Existerait-il un domaine inaccessible à Monsieur François Begaudeau ? Cet homme est un alchimiste des temps modernes, capable de transformer tout ce qu’il touche en véritable succès et de provoquer un engouement généralisé des critiques comme du grand public.François Bégaudeau naît le 10 juillet 1971 et grandit à Nantes. Chez les Bégaudeau, l’enseignement est une affaire de famille, pourtant François veut à tout prix échapper à cette voie. Il déteste l’école. Il n’y apprécie que les parties de foot, les échanges de disques entre amis ou les réflexions faites de sa place au fond de la classe pour impressionner les filles. Sa grande passion demeure le football. Il joue dans l’équipe locale du club de Mangin-Beaulieu mais ses rêves sont rapidement anéantis…il a beau aimer ce sport, il n’est pas bon joueur ! Malgré cette immense déception, le football reste à vie son dada. Certes, François Bégaudeau déteste l’école mais cela ne l’empêche pas de poursuivre brillamment toute sa scolarité. Il obtient ainsi son baccalauréat au Lycée Jules Verne avec une mention très bien. En 1989, admissible à l’Ecole Normale Supérieure (ENS), il réussit l’écrit mais échoue à l’oral.Il atterrit alors à l’Université de Nantes et en sort titulaire d’une maîtrise de Lettres Modernes. Pendant les années fac il crée juste pour le plaisir avec des amis, le groupe punk-rock Zabriskie Point (1992-1999) dont François Begaudeau est le chanteur. Le nom du groupe est emprunté au célèbre film d’Antonioni. Toutefois, son diplôme en poche, il décide quand même non sans amertume, d’emprunter la voie parentale. Outre son aversion pour l’école depuis l’enfance, les lectures de Passeron et de Bourdieu le confortent dans sa conviction : l’école est un symptôme visible du dysfonctionnement du système républicain et accroît par sa sélection les inégalités. Il obtient le CAPES et l’agrégation et, c’est finalement avec le but de susciter l’envie d’apprendre aux élèves, qu’il fait son entrée dans le monde de l’enseignement. Il tient son premier poste dans un lycée sensible à Dreux avant d’être affecté dans le XIXème arrondissement de Paris. Il se met par la suite en disponibilité pour se consacrer à d’autres activités. La réussite est enfin au rendez-vous.Football, musique, cinéma et enseignement…voici les mots-clés du parcours artistique de François Bégaudeau. Il collabore activement aux Cahiers du cinéma et dans So foot… Mais également dans Transfuge et dans les pages sportives du journal Le monde en 2008 avant de rejoindre chaque jeudi l’équipe de La Matinale sur Canal + pour présenter l’actualité littéraire. Par ailleurs, il acquiert sa renommée grâce à une production littéraire foisonnante et de qualité. En 2003 Jouer juste ou les surprenantes coulisses des mi-temps d’un match de football crée la surprise et révèle ses talents d’écriture. Le livre est même mis en scène au Lucernaire (Paris) en 2006 par Isabelle Duprez. L’accueil réservé à Dans la diagonale en 2005 est plus mitigé. Le livre, un peu déroutant, ne fait pas l’unanimité mais la critique persiste et signe sur le talent de l’auteur. Il enchaîne avec Un démocrate: Mick Jagger (1960-1969), une biographie du chanteur des Rolling Stones, construite à la manière d’un drame grec. Le livre ne suscite pas l’enthousiasme du public mais le style Bégaudeau s’affirme. Fin de l’histoire en 2007, raconte la fin du tourment de Florence Aubenas, ex-otage en Irak. Le style Bégaudeau s’affirme et se confirme, en solo….ou à plusieurs. Avec des amis, écrivains et philosophes, il fonde, en 2004, un collectif inculte ainsi qu’une revue du même nom. Il collabore à plusieurs ouvrages tels que Débuter dans l’enseignement (2007) et Devenirs du roman (2006). En 2007, sort également Une année en France. Le livre reconstitue une succession d’évènements récents tels que le référendum sur la constitution européenne, les émeutes en banlieue et la réforme CPE, sans prendre un ton alarmant ou adopter une démarche scientifique. François Bégaudeau, Arno Bertina et Olivier Rohe parviennent ainsi à restituer une réalité complexe, en évitant toute attitude partisane ou idéologique. Une chic fille (2008) dresse un portrait d’Anna Nicole Smith et décortique à travers elle les ressorts d’une Amérique écartelée entre l’illusion de l’American Dream et la réalité.François Bégaudeau obtient la consécration avec Entre les murs. Le livre, publié en 2006, est sélectionné pour le prix Jean Amila Meckert récompensant les meilleurs livres d’expression populaire et de critiques sociales ; il obtient d’office le prix France-Culture/Télérama, consacrant les jeunes talents. Fruit d’une prise de notes d’une année, vacances scolaires comprises, il relate le quotidien d’un enseignant dans le nord de Paris. Incisif, violent, vif et aigu, le texte colle à la réalité sans nous ménager. Après plusieurs propositions, François Bégaudeau choisit Laurent Cantet pour l’adaptation au cinéma. Les jeunes acteurs révélés dans des ateliers d’improvisation donnent à merveille la réplique face à un François Bégaudeau interprétant un personnage dont il a excellemment défini les contours.Acteur sans expérience, l’ écrivain, qui avoue s’être inspiré de Pialat, endosse aisément, le rôle, un brin provocateur, un brin narquois, incitant au dialogue et allant parfois jusqu’aux joutes verbales…. poussant les élèves, au faible vocabulaire, dans leur retranchement: « Franchement, vous nous parlez mal ! » mais sans jamais rompre la communication même dans les moments les plus critiques. Le Président du jury à Cannes, Sean Penn, est tombé sous le charme de ce film authentique. Le film récolte la Palme d’or 2008 à l’unanimité et contre toute attente puisque sélectionné et programmé à la dernière minute. Depuis, il fait la tournée des festivals et beaucoup lui prédisent même un oscar.Le 13 mars 2008, Remix #4, la nouvelle production du Collectif, inaugure un nouveau genre : un combat d’écrivains. Le principe ? Deux auteurs reprennent une nouvelle (ou la remixent) et confrontent leurs résultats. Quant aux projets solos de François Bégaudeau, loin d’être fatigué par cette folle année, il se dit heureux d’avoir pu concilier ses passions, publie un Anti-manuel de la littérature (2008), un livre comique qui lui ressemble. Il a également réalisé un documentaire sur la campagne présidentielle intitulé Les jeunes militants sarkozystes.