Les acteurs de Totems racontent les dessous de la nouvelle série d’espionnage à la française de Prime Video.
Alors que la nouvelle série française d’Amazon Prime Video intitulée Totems sort aujourd’hui sur la plateforme, Première a rencontré l'équipe de cette production signée Juliette Soubrier, Olivier Dujols (Le Bureau des Légendes) et Jérôme Salle (L’Odyssée). Au casting de cette série d'espionnage à la française, Niels Schneider, Ana Girardot, José Garcia, Lambert Wilson et Vera Kolesnikova sont passés aux aveux.
Que vaut Totems, la belle et ambitieuse série d’espionnage d'Amazon ? (critique)Première : Souvent, les productions concernant la Guerre Froide sont réservées aux États-Unis. Avec Totems, le spectateur est plongé dans cette époque mais d’un point de vue français, ce qui n’est pas commun. Comment vous y êtes vous pris pour la reconstituer ?
Ana Girardot : C’est la première chose que j’ai demandé à Jérôme Salle : 'Comment était la vie à Paris avec cette menace ?' Il m’a expliqué que ça ne se sentait pas du tout, que ce n’était pas dans la culture contrairement aux États-Unis ou en Russie.
Niels Schneider : Olivier Dujols était presque tout le temps avec nous. Il était extrêmement renseigné, donc on parlait énormément, et on regardait aussi des documentaires, on lisait des livres, on était nourris de cette ambiance par des sources extérieures. D’ailleurs dans la série on ne sent pas vraiment le danger quand on est dans la partie française.
Lambert Wilson : On pouvait l’appeler à n’importe quel moment quand une zone historique était trouble. Pour mémoriser le texte, il faut que les éléments techniques soient très clairs, sinon on n’y arrive pas. J’avais donc une sorte de hotline avec lui, et il m’a parlé d’un personnage historique qui a servi de modèle pour mon personnage de Charles Contignet. C’est très bien réalisé, il y a vraiment un souci de précision dans la reconstitution, un travail de l’image avec notamment des images de synthèses aussi pour Berlin et Moscou.
José Garcia : Olivier est tellement bien informé qu’on est nous-même rentrés dans le monde de l’espionnage et du contre-espionnage.
Qu’est-ce qui vous a plu dans ce projet ? Pourquoi l’avoir accepté ?
LW : J’y suis allé un peu à reculons. J’étais très convaincu par Jérôme Salle avec qui j’avais travaillé sur L’Odyssée, mais j’ai surtout été très pris par l’ensemble de la série, tout ce qui s’y passait.
JG : J’adore mon personnage, j’ai été très touché qu’on m’offre ça. J’ai trouvé que c’était un personnage d’une grande solitude, avec beaucoup de failles. C’est ce qui me plait le plus en termes de personnages, surtout à cette époque qui a tendance à homogénéiser les gens. D’avoir un personnage aussi particulier, c’était une espèce de sacerdoce terrible, une quête. Je pense que ce qui est formidable avec les films d’époque comme ça, c’est qu’on a le temps de redécouvrir des acteurs dans un autre univers, ça permet de dépouiller tout l’inconscient collectif qu’on a pu accumuler au fil des années. On a été très gâté sur cette série.
LW : Il y a aussi eu une émulation dans la rencontre avec les acteurs russes, ils sont très incarnés de par leur parcours théâtral, et donc ils imposent un niveau de jeu auquel il faut s’habituer et qu’il faut suivre. Ça fait un petit électrochoc.
JG : On a eu la chance de se retrouver face à des acteurs qui sont passionnés, avec d’autres acteurs eux aussi passionnés, mais avec un autre œil. C’était jubilatoire.
LW : Ce qui est évident c’est que le personnage de José est d’une complexité folle, et j’étais très jaloux de son rôle.
Comment avez-vous construit vos personnages, de quoi est-ce que vous vous êtes inspirés ?
AG : Mon personnage a le même âge que mes grands-mères à la même époque, c’était donc très intéressant de me mettre à leur place, de me demander dans quelle situation sociale elles se trouvaient et ce qu’elles avaient le droit de faire. Par exemple, même mes jupes retenaient mes pas. Et toutes ces scènes que j’ai traversées m’ont permis de réaliser le chemin parcouru par les femmes, pour pouvoir vivre librement et faire nos propres choix de vie. Notamment la scène de l’avortement, qui m’a beaucoup touchée puisqu’une de mes grands-mères est décédée d’un avortement clandestin en 1965, ou encore la scène à la banque. Ça me paraissait très loin et d’un coup c’est devenu très réel et très concret. A l’écrit ça parait un peu classique, mais quand on les tourne ça les rend réaliste, on peut pleinement prendre conscience de l’avancée sociale. Ça m’a permis de prendre d’autant plus de plaisir, au fur et à mesure que mon personnage prend de l’ampleur et prend son destin en main.
