Jean-Xavier de Lestrade s’empare de l’histoire vraie du violeur de la Sambre pour réaliser une fiction aussi sobre qu'haletante et surtout très impressionnante.
Même si de Lestrade a déjà fait du True Crime (en doc comme en fiction), on pense tout de suite à un autre film d’un autre cinéaste : La Nuit du 12. Comme le film de Dominik Moll, Sambre est une série d’enquête tenue et aussi économe que puissante dans sa manière de s’emparer du fait « divers » pour parler, au fond, d’un phénomène de société. Ici pas d’outrance, pas de sang ni d’effets racoleurs. Une victime (qui en symbolise des dizaines), un violeur – qui sont au cœur respectivement du premier et du dernier épisode – et au milieu des personnes qui ont chacune fait évoluer l’enquête et la perception qu’on a pu avoir de cette histoire terrifiante.
Pendant plus de trente ans, entre la France et la Belgique, Dino Scala a violé des dizaines de femmes (on parle de cinquante ou soixante victimes) au bord des départementales du val de Sambre. Arrêté en 2018, son procès vient de se terminer il y a quelques semaines. La journaliste Alice Géraud avait tiré de cette histoire un livre phénoménal, sobre et tétanisant, qui retraçait l’affaire en se concentrant sur les victimes autant que sur les failles de la police et de la société. Elle listait (et faisait entendre la voix) des dizaines de femmes qui avaient croisé la route de ce violeur en série et surtout posait la question : comment ce type a-t-il pu agresser autant de femmes pendant trente ans, le long d’une même route, sans être inquiété ? Le livre était accablant pour l’institution policière et judiciaire, indifférente au mieux, et parfois juste cruelle.
La série qui commence ce soir sur FranceTV est une vraie réussite et s'affranchit du livre pour lui conférer une autre forme de pouvoir et de fascination. Jean-Xavier de Lestrade a choisi de donner une tournure dramatique à cette tragédie, et tout en collant au plus près de la réalité du livre, utilise la fiction (chaque protagoniste est affublé d’un nouveau nom) pour raconter à la fois l’incroyable impunité dont a bénéficié le violeur et la manière dont les victimes ont été anonymisées pendant des décennies. Surtout, là où le livre de Géraud fonctionnait comme une longue litanie, étirée, redonnant une identité aux victimes, la série est construite en silo. Incroyablement écrit (les dialogues sont d’une justesse soufflante) et remarquablement interprété (mélangeant jeunes espoirs et acteurs confirmés), chaque épisode suit donc un point de vue : une victime, un policier, une magistrate, une édile, une scientifique pour s’achever sur le parcours du violeur. Cette succession de strates, de regards, montrent les différentes tentatives d’alerter la population ou de retrouver le criminel qui s’amassent, l’une après l’autre, sans jamais s’additionner et finissent le plus souvent par s’abolir dans des dossiers poussiéreux. Face à cela, la violence du criminel et l'apathie de la société restent longtemps inébranlables.
Les deux premiers épisodes de Sambre sont diffusés ce lundi 13 novembre sur France 2. L'intégrale de la saison 1 est déjà disponible intégralement sur le site de FranceTV
Commentaires