Scènes de la Vie Conjugale
HBO

À l'origine du remake qui se termine ce soir sur OCS en France, le créateur Hagai Levi décrypte, pour Première, la manière dont il s'est approprié l'œuvre de Bergman.

Créateur de Betipul, la série originale qui inspira En Thérapie (et In Treatment aux USA), et plus récemment de The Affair, couronnée aux Emmy Awards, le réalisateur et scénariste israélien Hagai Levi est à l'origine du remake de Scènes de la Vie Conjugale. Une nouvelle version, qui s'approprie l'oeuvre culte d'Ingmar Bergman de 1973, tout en respectant l'originale, avec laquelle Levi confesse avoir une histoire très personnelle...

Scènes de la Vie Conjugale : le grand art du remake (critique)

Vous souvenez vous de la première fois où vous avez vu Scène de la Vie Conjugale, de Bergman ?
J'ai vu le film (tiré de la série de 1973, NDLR) pour la première fois alors que j'était très jeune. Je n'avais que 18 ans. Je vivais dans un petit Kibboutz en Israël, j'étais très innocent, je ne connaissais rien à l'art. Je ne connaissais rien à rien en fait. Alors aller voir Scènes de la vie Conjugale, ça m'a fait un choc. Une telle vérité nue. Une telle brutalité. Aussi, j'ai été touché par le minimalisme du film. On peut juste faire parler des gens et créer de l'art ! C'est probablement ce choc qui a orienté ma vie, qui a fait que j'ai eu envie de faire des études de cinéma par la suite. De travailler dans ce milieu.

Pourquoi avoir eu envie d'en faire un remake alors ?
Effectivement, ça a été un questionnement permanent pour moi... J'ai dû passer toute la production à me poser cette question : pourquoi en faire un remake ? Et pourquoi ce serait à moi de le faire ? Du coup, j'ai fait quelque chose qui me ressemble, en écrivant un mari plus proche de qui je suis, moi. En l'écrivant comme un homme de confession juive. Et en écrivant aussi l'épouse par rapport aux femmes que je connais...


Scènes de la vie Conjugale est célèbre pour avoir conduit à une augmentation du nombre de divorces à l'époque, surtout en Scandinavie. C'est quelque chose que votre série peut entraîner en 2021, d'après vous ?
A mon avis, si mon remake a un quelconque impact sur la société, ce sera l'inverse ! Bergman a fait sa série avec ce message, disant que le mariage tue l'amour, pour résumer les choses simplement. Moi, je parle plutôt du prix de la séparation. C'est quelque chose dont on parle peu de nos jours, dans nos sociétés. Bergman n'a pas cherché à booster les divorces. C'est juste arrivé. Alors si je devais espérer que ma série produise quelque chose, ce serait de reconsidérer la légèreté insupportable avec laquelle on envisage le divorce ou la séparation aujourd'hui.

Ingmar Bergman disait avoir choisi de tourner pour la télévision, pour pouvoir approcher sa caméra au plus près des acteurs. Il y a ce même rapport à l'intimité dans vos plans non ?
Bergman faisait aussi ça dans ses films en fait... Ces gros plans extrêmes... Pour moi, ce n'était pas très compliqué de reproduire ça. C'est ce que je fais naturellement. Au point où je dois me restreindre d'ailleurs ! Si je pouvais, je ferais la série en ne filmant que les yeux (rires) ! Au bout du compte, ces gros plans sont vraiment un outil que j'ai utilisé pour faire des transitions d'une scène à l'autre. C'est le personnage qui fait la transition.

Dès le départ, vous aviez en tête que Jessica Chastain et Oscar Isaac seraient vos Jonathan et Mira ?
Il y a cinq ans, lorsque j'ai commencé à écrire, mon premier jet était très différent de la version actuelle. Mais Jessica était déjà l'une des deux que j'avais en tête. Parce qu'elle a cette combinaison de fragilité et de puissance, et de passion. Quelque chose de très rare. On sent bien que c'est une rousse ! (rires) C'était une combinaison essentielle pour le personnage. Malheureusement, elle n'était pas disponible, quand on a commencé la production il y a environ deux ans. Oscar, lui, était parfait pour le rôle. Physiquement surtout. Parce que je voulais transformer le personnage du mari, le faire passer d'un mâle Alpha à un mâle Beta. Oscar est un sex-symbol, d'accord, mais j'ai senti que je pouvais en faire un homme plus inhibé, tout en gardant ce côté sexy. Et puis le fait que lui et Jessica soient très amis, dans la vie, ça a été comme une évidence. Alors quand elle a pu se libérer pour faire la série, on a sauté sur l'occasion. Ils formaient notre couple idéal.