai fait le sport, la culture au sens large, la politique, de la présentation, rédacteur en chef d’une émission politique, etc. Puis je suis parti quatre ans à Londres, le paradis des journalistes, et enfin Washington, où j’ai passé six années extraordinaires. 25 ans pendant lesquels j’ai assouvi ma curiosité d’enfance.Justement, ça n’a pas dû être facile de lâcher tout ça.C’est sûr que d’arriver en même temps que l’ouragan Katrina, ou de vivre la montée de Barack Obama au plus près de lui alors que personne ne le connaissait, c’était génial. Il y a eu aussi la mort de Michael Jackson, un événement incroyable aux Etats-Unis et mille autres choses encore ! Mon territoire de jeu était immense entre les USA, le Canada, l’Amérique latine… Depuis 1987, avec mes premiers reportages en Hongrie ou en Yougoslavie, j’ai participé à des tas d’événements historiques !Aujourd’hui vous vivez cette actualité derrière le pupitre de présentateur. Pas trop frustrant ?Non. Je ne regrette pas le terrain parce que ce métier est si passionnant que si on est un curieux pathologique comme moi, il n’y a pas de limites, pas de fin. Mais on sait aussi qu’un jour ça va s’arrêter, ne serait-ce que par la limite d’âge. Et là j’ai vécu un accident heureux, la proposition de TF1, qui me permet de passer à autre chose. J’ai fait le deuil de cette vie à l’étranger excitante, passionnante, où on part le matin et on ne sait pas si on va revenir le soir ou dans dix jours après avoir traqué Ingrid Bettencourt partout en Colombie. Maintenant, toutes ces choses extraordinaires, je vais continuer à les vivre, au JT.Un exercice bien différent du reportage.Techniquement oui, mais dans le fond, non. Les deux ont un point commun car car comme dans mes reportages, la présentation du JT est pour moi l’occasion de prendre les gens par la main, de bien leur expliquer de quoi l’on parle. La pédagogie doit être au cœur de notre métier. C’est juste que dans un JT il faut le faire pendant 38 minutes et non pendant 2 minutes le temps d’un sujet. Pour ça, je me sers en plateau de tous les codes que l’on utilise dans un reportage : la narration un peu cinématographique, le changement de ton, l’image, etc… On ne parle pas de la même façon à 20h, quand on traite de l’actu chaude, et à 20h25 quand on est dans la partie plus magazine.Votre expérience à la présentation de matinale de LCI a du vous servir.Oui, bien sûr car j’avais déjà été confronté par exemple aux incidents classiques des JT : prompteur qui ne fonctionne plus, sujets qui ne démarre pas, etc…. Et puis à LCI je présentais quatre ou cinq jours par semaine, 6 journaux par jour ! J’aurais été incapable de faire le 20h sans avoir fait ça avant. Mais mon dernier journal datait de juin 1999 et on a beau eu me dire pour me rassurer : "tu verras c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas", je n’avais fait que des étapes de plaine et j’avais tout à coup le Galibier à grimper ! J’ai connu deux trois jours de vrai stress au début. Il faut un peu de temps avant de retrouver le vrai relâchement, que j’avais acquis il y a plus de dix après 1 500 JT sur LCI.Qu’avez-vous le sentiment d’apporter de différent des autres présentateurs de JT ?Mon naturel d’abord. On m’a dit "sois à l’antenne ce que tu es". Ca m’a tout de suite enlevé un poids car je n’ai pas à composer un rôle qui n’est pas le mien. De toute façon, on n’attend pas d’un nouveau présentateur qu’il joue la partition d’un Pernaut ou d’une Ferrari. Je joue la mienne avec comme objectif d’être le plus responsable possible vis-à-vis des téléspectateurs.Le fait d’avoir passé longtemps hors de France apporte-t-il un regard nouveau sur votre traitement de l’actualité ?Oui un peu car j’aime mettre l’actualité en perspective, la comparer avec ce qui se passe ailleurs, toujours dans le but d’être le plus pédagogique possible. Si on me dit le poids du cartable en France est de 8 kilos, moi j’ajoute qu’en Grande Bretagne, il n’y pas de cartables ! Et on va voir pourquoi. On peut fonctionner comme ça sur tous les sujets.Votre expérience à l’étranger vous a-t-elle donné des idées d’amélioration du JT français ? Oui, j’ai quelques idées et c’est aussi pour ça que l’on m’a demandé, une fois mon remplacement effectué, de participer à une mission de réflexion sur l’évolution du 20h pour qu’il reste moderne et attractif. Ce n’est pas un chantier à long terme, mais là, pour demain. Il s’agit de réfléchir sur des détails tels que l’habillage, le décor, la durée, le ton, l’écriture un peu punchy à l’américaine, assez brève dont on peut s’inspirerOn ne manque pas de vous comparer à Laurence Ferrari, notamment avec vos bons chiffres d’audience. Vrai ou faux débat ?Ca ne sert à rien de comparer, d’abord parce que tous les remplaçants ont un capital sympathie de la part des téléspectateurs. Tous savent que nous ne sommes là que pendant les vacances, leur degré critique est moins haut, l’actualité est moins dense, moins tendue. Et puis je pense que c’est la marque TF1 et la façon dont le JT est réalisé qui expliquent avant tout le succès ou non d’un JT, avant les présentateurs en tout cas.La tradition veut souvent qu’un remplaçant à TF1 ait aussi son magazine sur TF1 pendant l’année, est-ce votre cas ?L’envie, pourquoi pas ? Mais on n’en a pas encore parlé et il n’y a pas que je sache de projets pour le moment.Et le poste de titulaire du 20h, vous y pensez ?Je n’ai jamais eu de plan de carrière et pour le moment je pense surtout à comment je vais animer mon 20h demain. J’y pense d’autant moins que je n’ai rien demandé, je n’ai pas voulu ce poste de remplaçant.Vincent Rousselet-Blanc de Télé 7 Jours
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