JG : C’est compliqué de s’inspirer, même si le passif des héros rappelle celui des héros de Peaky Blinders : on sait que les personnages sortent de la guerre, qu’ils ont connu des atrocités, et qu’ils ont continué à végéter dans les atrocités de la guerre et dans un métier qu’ils savent faire mais qui est très douloureux. Le personnage de Lambert a continué à vivoter, il est devenu responsable d’un des plus grands services des renseignements français. Mon personnage est un homme qui n’a pas toujours choisi les meilleurs camps, qui s’est retrouvé un peu rejeté mais qui est tout de même resté patriote et qui est un besogneux de la guerre, qui vit dans le drame et dans la douleur. C’est une éminence grise.
Totems, c’est une histoire d’espionnage bien sûr, mais c’est aussi une histoire de femmes et une histoire d’amour. Est-ce que finalement ce n’est pas une histoire d’adrénaline ?
NS : Quelque part, oui. En tout cas le personnage de Francis est un homme qui a une vie tranquille, c’est quelqu’un de très droit, qui vit un amour sans adrénaline, mais ça lui va, il ne se rend pas compte que ça lui manque. C’est quand il va se faire embarquer dans cette histoire qu’il va s’en rendre compte. Si c’est un monde qu’il ne valorise pas du tout au départ, il va finalement se révéler assez doué, devenir un peu accro à cette adrénaline et se retrouver coincé entre sa vie et ce besoin d’y revenir sans cesse, notamment avec Lyudmila.
On ressent d’ailleurs une forme d’amour différent avec votre personnage, Vera Kolesnikova, puisque Lyudmila a un amour très fort pour son père. C’est quelque chose que vous avez vécu ?
Vera Kolesnikova : Oui, j’ai des relations assez compliquées avec mon père, mais la série m’a beaucoup aidée et je pense que j’ai réussi à les soigner. Les scènes avec mon père à l’écran m’ont beaucoup touchée.
Lambert Wilson et José Garcia, plus que les autres membres du casting, vous avez grandi pendant la Guerre Froid. Est-ce que vous avez des souvenirs de cette époque que vous avez utilisé pour vos rôles ?
LW : Je me souviens d’une pensée qui est encore très présente dans mon esprit. Je me disais que c’était complètement fou, quand je regardais une carte du monde, d’imaginer que ce territoire qui correspondait à l’URSS, m’était interdit. Que je ne pourrais jamais y aller librement. Je pouvais aller partout, sauf là-bas, et c’était quelque chose de très concret jusqu’en 1989. Ça existait dans ma vie d’adulte. Et puis, il y avait aussi la menace nucléaire : avec les événements de Cuba, on sentait une menace nucléaire et de guerre mondiale. On manifestait contre ça, et vraiment ça a marqué ma jeunesse.
JG : Surtout qu’une bombe a été lâchée sur Hiroshima. A partir du moment où un pays avait déjà usé cette bombe, ça faisait très peur. Pour ma part, j’habitais à côté de l’ambassade russe, et ma famille était très communiste. Une fois, quelqu’un était venu à la maison avec des Russes, et c’était dingue de voir la différence et l’inquiétude qui régnait, tout le monde se méfiait de tout le monde. Il y avait une dureté dans le bloc communiste, c’était très austère… On voyait la rudesse dans les gens, la façon dont ils sortaient même de l’ambassade. Et c’est quelque chose que j’ai retrouvé sur le tournage.
LW : J’ai tourné en Pologne pendant le Rideau de Fer, et c’est comme si j’avais été en Allemagne de l’Est. Et il y avait cette plaisanterie qui tournait : les gens disaient qu’il y avait un seul communiste dans le pays, mais qu’on ne savait pas qui c’était. Donc on ne pouvait pas en parler, c’était un état de méfiance permanence. Et je trouve que c’est extrêmement bien représenté dans la série. Par exemple, lorsque les personnages sont à Berlin pour le congrès scientifique, on comprend bien que tout le monde est surveillé. Je me rappelle avoir été dans des hôtels en Pologne, avec quelqu’un surveillant les allers et venues de chaque étage et de chaque chambre. C’était impossible d’échapper au regard permanent de l’État.
Peut-on espérer une suite ?
NS : On espère pouvoir travailler encore sur cette série, oui.
Totems est disponible sur Prime Video. Sa bande-annonce :
Totems : Niels Schneider et Lambert Wilson dans la nouvelle série française de Prime Video [bande-annonce]
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